L’ÉDITO DE FRANÇOIS GRAVEL: DÉCISION CRUCIALE À L’U DE M
L’Université de Moncton prendra sous peu une décision cruciale pour son avenir et qui n’a rien à voir avec la consommation de cannabis sur le campus.
Nous parlons évidemment de la nomination à venir d’un nouveau recteur. Le poste est vacant depuis la démission de Raymond Théberge, qui a abandonné le navire il y a quelques mois afin de devenir commissaire aux langues officielles du Canada.
L’identité des candidats intéressés au poste circule depuis déjà quelque temps. La liste a même été diffusée à Radio-Canada. La bonne nouvelle, c’est qu’on y retrouve un peu de tout. Il y a des candidats qui ont occupé des postes de direction dans d’autres universités (y compris un recteur) ou qui ont fait carrière dans d’autres sphères (fonction publique, secteur privé, etc). Certains ont fait la majorité de leur carrière à l’Université de Moncton, alors que d’autres noms nous arrivent de l’extérieur de la province. La plupart ont des doctorats, mais pas tous.
Bref, les décideurs pourront piger dans une banque de candidatures variées et compétentes. Ce n’est pas un détail insignifiant pour un établissement qui a par le passé mis à mal la crédibilité de son processus d’embauche.
En 2012, l’Université de Moncton s’était ridiculisée au moment d’embaucher un successeur à son recteur de longue date Yvon Fontaine. Raymond Théberge avait plus ou moins obtenu l’emploi par défaut, après que l’Acadie Nouvelle ait révélé que l’autre finaliste était une figure très controversée. Un troisième candidat, Bernard Richard, avait été tassé, dans tout ce qui a encore aujourd’hui les apparences d’un règlement de comptes.
Rappelons-nous aussi le fiasco de 2011, quand un comité consultatif a fortement recommandé l’embauche d’Yvon Dandurand à titre de vice-recteur. La décision avait ensuite été renversée à l’initiative d’Yvon Fontaine, ce qui avait fait grand bruit.
Si l’Université de Moncton fait bien ses devoirs et résiste à la tentation de tomber à nouveau dans le grenouillage, elle devrait pouvoir s’offrir dans la prochaine année un recteur digne de ce nom. S’agira-t-il de la perle rare dont l’établissement a tant besoin? Il faudra faire preuve de patience avant de le découvrir.
Par contre, une chose est claire. L’U de M doit embaucher le meilleur candidat. Pas celui ou celle qui fait le plus son affaire ou qui compte le plus d’amis au sein du conseil des gouverneurs, mais bien la personne qui sera capable de redresser la barque.
Les défis sont en effet colossaux. L’économiste Richard Saillant n’y est pas allé de main morte cette semaine, au cours d’une conférence portant sur l’avenir de l’U de M. Il a expliqué que l’institution risque de subir plus tôt que tard un «choc majeur». Déclin démographique, chute des inscriptions, subventions stagnantes et piètre état des finances publiques sont sur l’écran radar.
Tout cela, alors que le mode de gouvernance freine, selon lui, la capacité de l’U de M de se restructurer et de se réinventer. On devine aussi que le fait que l’établissement a été dirigé dans les cinq dernières années par un ancien fonctionnaire qui hésitait à brasser les choses et qui semblait être un adepte du statu quo n’a en rien amélioré ses perspectives d’avenir.
Un autre signal d’alarme a été entendu ces derniers jours. Le président du comité organisateur des conférences Acadie 2020 affirme que l’institution acadienne se trouve à une croisée existentielle.
Dans une longue lettre publiée samedi dans nos pages, il explique que l’U de M «est figée sur la défensive». Il parle d’un sentiment d’urgence pour qu’elle devienne plus novatrice et déplore que le statu quo se présente trop souvent comme étant «la seule solution pratique».
Notons que ces conférences sont organisées par l’alUMni. Cette organisation est surtout connue pour son rôle premier qui est de garder le contact avec les anciens étudiants et amis de l’Université de Moncton, de leur offrir certains services, de gérer des fonds de bourse et d’encourager les diplômés à faire des dons à leur alma mater.
Pas exactement le genre d’association de laquelle on s’attend de voir des sorties controversées. Que l’organisateur d’une conférence liée étroitement à celle-ci utilise des mots aussi durs pour décrire la situation actuelle à l’Université de Moncton montre bien à quel point les préoccupations sont nombreuses.
La façon dont celle-ci saura faire face aux énormes défis qui l’attendent sera déterminante. Et à la base, tout part d’en haut.
Nous ignorons ce que proposent les différents candidats au rectorat, ni ce que le conseil des gouverneurs recherche. Nous savons toutefois qu’il ne peut pas se permettre de se tromper encore une fois.
Le temps n’est plus à l’hésitation, mais à l’audace. Des décisions difficiles devront être prises. Assurons-nous d’avoir en place l’homme ou la femme de la situation.