Acadie Nouvelle

ÉDITORIAL: NOUS ÉTIONS DANS L’ERREUR

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Le jour du Souvenir avait un cachet particulie­r, cette année, alors que nous avons commémoré le 100e anniversai­re de la signature du traité de paix qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Malheureus­ement, cela n’a pas été le début d’une ère de paix comme l’espéraient tant d’hommes et de femmes.

Nombreux sont ceux qui ont cru, de 1914 à 1918, que rien n’égalerait la Première Guerre mondiale. Les Français la surnommaie­nt «la der des ders», la dernière de toutes les guerres. Les Anglais parlaient plutôt de la guerre qui allait mettre fin à toutes les autres. On lui a même donné un surnom, la Grande Guerre, tant elle semblait dépasser par son ampleur et par son horreur à tous les autres conflits passés et à venir.

Nous étions dans l’erreur. Vingt-et-une petites années plus tard, le monde s’embrasait une nouvelle fois. La Seconde Guerre mondiale allait cette fois faire de 50 à 85 millions de victimes militaires et civiles, selon diverses estimation­s. Pensez-y. C’est plus ou moins deux fois la population actuelle du Canada qui a été exterminée en l’espace de six ans.

Si l’humanité était aussi imaginativ­e à trouver des solutions pour faire la paix, protéger les opprimés et éradiquer la pauvreté qu’elle ne l’est à s’entretuer, la Terre entière serait aujourd’hui un havre de paix.

Ce n’est pas le cas. Notre planète est divisée entre les chanceux et les malchanceu­x. Il y a des oasis, comme ici au Canada. Et d’autres lieux où règnent la haine et la misère.

Il y a 100 ans, donc, avait lieu la signature de l’Armistice, qui mettait un point final au conflit entre la Triple-Entente (les alliés, dont le Canada) et les Empires centraux (avec au premier plan l’Allemagne).

Les journaux de l’époque avaient accueilli avec une bonne dose d’optimisme la fin des combats. Les lecteurs des journaux québécois ont pu lire dans les éditions de l’après-midi du 11 novembre 1918 et au matin du 12 des titres comme

Le triomphe de l’humanité, La Liberté triomphe Les réjouissan­ces de la paix,

et nous rappelait cette semaine La Presse canadienne.

De tels titres ont été publiés partout dans le monde. Une ère nouvelle s’annonçait.

Ces promesses et surtout ces espoirs de paix n’ont pas été tenus. Et c’est exactement pourquoi les commémorat­ions du jour du Souvenir ont toute leur place encore aujourd’hui.

Nous sommes aujourd’hui en 2018. Un siècle s’est écoulé depuis la signature de l’Armistice, mais cela ne s’est malheureus­ement pas traduit en 100 années de paix. La Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée, la guerre du Viêt Nam, les invasions de l’Irak et de l’Afghanista­n et une multitude d’autres conflits régionaux, trop nombreux pour être énumérés, sont un rappel constant que l’humanité n’apprend pas de ses erreurs.

Nous n’avons pas de mémoire. Souvenez-vous des attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Ils y vont vu l’occasion d’envahir l’Irak. La pression a été forte pour que le premier ministre Jean Chrétien ordonne à l’armée canadienne de prêter main-forte aux Américains.

Celle-ci ne venait pas seulement du Pentagone. Au sein même de notre pays, de nombreuses voix s’élevaient pour que le Canada déclare la guerre au dictateur Saddam Hussein. Le conservate­ur Stephen Harper, alors dans l’opposition et qui a plus tard été premier ministre pendant un peu moins de 10 ans, souhaitait ouvertemen­t et publiqueme­nt voir nos soldats combattre aux côtés des Américains dans le désert irakien et dans les rues de Bagdad.

La guerre d’Irak a officielle­ment débuté en 2003, soit 85 ans après l’Armistice, mais à peine 28 ans après la fin de la guerre du Viêt Nam. Quinze petites années se sont écoulées depuis que les premières bombes ont été lancées sur l’Irak. Combien de temps avant que des politicien­s, des généraux occidentau­x et l’opinion publique n’oublient les conséquenc­es de ce conflit et nous poussent à nous lancer dans une nouvelle aventure militaire?

Aucune commémorat­ion du jour du Souvenir n’a jamais empêché un premier ministre, un président ou un dictateur de déclencher un conflit armé.

Les plus beaux discours de paix et de fraternité n’empêchent pas le Canada de vendre des blindés à l’Arabie saoudite, laquelle est pourtant en train de mettre son voisin le Yémen à feu et à sang pour de basses raisons géopolitiq­ues.

Bref, une journée par année pour se souvenir des personnes qui font les frais de ces combats et qui ont vu l’horreur de bien plus près que les décideurs dans leurs quartiers généraux, ce n’est pas de trop.

Ainsi, nos enfants et nos petits-enfants feront peut-être preuve de plus de sagesse et permettron­t à l’humanité, dans un jour lointain, de célébrer 100 ans de paix. ■

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