L’immigration, solution aux problèmes de main-d’oeuvre des entreprises du Restigouche-Ouest
Le manque criant de main-d’oeuvre dans le Restigouche-Ouest force ses communautés à se tourner de plus en plus vers l’immigration. Un monde d’occasions qui comporte aussi son lot de défis.
Dans la grande région de Saint-Quentin, il y aurait aisément à l’heure actuelle plus de 200 emplois non pourvus.
Le problème est sérieux, car cela compromet des successions d’entreprises, empêche des projets d’agrandissements et d’innovations, et nuit tout bonnement au développement communautaire de l’ensemble du Restigouche-Ouest.
Comme plusieurs autres communautés, Kedgwick et Saint-Quentin font le pari de l’immigration comme partie prenante de la solution. Mercredi, les gens d’affaires de ces deux communautés avaient rendez-vous au Palais Centre-Ville de Saint-Quentin pour un déjeuner traitant de cet enjeu.
«L’immigration est un élément crucial de notre développement. Car même si les gouvernements nous donnaient davantage d’incitatifs pour faire plus d’enfants, ça ne fonctionnerait pas. Le manque de main-d’oeuvre est une problématique actuelle qui nécessite des actions maintenant», a lancé à la foule la nouvelle agente d’intégration, Cynthia Blanchette.
Nouvellement mis sur pied, son poste consiste à coordonner les différents services disponibles pour faciliter l’intégration et la rétention des immigrants dans la région.
Propriétaire des Ateliers Gérard Beaulieu (AGB), Marc Beaulieu est bien au fait des problèmes engendrés par le manque de main-d’oeuvre.
«Je connais plusieurs entreprises qui aimeraient aller de l’avant avec des projets qui dorment faute de personnel. Chez moi, c’est très difficile de remplir mes quarts de travail de nuit. Ceux de fin de semaine, on n’en parle même pas! En fait, je suis à la moitié de mes capacités de production. On est plusieurs dans le même bateau», explique-t-il.
À l’heure actuelle, 50% de son personnel provient de l’extérieur de Saint-Quentin: des gens de Campbellton, de Bathurst, de GrandSault et même de la Péninsule acadienne. La réalité est telle qu’il doit maintenant aller recruter beaucoup plus loin. M. Beaulieu a d’ailleurs recruté quatre immigrants...
CONSTRUIRE POUR ACCOMMODER
Président et chef d’opération au Groupe Savoie, Alain Bossé, recherche également plusieurs employés. À elle seule, son entreprise pourrait embaucher demain matin une cinquantaine de personnes.
«À pareille date l’an dernier, nous étions environ 650 employés et aujourd’hui nous sommes aux alentours de 600. Ce n’est pas parce qu’on le veut, mais en raison de l’absence de main-d’oeuvre. On a dû fermer des quarts de travail et réduire nos opérations», explique M. Bossé.
L’entreprise est allée recruter à l’international. Elle emploie aujourd’hui une vingtaine d’immigrants, principalement des Philippins. Et les efforts se poursuivent.
«Nous avons organisé des missions de recrutement en France, en Belgique, en Ukraine et en Roumanie. On est d’ailleurs en processus pour accueillir des travailleurs puisqu’une douzaine ont accepté nos offres», explique M. Bossé.
«Les gens ont vite compris que si on n’ajoute pas de nouveaux citoyens à la communauté, les combats pour la sauvegarde de nos écoles et de nos soins de santé, sont des batailles perdues d’avance», dit-il.
Un problème qui se pose toutefois, c’est l’absence de logements pour ces nouveaux arrivants. Faute de logements, l’entreprise a pris sur elle d’en construire.
«Ces personnes viennent de loin pour travailler et elles doivent avoir un endroit où rester, ce qui n’est pas évident. C’est pourquoi on songe à installer quelques maisons mobiles pour accueillir ces familles. Honnêtement, nous n’avons aucun désir de nous lancer dans le domaine immobilier. On préférerait de loin investir dans nos usines. Mais on n’a pas le choix», note-t-il.
NOUVEAU DÉPART
Française d’origine marocaine, Myriame Aoumat est l’une de ces nouvelles arrivantes venues s’installer à Saint-Quentin. En fait, elle a suivi son mari, un soudeur de métier, qui a accepté un poste au sein de l’entreprise AGB. Les deux ont donc quitté la banlieue parisienne pour les grands espaces du Restigouche-Ouest.
«C’était très difficile en France pour mon mari, lui-même immigrant marocain. Il a eu beaucoup de difficultés à s’intégrer et même après quatre ans, il n’a jamais pu trouver un travail stable. Quand il a vu les ouvertures qui s’offraient au Canada, il s’est dit qu’il devait y aller. Je l’ai suivi, car on rêve de trouver notre place et de fonder une famille. Ce sera plus simple ici», explique Mme Aoumat.
Elle a abandonné son emploi dans le secteur de l’immobilier en France afin de tenter l’aventure canadienne. Ils sont ainsi débarqués à l’aéroport de Bathurst en juin et elle n’a pas mis longtemps à trouver un emploi. Sur le trajet qui la conduisait à Saint-Quentin, elle s’est fait embaucher, elle aussi, par l’entreprise AGB qui cherchait alors une personne pour combler un congé de maternité.
Jusqu’à présent, l’expérience est concluante. Elle et son mari se plaisent dans la région. Certes, le choc culturel est grand. On est loin de la banlieue parisienne.
«Mais on avait conscience de l’endroit où on allait, que c’était une région plus rurale sans grands centres commerciaux, sans grosses boîtes de nuit, etc. Mais après tout, ce n’était pas ce que l’on recherchait au départ non plus», dit-elle.
Contrairement à plusieurs autres immigrants, le couple a l’avantage de ne pas être confronté à la barrière linguistique.
«C’est un gros avantage de pouvoir parler notre langue, ç’a beaucoup joué dans notre décision de venir ici», dit-elle, ajoutant avoir néanmoins suivi des cours pour rafraîchir son anglais.
«Car on n’a pas très loin à faire pour se rendre compte que nous sommes dans un pays et une province à majorité anglophone», note-t-elle.
Mme Aoumat veut par ailleurs s’impliquer dans la communauté afin de prendre part aux efforts pour attirer des travailleurs étrangers.
«Je l’ai vécu et je veux partager cette expérience. Il y a tellement de petites choses qu’on ne sait pas en arrivant et qu’on apprend sur le tas. Ce qui m’a beaucoup aidé, c’est d’avoir un travail, ça m’a permis de socialiser avec des gens. Et ça, selon moi, c’est la clé du succès si on veut bien intégrer les familles ici», exprime la jeune femme qui s’apprête à passer le test ultime de l’immigrant: le premier hiver. ■