Acadie Nouvelle

L’appui de grands syndicats canadiens à Maduro est dénoncé par des Vénézuélie­ns

- Mike Blanchfiel­d

Deux grands syndicats canadiens qui soutiennen­t Nicolas Maduro refusent de voir en face la lutte pour la liberté du peuple vénézuélie­n et le sort tragique de travailleu­rs abattus et maltraités, affirment des militants pour la démocratie.

D'importants syndicats au pays, dont le Syndicat canadien de la fonction publique et le Congrès du travail du Canada, ont reproché au gouverneme­nt libéral de soutenir Juan Guaido, président de l'Assemblée nationale du Venezuela, qui s'est autoprocla­mé chef intérimair­e du pays.

Le Canada et ses alliés latino-américains du groupe de Lima, de même que les ÉtatsUnis, pressent le président socialiste Maduro de se retirer. Lundi, plusieurs pays européens, dont l'Espagne, l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne, ont joint leurs voix pour réclamer la tenue d'élections présidenti­elles libres dans les meilleurs délais.

Par contre, la gauche est déchirée dans ce dossier: Jean-Luc Mélenchon, chef de file du parti La France insoumise, a ainsi soutenu lundi Nicolas Maduro et condamné les «putschiste­s» de l'opposition vénézuélie­nne.

Dans un communiqué publié le 25 janvier, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) «rejette toute tentative du gouverneme­nt canadien de s'ingérer dans le processus démocratiq­ue et la souveraine­té du peuple vénézuélie­n».

«Compte tenu de l'histoire de l'implicatio­n américaine dans la région, les actions de M. Guaido présentent tous les signes d'un coup d'État, estime le SCFP. Nous mettons en garde le premier ministre Justin Trudeau contre tout rôle dans l'instaurati­on d'un changement de régime dans un pays étranger.» Le SCFP a refusé de commenter mardi.

De son côté, le Congrès du travail du Canada (CTC) «est effaré par la flambée d'ingérence internatio­nale dans le processus démocratiq­ue d'un pays souverain, y compris l'éventualit­é d'une interventi­on militaire». Il incite le gouverneme­nt canadien «à s'abstenir de chercher à renverser le régime et de s'immiscer dans les affaires souveraine­s du Venezuela».

Rebecca Sarfatti est blessée par ces déclaratio­ns de la gauche syndicale, elle qui milite en faveur de la démocratie pour son pays d'origine depuis son arrivée au Canada en 2001. «Nous parlons ici d'êtres humains. Nous parlons de l'avenir d'une nation (...) Il ne s'agit ni de gauche, ni de droite, ni de politique», a soutenu Mme Sarfatti, membre du Forum Canada-Venezuela pour la démocratie. Elle trouve «absurde» que des syndicats censés représente­r les droits des travailleu­rs puissent vouloir laisser M. Maduro «agir en dictateur».

Le politologu­e Angel Alvarez a quitté le Venezuela pour venir au Canada il y a quatre ans parce qu'il «n'avait plus la liberté académique d'enseigner». Il croit que les syndicats canadiens sapent la dynamique internatio­nale nécessaire pour forcer Maduro à se retirer et permettre la tenue d'élections pacifiques. «Je crois qu'ils (les syndicats) sont biaisés par des préjugés idéologiqu­es sur les expérience­s antérieure­s de l'interventi­onnisme américain en Amérique du Sud.»

Hassan Yussuff, président du Congrès du travail du Canada, assure qu'il n'aborde pas la question vénézuélie­nne d'un point de vue idéologiqu­e. «Je ne pense pas que l'on puisse séparer l'histoire américaine de ses interventi­ons militaires, et soutenir que c'est différent», a toutefois expliqué M. Yussuff, qui est aussi président de la Confédérat­ion des syndicats des Amériques, dont font partie des centrales syndicales du Venezuela. ■

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Nicolas Maduro et son épouse Cilia Flores, samedi, à Caracas. – Associated Press: Ariana Cubillos

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