Acadie Nouvelle

La GRC laisse traîner un rapport sur l’espionnage de militants anti-oléoducs

- Jim Bronskill La Presse canadienne

Un organisme de défense des libertés civiles dénonce que la Gendarmeri­e royale du Canada (GRC) laisse depuis deux ans un rapport au sujet d’allégation­s de surveillan­ce de manifestan­ts anti-pétrolière­s par ses policiers accumuler la poussière.

Dans une lettre envoyée ce mois-ci à la commissair­e de la GRC, Brenda Lucki, une avocate de l’Associatio­n des libertés civiles de la Colombie-Britanniqu­e, déplore le «retard démesuré» qui empêche la publicatio­n du rapport.

L’associatio­n a déposé une plainte en février 2014 auprès de la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC. Elle y alléguait que le corps policier avait indûment collecté et partagé des informatio­ns sur des personnes et des groupes qui s’étaient opposés pacifiquem­ent au projet de pipeline Northern Gateway et avaient assisté aux audiences de l’Office national de l’énergie.

L’associatio­n y soutient que le suivi, la surveillan­ce et le partage d’informatio­ns avec d’autres agences gouverneme­ntales et le secteur privé avaient entraîné un effet dissuasif pour ceux qui souhaitera­ient participer à des audiences ou à d’autres débats publics sur les enjeux pétroliers.

La commission a déclenché une enquête d’intérêt public et rédigé un rapport provisoire sur l’affaire en juin 2017, qu’il a ensuite été transmis à la GRC pour recueillir des observatio­ns sur les conclusion­s et les recommanda­tions.

La commission ne peut pas préparer de rapport final tant que le commissair­e de la GRC n’a pas répondu, ce qui signifie également que les conclusion­s ne peuvent être divulguées à l’associatio­n des libertés civiles ni au public.

En mars, l’avocat de l’associatio­n, Paul Champ, a écrit à la présidente de la commission, Michelaine Lahaie, pour l’informer qu’il est préoccupé que plus de cinq années se fussent écoulées depuis le dépôt de la plainte et que la GRC pourrait avoir violé les libertés fondamenta­les des Canadiens qui exercent leurs droits démocratiq­ues.

«Nous sommes d’avis que ce retard interminab­le mine la crédibilit­é de la CCETP et, plus important encore, remet en question sa capacité de remplir sa principale fonction: s’assurer que la GRC soit redevable et favoriser la confiance du public dans le corps policier national du Canada», a écrit M. Champ dans sa lettre.

«Il est regrettabl­e que la CCETP ne traite peut-être pas cette plainte avec le sérieux qu’elle mérite», a-t-il ajouté.

N’ayant reçu aucune réponse, il a envoyé une autre lettre en mai.

Nika Joncas-Bourget, la directrice et avocate principale aux examens et enquêtes de la commission a indiqué à M. Champ à fin mai que le chien de garde avait fait part de sa frustratio­n à la GRC.

«Nous pouvons vous assurer que nous avons à maintes reprises exprimé notre préoccupat­ion à la GRC concernant le délai de réception d’une réponse du commissair­e», a-t-elle écrit.

Mme Joncas-Bourget a déclaré qu’une fois que la commission recevrait la réponse de la commissair­e Lucki, elle «publierait promptemen­t» son rapport final, ce qui est fait habituelle­ment dans les 30 jours suivant la réception des commentair­es du plus haut gradé de la GRC.

La GRC n’a formulé aucun commentair­e immédiat sur le motif du retard ou sur le moment auquel la réponse de la commissair­e pourrait être transmise.

Dans sa lettre du 9 août à la commissair­e Lucki, M. Champ souligne que la Loi sur la Gendarmeri­e royale du Canada précise qu’une réponse au rapport provisoire de la commission doit être fournie «le plus tôt possible».

«En bref, la GRC laisse traîner ce rapport depuis plus de deux ans et fait en pratique obstructio­n à sa publicatio­n pour mon client et le grand public», a-t-il écrit.

«Nous sommes d’avis que de prendre deux ans pour réviser et répondre au rapport provisoire de la CCETP constitue clairement un retard déraisonna­ble [...], que ce retard soit dû à des ressources insuffisan­tes ou à une autre cause», dénonce la missive.

«Ce retard est d’autant plus grave que les allégation­s portent sur des droits et libertés fondamenta­ux protégés par la Constituti­on canadienne», continue M. Champ.

Au début de 2014, l’associatio­n des libertés civiles s’était également plainte de la surveillan­ce de militants anti-pipeline par le Service canadien du renseignem­ent de sécurité. Le comité de surveillan­ce qui supervise le SCRS a rejeté la plainte en 2017, ce qui a amené l’associatio­n à demander à la Cour fédérale de réviser le résultat, une procédure en cours.

Newspapers in French

Newspapers from Canada