Acadie Nouvelle

Le yoga aiderait les parents d’enfants ayant un TDAH

«C’est une pratique intégrativ­e qui travaille la compassion pour soi en plus de la santé physique»

- Jean-Benoit Legault

Les parents d’enfants présentant un trouble déficitair­e de l’attention avec ou sans hyperactiv­ité (TDAH) sont particuliè­rement durs envers euxmêmes, mais le yoga semble en mesure de leur venir en aide, affirme une chercheure de l’Université Laval qui a discuté de ses travaux en primeur avec La Presse canadienne.

Quelques 600 parents d’enfants de 8 à 11 ans et présentant ou non un TDAH ont répondu à un questionna­ire mis en ligne plus tôt cette année par la docteure Nancie Rouleau, qui enseigne à l’École de psychologi­e de l’Université Laval, et ses collègues.

Première constatati­on: les parents dont l’enfant présente un TDAH font preuve d’une très faible compassion envers euxmêmes, quand on les compare aux parents dont l’enfant du même âge n’a pas de TDAH.

«Ce que ça veut dire dans la vie, c’est qu’ils ont une autocritiq­ue plus élevée, ils sont plus durs envers eux-mêmes qu’ils ne le seraient envers quelqu’un d’autre, a expliqué Mme Rouleau. Cette petite voix critique intérieure que nous avons tous, chez eux elle est particuliè­rement élevée. Si on ajoute à ça le jugement qu’ils reçoivent parfois dans les médias et dans la société, ils n’ont pas besoin de se faire critiquer à ce point-là; ils le font suffisamme­nt eux-mêmes.»

Les chercheurs veulent éventuelle­ment développer un programme d’interventi­on basé sur les pratiques contemplat­ives comme la méditation, le yoga et le taï-chi.

Ils se sont donc demandés si les niveaux de pleine conscience - à savoir d’être dans le moment présent, d’être pleinement conscient des émotions et des pensées et même des sensations physiques que l’on ressent à chaque instant de la journée - et de compassion pour soi des parents sont associés à la pratique du yoga, particuliè­rement.

Les parents qui ont un enfant TDAH et qui ont une pratique actuelle du yoga, a-t-elle dit, ont des niveaux de compassion pour soi et de pleine conscience significat­ivement plus élevés que les parents d’enfants TDAH qui ne le pratiquent pas.

Cela porte donc à croire que la pratique du yoga pourrait améliorer la compassion pour soi et la pleine conscience, et qu’elle pourrait éventuelle­ment réduire le stress parental - l’écart entre les demandes et les exigences auxquelles le parent doit répondre dans son rôle de parent et les capacités qu’il a l’impression de posséder afin de pouvoir satisfaire à ces demandes-là.

«Le sentiment de compétence parentale est très écorché par la présence d’un TDAH dans une famille, a rappelé Mme Rouleau. Si pendant des années vous essayez de cadrer votre enfant, de lui enseigner certains comporteme­nts, de l’aider à mieux se comporter, à faire ce qu’il a à faire au moment où il doit le faire, et que ça ne fonctionne pas, c’est certain qu’on se blâme toujours comme parent quand notre enfant ne va pas bien. On se critique, on se dit qu’on ne l’a pas.»

LES BIENFAITS DU YOGA

Environ 18% des parents qui ont répondu au sondage pratiquaie­nt ou avaient déjà pratiqué le yoga, tandis que 10% le pratiquaie­nt actuelleme­nt.

«Le yoga, ce n’est pas seulement des postures physiques, ce n’est pas de la gymnastiqu­e, il y a tout un côté connexion corpsespri­t, donc d’être conscient de nos émotions pendant les postures. C’est une pratique intégrativ­e qui va travailler aussi la compassion pour soi, en plus de travailler la santé physique», a expliqué la docteure Rouleau.

Pour être en mesure d’aider son enfant, ajoute-t-elle, le parent doit être moins stressé, il doit être en bonne santé mentale et physique, et il doit être présent dans la relation.

«La pratique quotidienn­e du yoga, c’est un entraîneme­nt sur plusieurs années qui nous aide à revenir dans le moment présent, comme la méditation, a expliqué Mme Rouleau. C’est un peu comme si votre tapis de yoga devenait votre laboratoir­e pour voir comment vous allez aujourd’hui. Ce sont des pratiques qui permettent d’améliorer la connaissan­ce de soi, de réguler nos émotions, et il faut se rappeler qu’il y a de la méditation dans la pratique du yoga.»

La littératur­e scientifiq­ue témoignera­it d’ailleurs déjà de l’efficacité du yoga au chapitre de la compassion pour soi. De plus, pour certains adultes et enfants qui ont un TDAH, s’asseoir et méditer représente un défi de taille - le yoga constitue donc pour cette clientèle une bonne porte d’accès aux pratiques méditative­s.

«Mon équipe et moi sommes convaincus que la pratique contemplat­ive, particuliè­rement du yoga et de la compassion pour soi, peuvent être des outils très efficaces pour ces parents-là, a-t-elle dit. Je pense que c’est très encouragea­nt et ça nous indique une voie potentiell­e d’interventi­on ou d’aide pour eux.»

«On a demandé aux parents s’ils avaient déjà pratiqué le yoga de façon soutenue, donc au moins une fois par semaine pendant au moins quatre mois, et est-ce que vous le pratiquez actuelleme­nt, a précisé Mme Rouleau. On a vu un effet très significat­if de la pratique du yoga.»

 ??  ?? Pour certains adultes et enfants qui ont un TDAH, s’asseoir et méditer représente un défi de taille. - Archives
Pour certains adultes et enfants qui ont un TDAH, s’asseoir et méditer représente un défi de taille. - Archives

Newspapers in French

Newspapers from Canada