Acadie Nouvelle

Des numéros si importants

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Il s’agit peut-être de la promesse du gouverneme­nt Higgs qui aura l’impact le plus dévastateu­r sur les régions rurales. Et nous n’avons pourtant aucune idée de la façon dont elle sera appliquée.

L’un des engagement­s électoraux du premier ministre Blaine Higgs consiste à abandonner graduellem­ent le concept de numéros de facturatio­n tel qu’il existe aujourd’hui, «afin d’éliminer les restrictio­ns quant au nombre de médecins pouvant exercer dans notre province».

Qu’est-ce que cela signifie concrèteme­nt? Depuis des décennies, un médecin qui souhaite pratiquer au Nouveau-Brunswick doit d’abord se procurer un numéro de facturatio­n du programme d’assurance-maladie. Sinon, il ne sera pas payé. C’est le ministère de la Santé qui décide combien de numéros seront attribués, et surtout dans quelles régions.

C’est un système de quota. Vous vous doutez que la plupart des nouveaux médecins, autant ceux qui sortent de l’université que ceux recrutés à l’extérieur, préfèrent travailler dans les grands centres et les grands hôpitaux.

De nombreux médecins se font donc dire chaque année qu’ils ne peuvent travailler dans le Triangle d’or (Moncton, Saint-Jean et Fredericto­n), faute de numéros de facturatio­n disponible­s. Certains font contre mauvaise fortune bon coeur et s’installent dans une autre région. D’autres quittent le Nouveau-Brunswick pour travailler là où les règles sont moins restrictiv­es.

Outre créer un sain équilibre entre les centres urbains et les régions rurales, le système de numéro a aussi l’avantage de contrôler les coûts. L’argent ne pousse pas dans les arbres, si bien que la province n’a pas le choix de limiter le nombre de médecins généralist­es ou spécialist­es à son emploi.

Ces deux raisons (contrôle des coûts et équité entre centres urbains et régions) expliquent pourquoi le système, malgré ses imperfecti­ons, a survécu pendant des décennies, autant sous les administra­tions libérales que progressis­tes-conservatr­ices.

Le gouverneme­nt Higgs veut remplacer ce système qu’il a qualifié pendant la campagne électorale de «vétuste» et de «désuet».

Par quoi? Il ne l’a jamais dit. Il s’agit là d’une marque de commerce de M. Higgs qui, depuis le déclenchem­ent de la campagne électorale, n’hésite pas à dénoncer les problèmes et promettre qu’il va faire mieux, mais en restant flou sur la façon dont il va y arriver.

Il est vrai que le système actuel est loin d’être parfait et n’empêche pas les pénuries dans les régions rurales. De nombreux postes sont vacants.

Ce que nous savons, par contre, est que ce système à numéros déplait surtout à un groupe: la Société médicale du Nouveau-Brunswick. Cette organisati­on est à la fois une associatio­n profession­nelle et un groupe de lobbyisme qui défend les intérêts des médecins. Elle dénonce le fait que ce mode de fonctionne­ment empêche les nouveaux médecins de travailler là où ils le veulent.

Le système fait aussi grincer des dents dans les régions les plus populeuses. N’en doutez pas, il y a aussi des besoins en main d’oeuvre dans des hôpitaux comme le Centre hospitalie­r universita­ire Dr-Georges-L.-Dumont. Il n’y a sans doute rien de plus frustrant pour un gestionnai­re de cet établissem­ent de devoir dire non à un spécialist­e qui permettrai­t de réduire de beaucoup la liste d’attente des patients, faute de numéros de facturatio­n disponible­s dans la région.

Ces préoccupat­ions sont légitimes. Et rien ne dit que le système actuel ne peut pas être modifié, bonifié ou remplacé par quelque chose de meilleur.

Nous demandons toutefois à être convaincus. Avant de tout changer, le gouverneme­nt Higgs doit nous démontrer comment il va s’assurer que les nouveaux médecins ne s’établiront pas tous dans les régions urbaines de la province.

La Société médicale du N.-B. propose de remplacer les numéros de facturatio­n par des incitatifs financiers. Le médecin qui s’établirait à Dalhousie aurait droit à une rémunérati­on plus généreuse que celui qui choisirait de vivre à Dieppe.

Le gouverneme­nt se retrouvera­it ainsi à payer plus cher pour obtenir le même résultat. Un non-sens. Surtout, il n’y a pas de garantie que la stratégie de la carotte fonctionne­rait. Les médecins en général et les spécialist­es en particulie­r sont déjà très bien payés. Rien ne suggère qu’ajouter quelques dizaines de milliers de dollars de plus à leur rémunérati­on en pousserait un nombre suffisant à choisir Grand-Sault ou Caraquet.

Le gouverneme­nt a déjà entrepris des négociatio­ns avec les régies de la santé et leur a présenté un nouveau modèle.

L’impact qu’aurait celui-ci sur le recrutemen­t n’a pas été rendu public.

Une chose est claire. Au moment de prendre la décision, et malgré toute notre sympathie à l’égard des médecins qui souhaitent déménager sans restrictio­n, il faudra d’abord et avant tout prendre en compte l’intérêt des patients.

Tout nouveau système qui nuira au recrutemen­t de médecins dans les régions rurales devra être rejeté.

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