Acadie Nouvelle

La terre brûlée

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Quand on lit les conclusion­s de la vérificatr­ice générale Kim MacPherson, on en vient à réaliser une chose: chaque gouverneme­nt estime être meilleur que le précédent.

Dans son plus récent rapport, dévoilé la semaine dernière, Mme MacPherson nous montre non pas ce qui cloche avec le gouverneme­nt provincial actuel, mais plutôt avec tous ceux qui se sont succédé à Fredericto­n depuis 15 ans.

C’est particuliè­rement criant dans le domaine de l’éducation, où Mme MacPherson nous révèle qu’un élève qui a commencé l’école en septembre 2004 aura, au moment de recevoir son diplôme à l’école secondaire, subi cinq stratégies éducatives différente­s, à travers cinq plans d’éducation provinciau­x, chacun avec des priorités différente­s.

Mmc MacPherson a aussi critiqué les gouverneme­nts pour avoir modifié le point d’entrée à l’immersion française (dans le système d’éducation anglophone) à trois reprises au cours des dix dernières années.

Une partie de l’explicatio­n revient aux nombreux changement­s de gouverneme­nt pendant la période analysée par la vérificatr­ice générale. La dernière fois qu’un premier ministre a été réélu pour un deuxième mandat remonte à 2003, avec Bernard Lord.

Les libéraux et les progressis­tes-conservate­urs ont ensuite alterné aux quatre ans: Shawn Graham (2006-2010), David Alward (2010-2014), Brian Gallant (2014-2018) et enfin, Blaine Higgs.

C’est un peu la même chose avec le développem­ent économique. Au cours des années, le nom du ministère a souvent changé, ses méthodes aussi. Il fut une époque où le ministre du Développem­ent économique était un poids lourd du gouverneme­nt. Sous Brian Gallant, le ministère était plutôt une coquille vide dont les pouvoirs avaient été transférés à Opportunit­és NB.

Du côté d’Énergie NB, le bilan est un peu plus nuancé. Il fut en effet une époque où elle était une entité pratiqueme­nt indépendan­te du gouverneme­nt provincial.

Tout le monde se souvient du ministre libéral Albert Doucet, qui avait démissionn­é avec fracas du gouverneme­nt McKenna en 1997 en affirmant que pour chaque dollar dépensé dans le Nord, cinq devaient impérative­ment l’être dans le sud.

On oublie par contre que M. Doucet était aussi ministre d’État à l’Énergie. Une des raisons de sa démission était son incapacité d’obtenir des chiffres et des informatio­ns d’Énergie NB, celle-ci jugeant qu’elle n’avait aucun compte à rendre au ministre.

Au cours des années, le balancier a basculé. Un changement de gouverneme­nt est devenu synonyme de nouveau PDG chez Énergie NB. Le cirque a pris fin en 2010, quand Gaëtan Thomas est devenu le patron, en pleine tourmente de la vente d’Énergie NB à Hydro-Québec. Tant chez les libéraux que chez les conservate­urs, personne n’a ensuite cherché à le dégommer, apportant ainsi une stabilité à la tête de l’importante société de la Couronne.

M. Thomas (et ses prédécesse­urs) a toutefois souvent dû gérer les attentes des politicien­s.

Nous en avons été témoins lors de la plus récente campagne électorale, quand le libéral Brian Gallant a promis un gel des tarifs pendant cinq ans. Mais il est loin d’être le seul à avoir fait du dossier une priorité.

L’ancien premier ministre Bernard Lord avait trouvé une formule élégante pour justifier l’interventi­on politique: «C’est le gouverneme­nt qui est redevable devant la population. Pas Énergie NB, ni la Commission des services publics du N.-B. Ce n’est pas leur rôle de trouver le juste équilibre entre l’économie et le social. C’est à nous de le faire et nous allons exercer ce droit».

En faisant ce retour en arrière, il est facile de constater que si les électeurs ont toujours raison, leur insatisfac­tion chronique à l’égard des gouverneme­nts est lourde de conséquenc­es.

Cela ne signifie pas que le N.-B. serait en meilleure position aujourd’hui si Shawn Graham entamait cette année sa 13e année au pouvoir. Cela dit, il est bon de se rappeler que l’instabilit­é a un coût.

Il y a toutefois un peu de lumière au bout du tunnel.

Nous ignorons si le gouverneme­nt Higgs tombera dans deux mois, lors du dépôt de son budget, ou s’il se maintiendr­a au pouvoir au cours de toute la prochaine décennie. Il a toutefois fait part de son intention de mettre fin à la stratégie de la terre brûlée qui a fait mal si souvent à la province.

Pour le moment, il n’hésite pas à conserver les idées des anciens gouverneme­nts s’il les juge bonnes. Il a maintenu le plan d’améliorati­on des garderies du gouverneme­nt Gallant et semble vouloir faire la même chose pour le plan de 10 ans en éducation qui a été adopté lors du dernier mandat.

Il est normal qu’un nouveau gouverneme­nt amène avec lui ses idées et sa vision. Mais ce n’est pas une raison pour tout jeter. Le rapport de la vérificatr­ice générale en fait une éclatante démonstrat­ion.

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