L’envers du plan vert
Le premier ministre Blaine Higgs a dévoilé cette semaine ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre pour le Nouveau-Brunswick. Pris individuellement, ce plan est une bonne chose. Mis en contexte avec les autres actions du gouvernement, il perd toutefois sa crédibilité.
Commençons par la bonne nouvelle. Le gouvernement Higgs a l’intention d’agir contre les changements climatiques. Ce n’est pas banal. Les politiciens de droite ne se donnent plus cette peine. Donald Trump aux États-Unis, Doug Ford en Ontario, Jason Kenney en Alberta et Maxime Bernier au Québec sont plus prompts à nier l’existence desdits changements climatiques qu’à chercher des solutions.
Le nouveau premier ministre ne réinvente pas la roue. Il entend conserver en partie le plan d’action de son prédécesseur Brian Gallant, lequel comprend plus d’une centaine de mesures. Il pigera dans celles qu’ils considèrent réalisables et ignorera les autres.
Cela a comme conséquence de réduire à la baisse les objectifs de réduction des gaz à effet de serre du Nouveau-Brunswick.
Ce n’est pas positif. Mais rien ne garantissait qu’un gouvernement Gallant aurait atteint ses objectifs de toute façon. Le plafond visé par le premier ministre Higgs n’est pas suffisamment ambitieux. Mais s’il est atteint, ce sera cela de pris.
Brian Gallant entendait prendre une partie de la taxe sur l’essence et la renommer «taxe sur le carbone». L’argent aurait servi à subventionner les initiatives environnementales.
Les conservateurs préfèrent utiliser l’argent «déjà dans le système». Ils présentent cela comme une victoire pour les contribuables, mais dans le fond, c’est kif-kif. Que l’argent provienne de la taxe sur l’essence, des revenus de la TVH ou de vos impôts, il provient des poches des Néo-Brunswickois.
Les conservateurs veulent par contre injecter moins d’argent sur cet enjeu que les libéraux. Leur vision sera moins ambitieuse et donc, logiquement, moins efficace.
Le plan conservateur, tout comme celui des libéraux, est rejeté par le gouvernement fédéral. Ottawa estime - avec raison - que la meilleure façon de forcer les pollueurs à modifier leurs habitudes est de rendre la pollution plus coûteuse.
Ni le plan Higgs ni le plan Gallant n’atteignent cet objectif. C’est pourquoi le fédéral récoltera sa propre taxe sur le carbone au Nouveau-Brunswick à compter du 1er avril.
Étant donné que Blaine Higgs vient à peine d’arriver au pouvoir à Fredericton, il a réclamé du gouvernement Trudeau un délai, le temps de prouver que son plan est crédible et que ses objectifs peuvent être atteints sans une taxation supplémentaire.
C’est là où le bât blesse.
Le gouvernement Higgs n’a absolument rien fait qui démontre qu’il est digne de confiance sur la question environnementale.
Au contraire, Blaine Higgs est en campagne pour faire renaître l’oléoduc Énergie Est. Il a tenté (en vain) de convaincre son voisin, le premier ministre du Québec François Legault, des bienfaits du projet.
M. Higgs a aussi annoncé son intention de lever dans la région de Sussex le moratoire sur la fracturation hydraulique, qui a mis un frein à l’industrie du gaz de schiste au NouveauBrunswick.
Il a réduit l’ampleur du plan vert adopté par son prédécesseur. Et en prime, il a non seulement joint le recours judiciaire d’autres provinces contre la taxe sur le carbone fédérale, mais aussi annoncé sa propre contestation constitutionnelle.
Tout cela en moins d’un mois après l’assermeentation du gouvernement! Nous ignorons si les changements climatiques sont pour lui une priorité. Mais faire avancer les projets énergétiques qui nuisent à l’environnement l’est certainement à ses yeux.
Par ailleurs, le libéral Brian Gallant avait décidé de laisser à Ottawa la responsabilité de réglementer les grands pollueurs. Une sage décision, quand on sait à quel point Irving en mène large dans notre province.
L’empire avait critiqué cette décision. Blaine Higgs en a pris bonne note. Il souhaite mettre en place une réglementation néobrunswickoise qui, on le présume, serait plus avantageuse et ne comprendrait aucune tarification du carbone.
S’il s’engage à réglementer les émissions des grands émetteurs comme Irving, il n’a cependant pas donné le moindre début d’explication sur comment il va s’y prendre. C’est un plan sans plan.
Dans ces circonstances, comment se surprendre qu’Ottawa rejette les prétentions de Fredericton et joue la ligne dure?
Le problème avec tout cela est que les NéoBrunswickois sortiront perdants du plan fédéral.
Notre taxe sur l’essence est parmi les plus élevées au Canada. Notre empreinte environnementale totale est déjà moins grande que celle de plusieurs autres provinces, en raison de la fermeture d’usines importantes au cours des dernières années et de la stagnation de notre population.
La priorité ne devrait pas être de livrer une bataille perdue d’avance devant les tribunaux, mais de trouver un terrain d’entente. Quelque chose que Blaine Higgs et Justin Trudeau ne sont pas enclins à faire.