Un énoncé économique qui déçoit
Patrick Colford, président Fédération des travailleurs et travailleuses du N.-B.
La présentation du récent énoncé économique fédéral me déçoit. Comment le ministre Bill Morneau peut-il manipuler les déductions d’impôt des sociétés afin de leur donner un aspect positif? Les déductions d’impôt des sociétés vont effectivement réduire les recettes gouvernementales au titre de l’impôt des sociétés. Peu importe la façon que c’est présenté, cela représente tout de même un allégement fiscal se chiffrant à presque 15 milliards $ au cours des cinq prochaines années.
Les réductions d’impôt sont toujours préconisées par les gouvernements comme étant le moyen d’accroître la création d’emploi et l’investissement. Or, nos expériences vécues nous démontrent que cela n’est pas le cas. Une telle déduction d’impôt permet aux fabricants de recouvrer immédiatement leurs coûts intégraux afin qu’ils puissent acheter du matériel et de l’équipement. L’énoncé économique renfermait, entre autres, des mesures visant à déduire l’achat de matériel lié à l’énergie propre et une nouvelle déduction pour amortissement accéléré.
Par le passé, des initiatives semblables ont été mises à l’essai et franchement, elles ne répondent pas aux attentes. Selon le budget fédéral alternatif du Centre canadien de politiques alternatives, les réductions de l’impôt des sociétés au cours des 16 dernières années n’ont pas réussi à stimuler une augmentation des investissements ni une croissance économique. En fait, les réductions ont plutôt entraîné des excédents des sociétés de plus de 700 milliards $.
D’ailleurs, le gouvernement Trudeau devrait augmenter l’impôt des sociétés au lieu de le réduire. Un programme budgétaire de réduction d’impôts ne fait qu’enrichir les riches alors que les travailleurs subissent des diminutions salariales, si l’on tient compte de l’inflation. Pire encore, les sociétés qui cachent leur richesse à l’intérieur d’abris fiscaux en vue d’éviter l’impôt canadien sont, encore une fois, récompensées par d’autres mécanismes d’allégements fiscaux tous inventés ici, au Canada, par les libéraux. Ce n’est pas juste.
De nombreuses collectivités luttent contre des taux élevés de pauvreté de façon générale et de pauvreté chez les enfants en particulier. Un récent rapport préparé par le Human Development Council portant sur la pauvreté chez les enfants au Nouveau-Brunswick révèle qu’un enfant néo-brunswickois sur cinq vit dans la pauvreté. Les sociétés doivent payer leur juste part d’impôt. Au cours des 30 dernières années, les gouvernements ont réduit l’impôt des sociétés, ce qui n’a pas donné le résultat voulu. Entre temps, les inégalités se sont aggravées au Canada. D’ailleurs, les personnes âgées n’ont pas les moyens de se payer du mazout, de la nourriture, ni du logement. Les familles n’ont pas les moyens de se payer une garderie ni leurs médicaments sur ordonnance. Nos anciens combattants souffrent. Les revenus de retraite stagnent. Alors que les riches bénéficient de plus d’allégements fiscaux, la plupart des Canadiens régressent.
Le gouvernement devrait aider les gens en assurant que l’économie soit avantageuse pour tous les Canadiens. Le ministre Morneau ne comprend-il pas que les déductions et les réductions antérieures de l’impôt des sociétés n’engendrent pas un nombre d’emplois plus élevés et mieux rémunérés ni des investissements accrus?
Par ailleurs, je désire toutefois féliciter le gouvernement pour certaines mesures fiscales proposées dans l’énoncé économique. Le nouveau crédit d’impôt à l’intention du journalisme local est une bonne nouvelle. Les médias locaux qui embauchent du personnel recevront une petite récompense financière par l’entremise d’incitatifs fiscaux alors qu’ils travaillent au développement de leur couverture médiatique régionale. De plus, de nombreux Canadiens pourront bénéficier d’un remboursement de 15% pour tout abonnement aux médias d’information numériques.
En outre, le récent énoncé économique renfermait également un soi-disant «fonds de finance sociale» s’élevant à 755 millions $. Autrement dit, cela signifie la privatisation des services publics en les transférant au secteur privé qui n’a aucun compte à rendre à qui que ce soit.
Des décennies de réductions d’impôt ont déjà compromis la santé financière du gouvernement fédéral et ont entraîné des excédents des sociétés, ce qui exerce des pressions auprès du gouvernement fédéral quant à la privatisation des services et mène à une inégalité des revenus au Canada. Il est grand temps que le gouvernement fédéral renverse cette tendance inquiétante. ■