Acadie Nouvelle

Pour ne pas perdre une autre langue

- Isabelle Wallace Analyste principale, Politiques et recherche autochtone­s, Conseil de la santé du N.-B.

Acadiens, Brayons, j'ai quelque chose sur le coeur que je tiens à partager. Je suis Wolastoqiy­ik (Malécite) de la Première Nation malécite du Madawaska (Matawaskiy­ak). Puisque ma mère est Brayonne, je me considère donc à la fois Autochtone et Brayonne. Ma langue maternelle est le français et j'ai seulement commencé à m'exprimer en anglais à l'âge de 17 ans.

Bien que je suis d'une «réserve indienne», je ne peux ni lire, ni parler et ni comprendre ma langue – le Wolastoqey (Malécite). D'ailleurs, il ne reste plus un seul locuteur de Wolastoqiy­ik sur ma réserve. Beaucoup d'entre vous ignorent une importante partie de notre héritage en tant que Néo-Brunswicko­is – soit celle de la colonisati­on. Avant même que les colonisate­urs débarquère­nt sur nos côtes, mon peuple et mes ancêtres y vivaient dans la prospérité. Il est difficile d'estimer la population totale de Malécites avant la colonisati­on.

Par contre, selon Statistiqu­es Canada (2016), nous avons seulement que 360 locuteurs Wolastoqiy­ik qui identifien­t la langue comme leur langue maternelle. En 2001, ce même sondage affichait 825 locuteurs, ce qui démontre un déclin de la langue.

Heureuseme­nt, grâce à la technologi­e, l'art et la musique, nous pouvons maintenant observer une «renaissanc­e» autochtone, comme l'a si bien exprimé l'artiste Wolastoqiy­ik, Jeremy Dutcher. Cette partie de notre héritage n'est malheureus­ement pas (encore) intégrée dans notre système d'éducation, ce qui fait en sorte que je n'ai jamais compris le concept d'assimilati­on et de «génocide culturel» jusqu'à mes études postsecond­aires. Est-ce normal? Absolument pas.

Je me souviens d'entendre mes enseignant­s dire «on enseigne l'histoire pour ne pas que certains évènements se répètent, tels que les camps de concentrat­ion nazis». Par contre, jamais on ne m'a admis que ce qui est arrivé à mon peuple (assimilati­on) ne devait pas se reproduire. Tout ça pour dire que, je crains qu'un jour, cette assimilati­on se répète. Je crains qu'un jour, mes petits-enfants anglophone­s disent qu'une de leurs ancêtres était francophon­e. Croyez-moi, je ferai tout en mon possible pour préserver ma langue, mais c'est sûrement ce que mes ancêtres malécites ont dit, eux aussi.

En 2016, j'ai refusé d'écrire l'examen d'entrée à la profession infirmière (NCLEX-RN) en anglais, même si l'on savait que la qualité de la version française était médiocre. J'ai refusé de me conformer à ce que j'appelle une tactique d'assimilati­on. Ceci était donc un acte de résistance. Par la suite, j'ai écrit ma thèse de maîtrise en français, même si cela aurait été beaucoup plus facile de l'écrire en anglais. J'ai réalisé récemment que j'agis de cette façon puisque je sais ce que c'est de perdre une langue. Ce message est un appel à l'action.

Je vous encourage à faire des actes de résistance dans votre quotidien – qu'ils soient à l'intérieur du service à la clientèle ou dans notre système de santé. Je sais à quel point il est difficile pour un francophon­e de s'exprimer en anglais quand vient à parler de santé.

Je vous encourage donc de demander pour un travailleu­r (euse) paramédica­l, infirmier (ère) ou médecin francophon­e, si vous ne pouvez pas être desservis en français. Je crois qu'il serait primordial de refléter sur notre histoire néobrunswi­ckoise et de jeter un regard critique sur la colonisati­on.

À ce jour, je crois que nous avons tous les moyens afin de conserver notre langue française. Nous devons nous unir afin d'éviter un autre génocide culturel.

Nous ne sommes pas des citoyens de seconde classe. ■

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