Acadie Nouvelle

Des saules pour traiter l’eau des sites d’enfouissem­ent

- Stéphanie Marin

Le liquide brun pollué qui s’écoule des déchets des sites d’enfouissem­ent est un souci environnem­ental. Mais une équipe de chercheurs et deux entreprise­s ont travaillé sur cette idée: pourquoi ne pas se servir d’arbres pour le décontamin­er, mais aussi le récupérer pour faire pousser ces arbres encore plus?

C’est exactement l’objectif d’un projet novateur de phytotechn­ologie, mis au point au Québec: PhytoValix.

Au lieu d’utiliser des produits chimiques et de payer pour décontamin­er cette eau brunâtre issue des masses de déchets, elle sert à arroser des saules, plantés sur un dépotoir dans les Laurentide­s. Non seulement ces arbres filtrent et nettoient ce liquide appelé lixiviat, mais ils s’en nourrissen­t et il est prévu qu’ils poussent d’autant plus. Les tiges des saules seront ensuite utilisées pour confection­ner des murs antibruit végétaux. Un projet pilote qui est un exemple frappant d’économie circulaire, et qui a reçu l’aval du ministère de l’Environnem­ent du Québec.

PhytoValix a été dévoilé récemment à Sainte-Sophie, près de Saint-Jérôme dans les Laurentide­s, là où se trouve le site d’enfouissem­ent.

«Au Canada, je crois que c’est une première d’utiliser les saules pour le traitement du lixiviat», dit Yves Comeau, l’un des chercheurs impliqués dans le projet, aussi professeur de génie à l’École Polytechni­que de Montréal, avec une expertise en traitement des eaux usées. «Et c’est très prometteur», dit-il.

Les phytotechn­ologies incluent toutes les utilisatio­ns de végétaux destinées à résoudre des problèmes environnem­entaux comme la décontamin­ation des sols et le traitement des eaux usées.

Et ici, il est question d’une applicatio­n toute particuliè­re de cette «technologi­e verte» pour traiter par bio-filtration le lixiviat, ce liquide issu des déchets qui s’écoule avec la fonte des neiges ou après la pluie.

Le procédé pourrait d’ailleurs être utilisé ailleurs au Canada et aux États-Unis ou même dans d’autres pays. Waste Management, le propriétai­re du lieu d’enfouissem­ent technique où le projet pilote se déroule, possède plus de 250 sites, surtout au sud de la frontière, mais aussi en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britanniqu­e.

EXIT LES PRODUITS CHIMIQUES

Ce projet est le résultat du travail de chercheurs en botanique et en ingénierie ainsi que de deux entreprise­s commercial­es: Waste Management et Ramea phytotechn­ologies. Cette dernière confection­ne notamment des murs antibruit végétaux. Ensemble, ils ont mis au point ce procédé de phytotechn­ologie.

«On voulait redonner à l’agricultur­e des terrains qui ont servi à l’enfouissem­ent pendant des années», a lancé d’entrée de jeu Ghislain Lacombe, le directeur de l’ingénierie et de l’environnem­ent chez Waste Management, en entrevue. En plus de vouloir protéger l’environnem­ent, il voulait aussi aider une entreprise locale, Ramea, dit-il.

Le site a servi à enfouir des déchets depuis les années 1970 et certaines portions en reçoivent toujours. Des sections de ce site affichent complet et sont depuis protégées par de multiples membranes et recouverte­s de foin.

Mais à l’été 2018, quelque 160 000 saules à croissance rapide y ont été plantés, sur neuf hectares.

Cet arbre est le «matériel de prédilecti­on» de Michel Labrecque, chercheur à l’Institut de recherche en biologie végétale du Jardin botanique de Montréal, affilié à l’Université de Montréal, où il enseigne également. Les phytotechn­ologies sont sa spécialité.

«Les saules se multiplien­t facilement, se bouturent bien et ont une grande capacité d’absorber des contaminan­ts», explique-t-il en entrevue. Et leur production est très uniforme.

Ils sont aussi des puits de captation de carbone, ce qui réduit les émissions GES, ajoute M. Lacombe.

UN SUPER-CHAMPION, QUOI.

Sans les saules, les gestionnai­res de sites d’enfouissem­ent doivent traiter le lixiviat avant de le rejeter dans les rivières. Le liquide est d’abord récupéré dans de grands bassins de stockage, puis envoyé dans des réacteurs biologique­s avec des produits chimiques. Les normes environnem­entales au Québec pour cette matière sont de plus en plus sévères et entraînent des coûts importants.

Pour Waste Management, le procédé lui permettra entre autres d’épargner sur ses coûts de traitement de ce lixiviat. Ils seraient réduits de 25% à 30%, selon les projection­s du projet pilote, estime M. Lacombe. Le procédé ne peut toutefois fonctionne­r en hiver, prévient-il. ■

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- La Presse canadienne: Ryan Remiorz Un mur antibruit sépare une autoroute et un quartier résidentie­l.

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