Un mariage sans bénéfice
Le député du Parti vert Kevin Arseneau a lancé un débat intéressant, quoique purement hypothétique, en souhaitant publiquement un rapprochement entre sa formation et le Nouveau Parti démocratique. Une analyse froide de la situation révèle toutefois qu’une telle union engendrerait peu, sinon aucun bénéfice.
Précisons d’abord que Kevin Arseneau n’a pas suggéré au NPD et au Parti vert de fusionner. Il a affirmé que les deux formations devraient effectuer «une sorte de rassemblement», avant d’avouer ne pas savoir sous quelle forme cela se ferait.
Il a néanmoins cité en exemple une alliance de partis et d’associations de gauche de Grenoble, en France, qui a remporté les élections municipales à la surprise générale en 2014. «C’est une structure qui a permis à plusieurs groupes politiques, plusieurs partis politiques de s’impliquer sous la même bannière le temps d’une élection. Personne n’a perdu son identité à travers de tout ça.»
Nous ne voulons certainement pas décourager des partis politiques de travailler de concert pour le bien commun. Si le NPD et le Parti vert décident d’unir leurs maigres ressources dans le but de réaliser une percée aux prochaines élections, nous ne pourrons que nous en réjouir.
Un coup d’oeil sur les résultats électoraux du 24 septembre 2018 nous révèle toutefois qu’une alliance néo-démocrate-verte ne bouleverserait pas l’échiquier à Fredericton.
Ce n’est pas comme si la division du vote de la gauche avait empêché un de ces deux partis de réaliser une grande percée ou de prendre le pouvoir.
Le NPD n’a obtenu que 5% des votes. Sa chef Jennifer MacKenzie a terminé 3e dans sa circonscription de Saint-Jean-Havre. Même en additionnant ses appuis à ceux du candidat vert Wayne Dryer, cela n’aurait pas été suffisant pour la faire grimper en 2e place ou remporter le siège.
Cela ne signifie pas qu’une alliance serait dépourvue d’avantages. Il existe des précédents qui prouvent le contraire.
Le meilleur exemple de fusion réussie revient à la droite canadienne. Le Reform Party, devenu l’Alliance canadienne, a fusionné avec le Parti progressiste-conservateur pour devenir le nouveau Parti conservateur du Canada en 2003. Ce parti unifié a fini par supplanter les libéraux aux élections de 2006.
Le Parti vert a encore bien du chemin à parcourir pour en arriver là au N.-B.
Il pourrait trouver une source d’inspiration plus réaliste au Québec. En 2002, le NPD (alors connu dans cette province sous le nom de Parti de la démocratie socialiste), le Rassemblement pour l’alternative progressiste et le Parti communiste se sont regroupés afin de former l’Union des forces progressistes.
L’UFP n’a fait élire personne aux élections suivantes, ne recueillant que 1% des votes. En 2006, elle a fusionné avec le mouvement Option citoyenne pour former Québec solidaire. Après des années de vaches maigres, ce parti de gauche a fait élire 10 députés en 2018, avec 16,10% des voix.
Il n’est pas impossible que les verts réussissent un jour une telle percée au N.-B. Mais si c’est le cas, cela se fera surtout dans les platebandes du Parti libéral, pas avec l’aide d’un électorat néo-démocrate en chute libre.
Le NPD est si mal en point qu’il lui serait impossible de négocier une fusion d’égal à égal. Il serait victime d’une prise de contrôle, quelque chose que n’accepterait jamais la direction du parti, les militants et le mouvement ouvrier qui le tiennent à bout de bras.
En fait, le Parti vert a surtout des atomes crochus… avec les libéraux! Cela a paru l’automne dernier, quand les députés verts ont appuyé le discours du Trône libéral, puis rejeté celui des progressistes-conservateurs.
Notons aussi que le député Arseneau a d’abord tenté de se faire élire sous la bannière du Parti libéral. C’est seulement une fois sa candidature rejetée qu’il s’est tourné vers le Parti vert.
Une fusion entre les deux partis serait toutefois irréaliste. Les militants du Parti vert auraient joint les partis traditionnels il y a longtemps s’ils étaient satisfaits de leur offre politique. C’est notamment en raison du piètre bilan environnemental du Parti progressisteconservateur et du Parti libéral qu’ils ont plutôt choisi une nouvelle voie.
Les deux formations qui sont les plus susceptibles de fusionner à moyen terme sont plutôt le Parti progressiste-conservateur et la People’s Alliance.
L’Alliance est déjà, dans le fond, une version plus extrémiste (en particulier, mais pas uniquement, sur la question linguistique) du PC. Son existence contribue à diviser le vote de droite anglophone, au point de nuire aux chances de celle-ci de former un gouvernement majoritaire.
Un peu comme l’Alliance canadienne et le Parti progressiste-conservateur du Canada dans les années 2000, ils en viendront éventuellement à la conclusion que la seule façon de gouverner à leur guise est de se regrouper.
Et cela aura un impact plus concret et puissant que n’importe quelle forme d’union entre le NPD et le Parti vert.