Acadie Nouvelle

Les propositio­ns de Higgs ne réduiront pas la pauvreté

- Pauline Richard, coprésiden­te Front commun pour la justice sociale

Dans son discours sur l’état de la province, le premier ministre Blaine Higgs a repris le thème de l’assistance sociale qu’il avait déjà mentionné brièvement dans sa plateforme électorale et dans son discours du trône. Avec ce discours, nous commençons à mieux comprendre ses intentions.

Dans ce discours sur l’état de la province, M. Higgs revient sur la nécessité de réformer l’aide sociale, mais sans mention du plan de réduction de la pauvreté qui était pourtant présent lors de son discours du trône. Il se préoccupe plutôt du manque de main-d’oeuvre dans certains secteurs de l’économie. Il n’y a aucune mention de faciliter l’accès à la formation pour les personnes sur l’assistance sociale tel que mentionné dans la plateforme électorale. Il n’y a aucune référence quant au lancement d’une discussion sur les modèles pouvant fournir davantage d’aide à court terme aux récents bénéficiai­res de l’aide sociale comme mentionné dans le discours du trône. Pour Blaine Higgs, il faut trouver les moyens pour que les bénéficiai­res de l’aide sociale retournent au travail. Pour ce faire, son gouverneme­nt compte aider ceux-ci en s’occupant du transport, de la garderie et même du logement.

Tout d’abord, il est certain que nous ne sommes pas contre le fait que le gouverneme­nt doive aider les citoyens qui sont sur l’aide sociale à se trouver un emploi. Il le fait déjà par l’entremise de différents programmes d’éducation, de réinsertio­n au travail, de garder la carte médicale pour trois ans, d’aider avec les coûts de garderie et de logement, etc. Si M. Higgs désire ces programmes bonifiés, cela ne peut être que positif.

M. Higgs semble croire que l’acquisitio­n d’un emploi permet automatiqu­ement à un individu de sortir de la pauvreté. Ce n’est pas nécessaire­ment le cas. En effet, si un individu a un emploi bien rémunéré, son salaire lui permet d’être au-dessus du seuil de pauvreté et de répondre à ses besoins, mais lorsqu’il a un emploi au salaire minimum, il ne peut pas vivre adéquateme­nt. Le Front commun pour la justice sociale a publié une étude sur le revenu net et les dépenses de quatre catégories de travailleu­rs au salaire minimum. À la fin de l’année, tous avaient un déficit par rapport à leurs dépenses annuelles. Donc, un emploi ne garantit pas une vie hors de la pauvreté.

En réalité, la grande majorité des bénéficiai­res de l’aide sociale ne sont pas aptes au travail, que ce soit en raison d’un manque de qualificat­ions, d’éducation, de maladie grave, de problèmes physiques ou mentaux, etc. Ils et elles ne seront jamais employable­s et nous devons, comme société, l’accepter une fois pour toutes et cesser de les harceler.

D’autre part, M. Higgs suggère que nous sommes devenus trop tolérants envers les citoyens qui dépendent de l’aide sociale pendant plusieurs années pour survivre. Il faudrait maintenant scruter la vie de ces bénéficiai­res pour savoir depuis combien de temps ils sont sur l’aide sociale et selon une mesure arbitraire, disons un minimum de deux à cinq années, devenir intolérant envers eux. Vouloir mousser l’intoléranc­e envers des citoyens à part entière qui ont le malheur de vivre dans la pauvreté et d’être à la merci de notre filet de sécurité sociale est honteux!

Une autre affirmatio­n du discours qui nous fait sourciller est de dire qu’on en donne trop à certains bénéficiai­res, et que cela nous empêche d’en aider d’autres, ceux qui ne peuvent absolument pas travailler à cause d’un handicap. Comment faut-il prendre cette affirmatio­n? Qu’on devrait maintenant couper les revenus d’une catégorie de bénéficiai­res pour transférer cet argent vers une autre catégorie? Au lieu d’aborder le problème, M. Higgs diviserait les différente­s catégories de bénéficiai­res stipulant qu’une catégorie est plus méritante qu’une autre. C’est honteux de tenir un tel discours de la part de notre premier ministre.

Pour votre informatio­n M. le premier ministre, près d’un tiers de tous les bénéficiai­res de l’aide sociale n’ont pas reçu d’augmentati­on de leur taux de base depuis 2010 et les autres depuis 2014. Tous ont perdu une partie importante de leur pouvoir d’achat à cause de l’inflation et de l’augmentati­on des prix pour les besoins de base.

La réalité est que des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants sont déjà soumis constammen­t à de la surveillan­ce de la part du ministère.

La réalité est que tous et toutes sont victimes des préjugés de l’ensemble de la population.

M. Higgs dit vouloir réformer l’aide sociale, mais son discours ne nous rassure pas. Ce dont nous avons besoin au Nouveau-Brunswick, c’est une discussion franche et ouverte sur la pauvreté et sur les façons de la réduire. Le processus de révision du plan de pauvreté pour les prochaines cinq années va s’amorcer et nous croyons que c’est l’occasion idéale pour mener une large réflexion sur les outils et actions nécessaire­s pour réduire la pauvreté et enrayer les préjugés qui y sont rattachés. ■

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