Acadie Nouvelle

Fatigue au volant: reconnaîtr­e les symptômes pourrait vous sauver la vie

- Pierre Saint-Arnaud

Vous êtes sur la route et vous commencez à bâiller, les yeux vous picotent, vous changez de position et, tout à coup, vous vous rendez compte que vous ne vous souvenez pas de ce qui s’est passé au cours des dernières secondes; vous devez vous arrêter le plus rapidement possible car vous êtes en danger de mort imminente.

Cette «absence» de quelques secondes n’est pas anodine: c’est ce qu’on appelle un épisode de micro-sommeil et la prochaine étape sera de s’assoupir pour vrai.

«Lorsqu’on commence à bâiller, lorsque les yeux nous chauffent ou piquent, lorsqu’on change fréquemmen­t de position, lorsqu’on oublie de prendre une sortie, lorsqu’on oublie de vérifier dans nos rétroviseu­rs comme on doit le faire assez fréquemmen­t, tout ça, ce sont des signes avant-coureurs et le plus dangereux c’est lorsqu’on oublie ce qui s’est passé les secondes précédente­s», explique le docteur Charles Morin, directeur du Centre d’étude des troubles du sommeil de l’Université Laval.

«Le micro-sommeil, c’est essentiell­ement être dans un état de sommeil avec les yeux ouverts. On regarde en avant de nous, mais on n’est pas là», a expliqué le chercheur lors d’une simulation de sommeil au volant, jeudi dernier, à l’ouverture du Salon de l’auto de Montréal.

M. Morin raconte que des études réalisées auprès d’ingénieurs de train et de chauffeurs de camion avec des électrodes pour enregistre­r les ondes du cerveau et des caméras pour surveiller les mouvements des yeux ont permis de démontrer que ceux-ci «peuvent entrer dans un épisode de micro-sommeil qui va durer deux, trois, quatre secondes; ils ne sont plus là, mais ils ont les yeux ouverts et ils ont le volant entre les mains».

«C’est dangereux et, dans les signes avantcoure­urs, on est rendu loin dans la séquence des événements. Il faut espérer qu’avant d’en arriver là, la personne va prendre la décision de s’arrêter», laisse-t-il tomber.

MYTHES ET SOLUTIONS

Charles Morin déplore que l’on ne porte pas attention à la fatigue autant qu’on le fait pour l’alcool ou les textos au volant, alors que «la fatigue et la somnolence au volant, c’est la troisième cause d’accidents sur les routes après la vitesse et l’alcool», fait-il valoir.

Les trucs souvent utilisés pour combattre la fatigue ne fonctionne­nt tout simplement pas, martèle-t-il. «Baisser la vitre pour avoir un peu plus de vent et monter le volume de la radio, ça ne fonctionne pas et ç’a été testé dans des études de laboratoir­e.»

En fait, à défaut d’avoir un passager à qui passer le volant, il n’y a qu’une solution: s’arrêter et faire une courte sieste.

«Une petite sieste de 15 à 20 minutes va vraiment nous redonner la vigilance, une capacité d’attention soutenue, pour les prochaines heures. Il ne faut pas dormir plus d’une demi-heure.»

À cela, on peut ajouter «l’équivalent de deux tasses de café. On recommande même de prendre le café avant de faire la sieste parce que ça prend quelques minutes avant qu’il ne fasse son effet et, quand on va se réveiller, on va avoir le bénéfice des deux».

DETTE DE SOMMEIL

Le docteur Morin n’a aucune gêne à signaler l’évidence en matière de prévention. «Le meilleur remède pour contrer la privation de sommeil, c’est le sommeil!», lance-til avec le sourire, même si son propos est tout à fait sérieux.

«On ne peut pas mettre du sommeil en banque» rappelle-t-il, tout en évoquant une réalité qui est le lot de nombreux citoyens.

«Il y a beaucoup de gens qui fonctionne­nt avec moins de sommeil que ce dont ils ont besoin et ils accumulent une dette de sommeil.»

Selon les recherches dans le domaine, une personne qui a dormi moins de six heures la nuit précédant une longue conduite «est à plus grand risque d’être impliquée dans un accident, de s’assoupir au volant».

Outre le fait d’avoir une bonne nuit de sommeil, il est également sage d’éviter de conduire durant les moments de faible vigilance, entre minuit et 6h le matin.

«C’est une période où notre rythme circadien est à son plus bas niveau et les accidents sont beaucoup plus probables pendant cette période.» ■

 ??  ?? Contrairem­ent à la croyance populaire, le fameux coup de fatigue de l’après-midi n’est aucunement lié au repas qui le précède, mais bien aussi à une baisse de températur­e corporelle liée au rythme circadien, notre horloge biologique quotidienn­e. - Associated Press: James Quigg
Contrairem­ent à la croyance populaire, le fameux coup de fatigue de l’après-midi n’est aucunement lié au repas qui le précède, mais bien aussi à une baisse de températur­e corporelle liée au rythme circadien, notre horloge biologique quotidienn­e. - Associated Press: James Quigg

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