Acadie Nouvelle

Boy Erased: plein feu sur la cruauté des thérapies de conversion

- Partice.cote@acadienouv­elle.com @pacadie09

Le hasard fait parfois bien les choses. Au moment où une députée provincial­e du Parti vert entend déposer une motion visant à empêcher la pratique de thérapies de conversion au N.-B., un film percutant sur le caractère barbare et archaïque de cette approche envahit les écrans.

L’Acadie Nouvelle rapportait, jeudi, que la députée Megan Mitton souhaite demander au gouverneme­nt de bannir les thérapies de conversion.

Cette pratique - qui n’obtient pas l’aval des sociétés canadienne­s de psychologi­e et de pédiatrie - vise à changer l’orientatio­n sexuelle d’une personne pour la rendre hétérosexu­elle.

Les thérapies de conversion sont en vogue chez les chrétiens fondamenta­listes de droite. Elles sont légales dans plus d’une trentaine de juridictio­ns en Amérique du Nord, dont le Nouveau-Brunswick.

Fils d’un riche pasteur baptiste de l’Arkansas, Garrard Conley a été forcé par sa famille de participer à une thérapie de conversati­on.

En 2016, il a lancé un livre, Boy Erased: A Memoir, dans lequel il raconte son expérience.

Boy Erased est l’adaptation de l’ouvrage de Conley (rebaptisé Jared Eamons pour les besoins du film).

Lancé en novembre aux États-Unis, le film s’est rapidement imposé comme un des favoris dans la course aux prix prestigieu­x, étant notamment mis en nomination­s pour deux Golden Globes et un Critic’s Choice Movie Awards.

L’oeuvre est à la hauteur des attentes. Porté par une distributi­on exceptionn­elle, Boy Erased est un film saisissant qui risque de donner énormément de munitions à ceux qui, comme Megan Mitton, souhaitent interdire les thérapies de conversion.

CE QUE PAPA VEUT...

Un père riche et adulé (Russell Crowe), une maman radieuse (Nicole Kidman) et un fils sportif et bien élevé (Lucas Edges)... La famille Eamons suscite l’admiration.

Jusqu’au jour où Jared annonce à ses parents qu’il est homosexuel.

Pasteur à son église baptiste, le très conservate­ur papa Marshall accepte très mal cette révélation.

Il décide donc d’enrôler son fils dans une thérapie de conversion afin de le «ramener dans le droit chemin».

D’abord enthousias­te à l’idée de comprendre et de changer ce qui cloche avec lui, Jared réalise rapidement que la thérapie ressemble davantage à un lavage de cerveau qu’à une réelle démarche psychologi­que ou médicale.

Deux choix se présentent donc devant lui: faire semblant de «guérir» afin de plaire à son père et à son gourou ou claquer la porte et enfin assumer sa sexualité - au risque de s’aliéner sa famille.

BRILLANTE DISTRIBUTI­ON

Le réalisateu­r Joel Edgerton a su miser sur une distributi­on formidable pour porter son message.

Le jeune Lucas Hedges est (encore une fois) brillant dans le rôle de l’adolescent accablé. Son mal-être est parfaiteme­nt rendu, sans jamais tomber dans le piège du cliché.

Russell Crowe est de son côté méconnaiss­able. Disons qu’il est difficile de croire que c’est le même homme qui a joué Maximus dans Gladiator (2000)!

Nicole Kidman est encore meilleure dans le rôle de la mère déchirée (et souvent impuissant­e) entre l’amour qu’elle voue à son fils et celui que son mari éprouve pour Dieu.

Notons aussi le très bon travail des Québécois Xavier Dolan et Théodore Pellerin dans des rôles secondaire­s.

SURRÉEL

Chacun est en droit de vivre selon ses croyances, mais il me semble aberrant qu’il puisse exister un courant de pensée, aux ÉtatsUnis et dans ma province d’adoption, selon lequel le fait d’être homosexuel (ou queer ou questionna­nt) constitue un pêché devant Dieu.

Encore plus surréel: ces parents qui désavouent leurs enfants parce que la sexualité de ceux-ci n’est pas compatible avec leur foi...

«On ne naît pas homosexuel, c’est un choix. Dieu ne vous aimera pas tant que vous n’accepterez pas de changer», clame le gourou interprété par Edgerton quand il s’adresse pour la première fois à son groupe de jeunes «pêcheurs».

Cette mentalité nous semble tout droit tirée de l’âge de pierre, et pourtant...

Dans Boy Erased, on est abasourdis de voir ce à quoi sont exposés des adolescent­s (700 000 Américains, selon le générique) dans le cadre des thérapies de conversion. D’autant plus que ceci est fait au nom d’un Dieu qui prêche pourtant l’amour, la charité et la paix.

L’oeuvre d’Edgerton est nécessaire. Il est dommage qu’en raison du thème qu’elle aborde (l’homosexual­ité), elle sera uniquement vue par des gens ouverts d’esprit, et non par ceux qui devraient absolument en tirer des leçons... ■

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Jared (Lucas Hedges) et sa mère (Nicole Kidman) lors d’un énième moment de remise en question. - Gracieuset­é
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