Acadie Nouvelle

Martyrs de la charité

- Serge Comeau scomo@nbnet.nb.ca

Aujourd’hui, à Oran en Algérie, 19 chrétiens sont béatifiés. Ils ont été martyrisés au cours des années 1990 qu’on a appelé la décennie noire algérienne. Parmi eux, il y a sept moines cistercien­s assassinés au printemps 1996. Plusieurs ont connu leur histoire grâce au touchant film Des hommes et des dieux, Xavier Beauvois (2010).

En octobre 1993, le Groupe Islamique Armé (GIA) ordonne à tous les étrangers vivant en Algérie de quitter le pays. Après avoir prié et discerné, les moines cistercien­s de l’Atlas font le choix de rester sur place. Comme d’autres qui ne peuvent ou ne veulent pas partir. Les moines font une différence dans la vie des gens: frère Luc accueille des centaines de malades chaque jour à son dispensair­e.

Les moines ne cherchent pas le martyr. Mais ils ont développé tant de liens vitaux avec la communauté locale, à majorité musulmane, que de quitter le pays à ce moment-là aurait été un acte de lâcheté pour eux. Jésus a dit que le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Pour les autres bergers, les brebis ne comptent pas vraiment: s’ils voient venir le loup, ils s’enfuient.

Pendant la nuit de Noël 1995, le monastère est pillé par des malfaiteur­s armés. Ils viennent pour avoir des médicament­s et en profitent pour menacer les moines s’ils ne partent pas. Ces derniers ne bronchent pas: ils choisissen­t de rester. Quelques mois plus tard, ils seront enlevés. Après avoir été des otages pendant des semaines, ils seront mis à mort.

Parce qu’ils ont connu la mort pour l’unique raison d’avoir refusé de renier leur foi, des hommes et des femmes sont reconnus martyrs. En ce qui concerne ces moines, ce n’est pas uniquement à cause de leur identité chrétienne qu’ils ont été mis à mort. C’est parce qu’ils ont refusé de quitter les lieux. Ils auraient pu être juifs, bouddhiste­s, athées, ils auraient connu le même sort en restant sur place. Ce qu’ils ont choisi, c’est de donner leur vie. Avant même d’être capturé.

En entrant dans les ordres, ils avaient déjà fait ce don à leurs frères et soeurs en

humanité.

Les moines sont restés, malgré les menaces, par fidélité à ce peuple aimé de Dieu. Chaque fois que le prieur Christian de Chergé évoquait leur martyr, s’il devait arriver, il parlait de «martyr de la charité». Le don de leur vie n’était pas lié uniquement à une profession de foi chrétienne.

Christian de Chergé avait été marqué, lorsqu’il était jeune, par le témoignage d’un père de famille musulman qui lui avait protégé la vie en exposant la sienne. Le commandeme­nt de l’amour primait pour lui: l’amour endure tout, supporte tout, et ne disparaît jamais. Nous pourrions dire la même chose du Père Maximilien Kolbe qui est mort pour avoir donné sa vie à la place d’un père de famille dans le camp d’Auschwitz. C’est un témoignage de charité suprême.

Avec ces moines, il y a aussi un évêque, des religieuse­s et des prêtres qui seront béatifiés aujourd’hui. L’évocation de martyrs en pleine saison de l’Avent vient nous rappeler qu’au même moment où nous nous réjouisson­s, d’autres peinent à vivre. La lumière de Noël est si grande qu’elle crée des ombres. L’ombre de la croix n’est jamais trop loin. ■

 ?? . – Gracieuset­é ?? Je ne me fais pas d’illusions: je quitterai ce monastère pas nécessaire­ment meilleur, mais certaineme­nt différent. Comme les arbres qui sont restés les mêmes dans leur essence, mais dépouillés de leurs apparats par la saison.
. – Gracieuset­é Je ne me fais pas d’illusions: je quitterai ce monastère pas nécessaire­ment meilleur, mais certaineme­nt différent. Comme les arbres qui sont restés les mêmes dans leur essence, mais dépouillés de leurs apparats par la saison.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada