De belles retrouvailles en vue avec une pionnière du cinéma féminin acadien
Le 1er Festival du film maritime de Caraquet prendra officiellement son envol vendredi avec, entre autres, une belle soirée retrouvailles en perspectives, en compagnie de la cinéaste Claudette Lajoie-Chiasson.
Celle qui a réalisé trois documentaires dans les années 1980 sous l’égide de l’Office national du film du Canada (ONF) –
Une sagesse ordinaire en 1983, Les femmes aux filets et Crab-O-Tango en 1987 – reprendra ainsi contact avec le public et le milieu du cinéma plusieurs années après avoir laissé la pellicule de côté.
«J’ai été vraiment très, très touchée lorsque j’ai reçu l’invitation du Festival. Je m’attends à ce que cette soirée retrouvailles soit comme une grosse fête. Je sais déjà qu’il y aura beaucoup de gens de la Péninsule acadienne ainsi que de la région Chaleur qui seront présents. Ça va être une belle rencontre», souligne Mme Lajoie-Chiasson au cours d’un entretien téléphonique.
La cinéaste, originaire de Grand-Sault et demeurant à Pointe-Verte depuis plusieurs années, a laissé sa marque dans le cinéma acadien. Ses trois documentaires, mettant en scène des femmes, ont permis non seulement de leur donner la parole, mais aussi d’illustrer avec force cette Acadie au féminin à la fois simple et colorée. Derrière la caméra, Claudette Lajoie-Chiasson a gardé le silence dans chacun de ses trois films, laissant ainsi toute la place à ses sujets.
«Cette approche-là était un peu instinctive. Dans Les femmes aux filets (qui a pour thème des travailleuses d’usine de transformation de poisson de la Péninsule acadienne), ces femmes-là se sentaient peu valorisées. Je suis simplement entrée dans leur univers et je leur ai laissé l’occasion de s’exprimer, pour qu’elles se sentent mises en valeur.»
Féministe, Claudette Lajoie-Chiasson? Oui, et elle ne s’en cache pas.
«Dans les années 1970 et 1980, époque où j’ai commencé à faire du cinéma, j’étais jeune et j’avais effectivement la fibre pour le féminisme. J’étais aussi intéressée à faire des films sur les femmes. Avec Une sagesse
ordinaire par exemple, j’ai réalisé à quel point Édith Pinet était une personne extraordinaire et qu’elle a fait un travail incroyable auprès des femmes à une époque où il n’y avait pas beaucoup de médecins dans la Péninsule acadienne», se souvient Claudette Lajoie-Chiasson.
Sur le plan esthétique, la cinéaste a toujours considéré qu’il valait mieux pour un réalisateur de s’effacer derrière son sujet, tout en respectant certains standards de création.
«C’est pour ça que je ne parle pas dans mes films. Mais évidemment, mon point de vue apparaissait quand même en ce sens que c’est le réalisateur qui tire les ficelles et qui choisit les images avec l’aide d’autres techniciens. C’était ma façon de travailler et je me sentais très à l’aise avec ça.»
UNE PIONNIÈRE
Claudette Lajoie-Chiasson a sans nul doute pavé la voie à d’autres femmes dans le milieu du cinéma, que l’on pense à Ginette Pellerin ou à Renée Blanchar entre autres.
«Je ne sais pas si j’ai eu une influence directe dans leur parcours, mais une chose est sûre, c’est que l’ONF a joué un grand rôle dans l’éclosion de cinéastes acadiens. Je suis très contente de voir que notre cinéma aujourd’hui est entre bonnes mains, et surtout que les femmes y ont autant leur place que les hommes.»
Claudette Lajoie-Chiasson a délaissé le cinéma vers la fin des années 1980. Elle avait besoin de prendre un certain recul, dit-elle, et voulait essayer autre chose.
«J’ai notamment fait ma maîtrise en Études française à l’université et j’ai été très active au sein d’une troupe de théâtre amateur de Pointe-Verte pendant 10 ans. Je suis demeurée très créative, mais plus axée sur l’écriture. Le cinéma me manque parfois, mais pas tant que ça, car je suis heureuse de l’ensemble de mon parcours artistique», assure-t-elle avec un sourire dans la voix.