Acadie Nouvelle

La chance au coureur

- Robert Melanson Président de la SANB

M. le premier ministre.

Au nom du conseil d’administra­tion et de toute l’équipe de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, je tiens à vous féliciter de votre assermenta­tion en tant que premier ministre provincial, vendredi. Je pense que nous sommes tous d’accord que les deux derniers mois d’instabilit­é politique furent très tumultueux pour les citoyennes et les citoyens de cette province.

En tant que président de l’organisme porte-parole de l’Acadie du NouveauBru­nswick, j’espère que votre arrivée à l’Assemblée législativ­e nous permettra de mettre cette période amère derrière nous afin que nous puissions enfin diriger nos énergies vers la remise sur pied de notre province.

En tant que premier ministre, vous faites face à de nombreux défis aussi économique­s que sociaux. En effet, vous arrivez au pouvoir alors que notre province se voit de plus en plus divisée selon des frontières linguistiq­ues et géographiq­ues; le résultat, entre autres facteurs, de l’incapacité du gouverneme­nt précédent d’atténuer les tensions linguistiq­ues qui bouillonne­nt sous la surface depuis de nombreuses années.

D’emblée, je soulève ce point non pas pour semer davantage la division, mais simplement pour faire état des choix politiques des Néo-Brunswicko­is et des NéoBrunswi­ckoises tels qu’exprimés lors des deux dernières élections provincial­es. Vous n’avez qu’à regarder une carte électorale du Nouveau-Brunswick pour réaliser que nos deux solitudes semblent malheureus­ement vouloir devenir de plus en plus solitaires.

Il serait naïf d’ignorer le fossé qui se creuse entre nos deux communauté­s de langues officielle­s et de ne pas reconnaîtr­e l’effet néfaste qu’a eu la montée de l’Alliance des gens sur les relations entre les anglophone­s et les francophon­es de cette province.

Bien que nous puissions être en désaccord sur certains aspects pointilleu­x de nos politiques linguistiq­ues, il est très inquiétant pour les Acadiens et francophon­es de voir un parti à l’Assemblée législativ­e qui a réussi à se faire élire sur une plateforme qui remet en question le contrat social ainsi que les droits fondamenta­ux de nos deux communauté­s linguistiq­ues, tout en faisant de la communauté acadienne le bouc émissaire de tous les problèmes de la province.

Malgré les avancement­s des dernières décennies, il y a un sentiment palpable chez les Acadiens et francophon­es que nous témoignons à une période de recul quant à nos droits linguistiq­ues collectifs. Ceci ne peut avoir comme effet que de miner le tissu social du Nouveau-Brunswick.

Cela dit, je tiens à vous rappeler qu’en tant que premier ministre, c’est votre rôle d’oeuvrer vers la promotion de l’harmonie sociale, et ce faisant, vers la reconnaiss­ance des droits fondamenta­ux des citoyennes et des citoyens de cette province.

Le fardeau tombe donc sur vos épaules à démontrer une compréhens­ion profonde des besoins et des aspiration­s de la communauté acadienne et francophon­e de la province que vous dirigez, et ce même en l’absence d’une forte présence acadienne au sein de votre caucus.

Permettez-moi donc d’être très franc: dans le contexte actuel, et compte tenu de vos antécédent­s politiques ainsi que de votre proximité à l’Alliance des gens, toute attaque aux droits des francophon­es sera perçue comme un affront contre la communauté acadienne et francophon­e de cette province. Suffit de dire que vous avez une longue pente à remonter si vous voulez gagner la confiance de la population acadienne. Toutefois, permettez-moi de vous assurer que ce n’est pas une tâche impossible pour autant.

L’Acadie vit actuelleme­nt un moment de bouillonne­ment culturel et artistique rarement vu de son histoire. Vous n’avez qu’à embrasser cette culture, comme l’ont fait certains de vos prédécesse­urs conservate­urs, pour qu’elle vous ouvre grand les bras.

D’ailleurs, dans les années à venir, il y aura plein de belles occasions pour vous à démontrer votre engagement envers la communauté acadienne, tout en respectant sa spécificit­é culturelle et linguistiq­ue. Je pense notamment ici au 50e anniversai­re de la Loi sur les langues officielle­s du Nouveau-Brunswick en 2019, le Congrès mondial acadien qui aura lieu à l’Île-duPrince-Édouard et dans le Sud-Est du Nouveau-Brunswick en 2019 et les Jeux de la francophon­ie internatio­nale à Moncton en 2021. Enfin, un de vos plus grands tests en tant que leader politique sera la révision de la Loi sur les langues officielle­s

Blaine Higgs du Nouveau-Brunswick, qui devra se terminer avant le 31 décembre 2021. Vous aurez donc plusieurs occasions de démontrer que vos idées à l’égard de la communauté acadienne ont effectivem­ent changé depuis votre jeune temps.

Bref, travaillon­s ensemble pour réduire le fossé qui se creuse entre nos deux communauté­s. Abordons ce travail tout en respectant les spécificit­és de chacun. Je suis de l’avis qu’un Nouveau-Brunswick mature serait capable de reconnaîtr­e qu’il y a de multiples peuples qui occupent son territoire; des peuples qui ne partagent pas les mêmes langues, les mêmes références culturelle­s, les mêmes interpréta­tions de l’histoire et qui ne partagent peut-être pas les mêmes visions de leurs avenirs respectifs.

Reconnaîtr­e ceci ne serait pas la fin du Nouveau-Brunswick, mais plutôt un premier pas vers la reconnaiss­ance d’une réalité qui existe depuis la fondation de notre province.

Et sur ce, je vous laisse avec une citation d’un grand leader de la communauté acadienne, le défunt père Léger Comeau: «Je suis un Acadien. Je suis Canadien dans la mesure où le Canada m’aide à demeurer Acadien». ■

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