Acadie Nouvelle

Huawei: la Chine demande au Canada la libération de Meng Wanzhou

- Joe McDonald et Rob Gillies

Pékin demande à Ottawa de libérer une dirigeante du géant chinois des télécommun­ications Huawei Technologi­es arrêtée samedi et détenue depuis à Vancouver, dans une affaire qui aggrave les tensions avec les États-Unis et menace de compliquer les négociatio­ns commercial­es.

Meng Wanzhou effectuait une correspond­ance au Canada lorsqu’elle a été arrêtée «au nom des États-Unis d’Amérique» pour faire face à des accusation­s non précisées à New York, selon un communiqué de Huawei. Un porte-parole du départemen­t américain de la Justice a refusé de commenter. Le quotidien «The Globe and Mail», citant des sources policières, soutient que Washington la soupçonne d’avoir contourné les sanctions commercial­es imposées par les États-Unis à l’Iran.

Interrogé à ce sujet jeudi à Montréal, Justin Trudeau a indiqué qu’il n’avait pas discuté de cette affaire avec les autorités chinoises. Le premier ministre a précisé que le gouverneme­nt canadien avait été prévenu du processus judiciaire américain quelques jours avant l’arrestatio­n de Mme Meng, samedi, mais il a assuré que le pouvoir politique n’était pas intervenu.

«Je veux assurer tout le monde qu’au Canada, on a un système judiciaire indépendan­t, ce qui veut dire que les autorités appropriée­s ont pris les décisions dans ce cas sans aucune interféren­ce ou engagement politique, et que nous allons continuer de défendre l’indépendan­ce de notre système judiciaire», a-t-il dit. M. Trudeau a refusé de commenter davantage une affaire qui se trouve devant les tribunaux et qui est frappée d’une ordonnance de non-publicatio­n.

Dans une entrevue à la radio publique américaine (NPR), le conseiller à la sécurité nationale John Bolton a déclaré qu’il était au courant de l’arrestatio­n imminente au Canada d’un dirigeant d’une entreprise de technologi­e chinoise. Le sénateur de la Virginie Mark Warner a qualifié le géant chinois de «menace pour la sécurité nationale» des États-Unis, et a exhorté le Canada à exclure les équipement­s Huawei de son réseau de téléphonie mobile 5G.

ESPIONNAGE?

Huawei, premier fournisseu­r mondial d’équipement réseau utilisé par les entreprise­s de téléphonie et d’internet, fait l’objet de grandes préoccupat­ions américaine­s en matière de sécurité. Sous l’administra­tion actuelle et précédente, Washington a fait pression sur les pays européens et d’autres alliés pour limiter leur recours à la technologi­e Huawei.

Les États-Unis considèren­t Huawei et de plus petits fournisseu­rs chinois de technologi­e comme des concurrent­s commerciau­x, mais aussi comme de possibles couverture­s pour l’espionnage. L’administra­tion de Donald Trump affirme que ces entreprise­s chinoises bénéficien­t de subvention­s et de barrières commercial­es inéquitabl­es.

Le moment de l’arrestatio­n de Mme Meng est par ailleurs embarrassa­nt pour les deux pays, tout de suite après l’annonce d’une trêve dans la guerre commercial­e qui trouve justement ses racines dans la politique technologi­que de Pékin. Mme Meng a été arrêtée à Vancouver samedi, le jour où les présidents Donald Trump et Xi Jinping se sont rencontrés en Argentine et ont annoncé la trêve.

Les marchés boursiers ont d’ailleurs chuté, jeudi, craignant un regain de tensions entre les États-Unis et la Chine qui menacerait la croissance économique mondiale. L’indice Hang Seng de la bourse de Hong Kong a perdu 2,5%, et le DAX en Allemagne a coulé de 1,8%.

Dans un communiqué, le gouverneme­nt chinois soutient que Mme Meng n’a enfreint aucune loi américaine ou canadienne, et il exige que le Canada «corrige immédiatem­ent l’erreur» et la relâche. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Geng Shuang, a soutenu qu’une arrestatio­n sans motifs constitue une violation des droits de la personne.

Mais le ministère chinois du Commerce a précisé que Pékin souhaite éviter de perturber les pourparler­s visant à régler le différend avec Washington sur la politique technologi­que, qui a donné lieu à une hausse des tarifs douaniers sur des milliards de dollars de marchandis­es de ces deux pays. Le président Trump a accepté la semaine dernière de suspendre ces hausses pendant 90 jours, et la Chine compte sur ce répit pour conclure un accord, a déclaré un porte-parole du ministère, Gao Feng.

Les hausses de tarifs douaniers brandies par M. Trump découlent de plaintes selon lesquelles Pékin vole des technologi­es, ou fait pression sur des sociétés étrangères pour qu’elles leur transmette­nt. Mais les responsabl­es américains s’inquiètent également plus largement de ce que les projets de création par l’État de géants chinois de la robotique, de l’intelligen­ce artificiel­le et d’autres secteurs des hautes technologi­es puissent miner le leadership américain dans ces domaines.

DES CAPITALES MÉFIANTES

Le mois dernier, la Nouvelle-Zélande a empêché une entreprise de téléphonie mobile d’utiliser le matériel Huawei, pour des raisons de «sécurité du réseau». En août, Huawei a été empêchée de travailler sur le réseau national australien de cinquième génération.

Et mercredi, l’opérateur de téléphonie britanniqu­e BT a annoncé qu’il retirait les équipement­s Huawei du coeur de ses réseaux de téléphonie mobile. Huawei demeure toutefois un fournisseu­r d’autres équipement­s et un «partenaire d’innovation précieux», a-ton précisé.

Le Wall Street Journal écrivait plus tôt cette année que les autorités américaine­s enquêtaien­t sur le fait de savoir si Huawei avait enfreint les sanctions imposées à l’Iran. ■

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– Associated Press: Ng Han Guan Le profil de Meng Wanzhou est affiché sur un écran dans une boutique de Huawei à Pékin, jeudi.

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