Acadie Nouvelle

ÉDITORIAL: L’HOMOSEXUAL­ITÉ, L’AVORTEMENT ET LES POLITICIEN­S

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Le premier ministre progressis­teconserva­teur Blaine Higgs fait encore une fois cette année l’impasse sur les différents défilés de la fierté gaie qui ont lieu dans les principale­s villes du Nouveau-Brunswick. Il n’y a pas d’autre façon de le dire, ce choix est décevant.

Il s’agit en fait de la deuxième année de suite que Blaine Higgs refuse de faire acte de présence au défilé de la fierté de Moncton, de loin le plus important du genre au NouveauBru­nswick.

L’année dernière, le défilé avait eu lieu à peine deux jours avant le déclenchem­ent de la camapgne électorale. Les chefs des principaux partis politiques s’étaient fait un devoir de participer à l’événement, lequel attire chaque année des milliers de personnes dans le centrevill­e de Moncton. M. Higgs n’était pas présent, s’étant plutôt rendu à des funéraille­s.

Cette année encore, le premier ministre manquera à l’appel à Moncton. Une porte-parole a expliqué que son chef a des engagement­s antérieurs.

L’excuse est faible. Le défilé a lieu chaque année, toujours à la fin août. Il n’est pas difficile à prévoir dans l’horaire d’un politicien.

L’absence de M. Higgs à Moncton, mais aussi à Saint-Jean et à Fredericto­n, montre une nouvelle fois à quel point la question LGBTQ+ en est une sensible au sein des partis de droite.

Cela ne signifie pas qu’ils sont homophobes. Les candidats et députés progressis­tesconserv­ateurs ne naissent pas avec un gêne antihomose­xualité. La ministre Dorothy Shephard était de la partie au défilé de SaintJean. Une candidate du PC sera à celui de Moncton. À Caraquet, le maire Kevin Haché - qui a été candidat progressis­te-conservate­ur aux élections provincial­es de 2018 - a été l’initiateur du festival Acadie Love.

Notons aussi que le libéral Brian Gallant a été le premier politicien à participer à un défilé de la fierté alors qu’il était premier ministre du Nouveau-Brunswick. La tradition ne remonte donc pas à très longtemps. Elle est même très récente.

Néanmoins, l’absence du premier ministre Higgs est, au risque de nous répéter, très décevante. Évidemment, rien ne l’oblige à assister à ces événements. Il peut gérer son horaire comme il l’entend.

Posons toutefois la question autrement: comment réagirions-nous, en tant que francophon­es et Acadiens du Nouveau-Brunswick, si un premier ministre en fonction annonçait qu’il ne participer­a à aucune activité du 15 août, ni à aucun tintamarre, parce qu’il a «des engagement­s antérieurs»?

Nous serions nombreux à dénoncer sa décision et à nous interroger sur l’importance réelle qu’il accorde à notre peuple ainsi qu’à nos droits.

Par ailleurs, cette frilosité de certains politicien­s ne se limite pas aux droits LGBTQ+. Sur la scène fédérale, le chef conservate­ur Andrew Scheer est en train de torpiller sa campagne avant même que celle-ci n’ait débuté en raison des doutes qu’il laisse trainer concernant sa position sur l’avortement.

Il répète qu’il n’a pas l’intention de rouvrir le débat. Par contre, un regroupeme­nt pro-choix bien connu s’est vanté récemment d’avoir obtenu l’assurance de M. Scheer que si un député d’arrière-ban propose un projet de loi pour imposer des restrictio­ns à l’avortement, il laissera sa députation - y compris ses ministres - voter librement. M. Sheer n’a pas nié.

Résultat, de nombreux nouveaux candidats conservate­urs, en particulie­r au Québec, sont pris à défendre leur position ainsi que celle présumée de leur chef.

Pire, les conservate­urs, qui avaient le vent dans les voiles avec le scandale SNC-Lavalin du gouverneme­nt Trudeau, sont maintenant sur la défensive. Ils sont déterminés à apaiser la partie la plus traditiona­liste (ou intolérant­e, c’est selon) de leur base militante, même si cela pourrait miner leurs chances de supplanter le gouverneme­nt Trudeau. C’est stupéfiant.

Bien d’autres gouverneme­nts ont par le passé tenté de gérer les attentes de leurs militants ou des citoyens en lien avec les droits dits sociaux.

Le premier ministre libéral Frank McKenna a mené une guérilla judiciaire sans précédent dans les années 1980 pour tenter d’empêcher (en vain) le Dr Henry Morgentale­r d’établir une clinique d’avortement à Fredericto­n. Bernard Lord, qui a toujours dit que son parti était «socialemen­t progressis­te et fiscalemen­t conservate­ur», a refusé de reconnaîtr­e les mariages de même sexe au N.-B. au début des années 2000, avant que la Cour suprême n’oblige le fédéral à légiférer.

Nous croyons que ce n’est pas trop demander de la part de nos politicien­s de gauche, de centre et de droite à s’engager fermement à ne pas revenir en arrière. Et à faire preuve d’un peu d’ouverture d’esprit en participan­t aux défilés de la fierté comme celui de Moncton, aujourd’hui.

La simple présence d’un politicien à un événement représente beaucoup. Son absence aussi.

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