Acadie Nouvelle

Jusqu’au bout

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Une rude bagarre s’annonce, tant dans l’opinion publique que dans les tribunaux. L’épicentre du conflit est à Fredericto­n. Les conséquenc­es pourraient se faire sentir d’un bout à l’autre du Canada.

Nous parlons évidemment de la volonté du gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick d’adopter un projet de loi sur l’immunisati­on obligatoir­e des élèves. Le ministre Dominic Cardy et un puissant lobby nord-américain opposé à la vaccinatio­n se sont affrontés cette semaine dans la capitale provincial­e. Ça ne fait que commencer.

L’Acadie Nouvelle s’est prononcée plusieurs fois en éditorial en faveur de la vaccinatio­n, et plus précisémen­t pour la vaccinatio­n obligatoir­e des élèves. Nous sommes heureux de voir un ministre se tenir debout et tenir tête aux opposants dans ce dossier.

Dominic Cardy et le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick ne sont toutefois pas au bout de leurs peines. Le projet de loi 39, qui est présenteme­nt à l’étude, prévoit l’éliminatio­n des exemptions non médicales à la vaccinatio­n pour les élèves des écoles publiques et les enfants des garderies agréées.

Concrèteme­nt, cela signifie que si le système immunitair­e de votre enfant gravement malade est trop affaibli pour être vacciné, il pourra toujours être exempté. La loi ne mettra personne en danger.

Par contre, si le projet de loi est adopté, votre chérubin ne pourra plus être exempté sous prétexte que papa et maman ont visionné une vidéo sur YouTube ou lu un message sur Facebook révélant que la vaccinatio­n de masse fait partie d’une conspirati­on mondiale visant à permettre aux gouverneme­nts de contrôler la population. Les exceptions pour raisons morales ou religieuse­s ne seront plus tolérées.

Pas mal de gens qui se sont fait une renommée grâce au mouvement antivax voient donc le Nouveau-Brunswick comme une menace.

C’est ainsi que le pédiatre Bob Sears s’est déplacé depuis la Californie pour dénoncer le projet de loi. Il affirme que de toute façon, «la plupart des maladies ne se propagent pas dans les écoles». Son voyage a été payé par Vaccine Choice Canada, un groupe anti-immunisati­on.

L’organisme ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a payé le déplacemen­ts d’autres témoins et «experts». Parmi ceux-ci, un avocat qui a tenté de convaincre le ministère que sa position est anticonsti­tutionnell­e.

En fait, les techniques de lobbyisme des organismes comme Vaccine Choice Canada ressemblen­t un peu à celles des mouvements en faveur d’une plus grande libéralisa­tion des armes à feu ou qui souhaitent interdire l’avortement.

Bizarremen­t, les personnes qui invoquent leurs droits et la liberté quand vient le moment de se battre contre la vaccinatio­n ou pour le port d’armes sont souvent les mêmes qui souhaitent ensuite contrôler ce que les femmes peuvent faire avec leur utérus. Mais c’est une autre histoire…

Quand au ministre Cardy, il devra affronter le courroux de ses opposants sur plusieurs fronts.

M. Cardy partage régulièrem­ent sur son compte Twitter des messages d’opposants à la vaccinatio­n. À ceux qui l’attaquent sur une base personnell­e ou qui propagent des faussetés, il répond patiemment, mais fermement avec des faits.

Quels sont ces faits? Les vaccins empêchent la propagatio­n de maladies. Les vaccins sauvent des vies. Et surtout, aucune étude scientifiq­ue sérieuse n’a pu démontrer de risques liés à ceux-ci.

Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick devra de son côté sûrement se défendre devant les tribunaux. Vaccine Choice Canada et ses semblables ne laisseront pas l’étincelle néobrunswi­ckoise se transforme­r en incendie de forêt pancanadie­n sans rien dire.

Personne ne sait avec certitude de quel côté trancheron­t les tribunaux. Des juges pourraient déterminer que les restrictio­ns imposées par Fredericto­n sont une atteinte à la liberté de religion, tel que prévu dans la Charte canadienne des droits et libertés. Des décisions seront sûrement portées en appel, possibleme­nt jusqu’en Cour suprême.

Notons toutefois que même la liberté de religion à ses limites. Pas plus tard que la semaine dernière, un hôpital de Québec a obtenu une ordonnance de la cour qui lui a permis de procéder à une transfusio­n sanguine sur un enfant âgé de 5 ans, malgré le refus de ses parents, membres des témoins de Jéhovah. La juge a justifié sa décision en décrétant que «les conviction­s religieuse­s des parents et leurs valeurs entrent en conflit avec l’intérêt de l’enfant».

Tout est là. L’intérêt et la santé de nos enfants en opposition aux conviction­s et croyances de certains parents. Des parents qu’aucune étude et aucun argument censés et logiques ne pourront jamais convaincre.

Nous invitons le gouverneme­nt Higgs à adopter son projet de loi dès que possible et à le mettre ensuite en applicatio­n. Nous pressons les partis d’opposition à l’appuyer. Et si le dossier finit par se rendre devant les tribunaux, nous espérons voir les gouverneme­nts des autres provinces ainsi que le fédéral appuyer les efforts de notre province.

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