ÉDITORIAL: LE CANNABIS, LE GOUVERNEMENT ET SES RESPONSABILITÉS
C’est maintenant fait, il est désormais permis au Canada d’acheter et de fumer du cannabis à des fins récréatives. Il s’agit d’un moment historique pour les uns et d’un jour sombre pour d’autres. Nous n’avons pas fini d’en mesurer les implications.
À court terme, le principal impact de la légalisation du cannabis à des fins récréatives au Nouveau-Brunswick s’est fait sentir dehors, à l’entrée des succursales de Cannabis NB. Dès les petites heures du matin, des gens ont commencé à faire le pied de grue afin d’être parmi les premiers à acheter leur gramme de pot.
Il s’agit peut-être là de la principale surprise du jour. Le cannabis est officiellement interdit par l’État depuis si longtemps qu’il était permis de croire que même une fois ce produit légalisé, les consommateurs hésiteraient à se rendre au vu et au su de tous acheter leur dose.
C’est le contraire qui s’est produit. Dans plusieurs endroits au pays, il y a carrément eu rupture de stock. Le Nouveau-Brunswick, qui a bien fait ses devoirs dans ce dossier, a su composer avec cette forte demande des premiers jours.
Les magasins sont bien situés, quoique peu nombreux, l’offre est variée et des employés s’assurent que les consommateurs présents ont l’âge minimum prévu par la loi. Les commerces sont au goût du jour, presque trop luxueux pour un tel produit qu’on s’attendrait plutôt de voir dans une tabagie ou un dispensaire.
Nous sommes loin du revendeur qui écoule sa marchandise dans sa voiture ou à son domicile auprès d’un client inquiet de voir apparaître un policier au coin de la rue.
Cette nouvelle donne en préoccupe plus d’un. Autant par la qualité de ses commerces que par sa campagne publicitaire, Cannabis NB se retrouve dans les faits à rendre cool un produit qui, dans le fond, reste une drogue, même si elle n’est plus illégale aux yeux du gouvernement canadien. Santé Canada s’intéresse d’ailleurs de près aux tactiques de vente de la société de la Couronne, laquelle a possiblement enfreint la loi. À suivre.
Par ailleurs, il faut convenir que la situation actuelle n’est pas banale. Il y aura un avant et un après. Les enfants d’aujourd’hui seront surpris d’apprendre en vieillissant que la vente et l’achat de cannabis ont déjà été interdits. Ils interpréteront cela de la même manière que nous le faisons à la pensée que les gouvernements ont déjà imposé la prohibition de l’alcool. Celle-ci a été en vigueur au Nouveau-Brunswick de 1917 à 1927.
La fin de celle-ci n’a pas entraîné la faillite des bootleggers du jour au lendemain, tout comme on retrouve encore aujourd’hui des trafiquants de cigarettes. De même, ce n’est pas vrai que l’ouverture de 12 magasins spécialisés dans la vente de cannabis va permettre de venir à bout à court terme du marché noir dans la province.
Cela a toutefois l’avantage de mettre fin à l’hypocrisie ambiante à ce sujet. Le cannabis existe. Des dizaines de milliers de NéoBrunswickois en fument déjà, y compris des adolescents. Allez faire un tour non loin des cours des polyvalentes pour vous en convaincre.
Le gouvernement provincial offre aujourd’hui une solution de rechange plus sécuritaire. Vous savez désormais exactement ce que vous achetez et de qui vous le procurer.
Au lieu de faire comme si ce produit n’existait pas, le gouvernement provincial peut désormais faire des campagnes de sensibilisation. Il était difficile de dire aux jeunes de ne pas fumer de joint quand, officiellement, personne n’est censé en acheter (à l’exception notable, depuis quelques années, de ceux qui fument du cannabis thérapeutique).
Il sera maintenant possible de prévenir de façon plus efficace la population des dangers de ce produit, comme nous le faisons déjà pour la cigarette et l’alcool. Car oui, il s’agit là aussi de drogues, comme le cannabis.
La cigarette entraîne une forte dépendance et est la principale cause responsable du cancer du poumon. Et que dire des ravages causés par l’alcool, qui cause chaque année des milliers d’accidents de la route et qui contribue à détruire des familles. Parlez-en à ceux qui ont grandi avec un ou des parents alcooliques…
Dans un monde idéal, toutes ces drogues devraient disparaître. Dans la pratique, c’est impossible. Les politiciens ont compris au début du siècle dernier que la prohibition (de l’alcool) était vouée à l’échec et ils en sont venus à la même conclusion dans les dernières années avec le cannabis.
L’interdiction totale n’a pas mis fin au marché noir ni empêché les adolescents d’en consommer. Aussi bien se rendre à l’évidence et essayer autre chose. C’est là où nous en sommes.
Cela n’absout pas le gouvernement du Nouveau-Brunswick de toute obligation. Il n’est pas un simple revendeur. Avec la légalisation, il est toutefois en meilleure position pour exercer ses nouvelles responsabilités dans un but de santé publique. Exactement comme il le fait déjà avec l’alcool.