Acadie Nouvelle

UN CÉRAMISTE QUI NE LAISSE PERSONNE INDIFFÉREN­T

- sylvie.mousseau@acadienouv­elle.com @SylvieMous­seau1

En 1969, Léopold L. Foulem présentait sa première exposition à Calgary marquant ainsi la fin de ses études au

Alberta College of Art Gallery. Un demi-siècle plus tard, le céramiste conceptuel de Caraquet qui recevra la médaille de l’Ordre du Canada en 2019 se voit avant tout comme un compositeu­r, un théoricien et non un virtuose.

L’artiste qui a toujours exercé librement son art s’intéresse d’abord à la création de l’idée et du concept quand il réalise ses pièces de céramique. Il défie le spectateur de les considérer comme des oeuvres d’art et non des objets utilitaire­s.

«Un virtuose c’est quelqu’un qui va raffiner, raffiner et raffiner. Je vais raffiner peut-être l’idée, mais pas nécessaire­ment la technique. Pour la majorité des gens en céramique, le critère dominant, c’est la virtuosité. Ça prend un acte de foi pour accepter mes affaires parce que c’est horsnorme. Ce n’est pas la beauté qui m’intéresse, c’est l’exécution de mon idée», a expliqué en entrevue Léopold L. Foulem.

Cet artiste marginal de premier plan a présenté 56 exposition­s individuel­les et participé à plus 230 exposition­s collective­s sur trois continents. Si son travail demeure inclassabl­e, il reste qu’il suscite de l’intérêt un peu partout dans le monde. Quand il a appris qu’il recevrait la plus haute distinctio­n civile au Canada, il confie qu’il a été surpris, mais aussi très content. Son approche de la céramique est unique et singulière. Il transforme l’objet en oeuvre abstraite, s’éloignant ainsi de la céramique traditionn­elle qui est souvent utilitaire. Les théières, les tasses les de cafetières, Léopold L. les Foulem vases ou n’ont encore aucune utilisatio­n domestique. «Je prétends que la céramique et un art au même niveau qu’un autre art au même titre que la peinture et la sculpture. J’ai changé la nature de l’objet et l’objet est devenu une abstractio­n parce qu’il n’est plus utilitaire. En annulant la fonction utilitaire, ça devient une idée. C’est assez singulier comme approche et je pense que c’est valable.»

Au début de sa pratique, il créait des pièces de céramique plutôt traditionn­elles et au fil des années, il a choisi d’adopter une nouvelle approche de conceptual­isation. Celui qui privilégie les séries d’oeuvres puise ses idées dans l’histoire de la céramique et parodie les traditions. Dans ses oeuvres, il y a de l’humour, de l’ironie et de la provocatio­n.

«Je ne veux pas laisser les gens indifféren­ts. Ce n’est pas juste des bibelots que je fais. Mes oeuvres ont des messages et je crois qu’un message avec de l’humour passe mieux qu’avec de la violence.»

Léopold L. Foulem travaille d’abord pour satisfaire son intellect et non pour vendre ses pièces. D’ailleurs, il confie qu’il en vend très peu. Au cours des cinq dernières années, il n’a rien vendu dans ses exposition­s présentées à Montréal. En septembre, il a vendu deux oeuvres lors d’une exposition à Toronto. Bien des gens estiment que ses oeuvres coûtent trop cher.

«Comme je suis artiste, je considère que mon oeuvre devrait se vendre à un prix raisonnabl­e. Mes objets ont un seul prix: 12 500$ pour chaque pièce, qu’elle soit grosse ou petite. Je vends une idée. Ce serait ridicule qu’un artiste qui travaille depuis plus de 40 ans qui a au-delà de 50 exposition­s et exposé dans 25 musées, ne vendrait pas un tableau à 10 000$.»

CARAQUET, PORT D’ATTACHE

De ces temps-ci, il travaille moins dans son atelier en raison de problèmes de dos. C’est l’écriture qui occupe son temps. Il a écrit, entre autres, dans deux catalogues sur l’oeuvre de Picasso. Chaque été, l’artiste passe du temps à Caraquet et c’est dans cette ville qu’il réalise ses céramiques. En fait, il se considère en exil à Montréal, puisque la ville côtière de la Péninsule acadienne est réellement son port d’attache. La cinéaste Renée Blanchar a entrepris la réalisatio­n d’un documentai­re sur la vie du céramiste qui s’intitule Conversati­ons avec Léopold L. Foulem. Le tournage s’est déroulé l’été dernier dans sa maison centenaire à Caraquet.

«Ce fut une expérience mémorable. Merveilleu­se! Il s’agit d’une série de rencontres impromptue­s avec diverses personnes dont le conservate­ur de la Galerie d’art Beaverbroo­k, le sénateur René Cormier, l’auteure acadienne France Daigle et l’artiste Paul Ouellet pour ne nommer que ceux-là. Ce sera un documentai­re déjanté et tout à fait astucieux.»

Ils attendent avec espoir des réponses pour le financemen­t de la postproduc­tion. L’artiste considère qu’il serait très malheureux que ce document demeure sur les tablettes.

En 2019, l’artiste a deux nouvelles exposition­s de prévues dans une galerie parallèle à Montréal et au Harbourfro­nt Centre à Toronto du 9 mars au 2 juin qui s’intitulera The View From Here. ■

 ??  ?? Léopold L. Foulem dans son atelier à Caraquet. – Gracieuset­é: Marthe Gilbert
Léopold L. Foulem dans son atelier à Caraquet. – Gracieuset­é: Marthe Gilbert
 ??  ?? Une oeuvre de Léopold L. Foulem, Panorama 8317 aux oiseaux en cage. – Gracieuset­é: Richard Millette
Une oeuvre de Léopold L. Foulem, Panorama 8317 aux oiseaux en cage. – Gracieuset­é: Richard Millette
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