«Je veux être plus connectée à l’univers, à la Terre et à moi-même»
La 22e foire de la médecine dite «holistique» s’est tenue à Riverview les 20 et 21 septembre. Ils étaient 33 exposants à présenter leur pratique, dont le reiki. Les gouvernements fédéral et provincial ne s’en préoccupent pas. Mais celui de la France s’inquiète de dérives sectaires liées à ces croyances.
Le reiki fonctionne-t-il vraiment? Steve Clayton pratique cette méthode thérapeutique développée au Japon à la fin du 19e siècle. Elle consiste à poser les mains sur le malade pour activer son énergie vitale. Le guérisseur promet de soigner ainsi votre grippe en trois à quatre semaines.
«J’ai dû suivre des cours», affirme-t-il. Les trois séances que vous pourriez prendre durant cette période vous coûteraient un total de 210$. La plupart des personnes en bonne santé guérissent cependant de cette infection par elles-mêmes en cinq à sept jours.
M. Clayton a organisé la 22e foire de la médecine holistique à Riverview les 21 et 22 septembre. L’ambiance était feutrée dans le centre Coverdale, durant la fin de matinée de dimanche. Deux personnes s’y faisaient un long câlin. Non loin d’elles, un visiteur apprenait son avenir grâce à un jeu de tarot. Le panneau d’un pavillon situé à proximité incitait les visiteurs à «obtenir des réponses».
Les flâneurs en quête d’absolu étaient rares. En tout, une petite centaine de personnes se trouvait à l’événement, exposants inclus. M. Clayton assure cependant qu’entre 500 et 700 curieux s’y sont rendus durant la fin de semaine.
DES PRATIQUES BANALISÉES
Parmi eux se trouvaient Renelle et sa fille Sandrine. La mère était déjà venue plusieurs fois de Campbellton pour la foire.
«Je veux être plus connectée à l’univers, à la Terre et à moi-même, explique-t-elle. C’est aussi l’occasion de penser et de voir d’une autre façon.»
Renelle utilise la médecine holistique (qui prétend aborder l’ensemble des causes des maladies) sur elle-même. Elle prend aussi deux ou trois séances annuelles avec des professionnels.
«J’en constate les effets sur ma santé, notamment mon anxiété», dit-elle.
Elle affirme que beaucoup de membres de sa famille et de ses amis partagent ses croyances. Sa fille a déjà suivi une séance de reiki.
«Je ne prends pas le temps, confesse-t-elle néanmoins. Il faut que je revoie mes routines.»
UNE IMPORTANTE COMMUNAUTÉ À MONCTON
Les exposants de la foire étaient au nombre de 33. Ils venaient de tout le NouveauBrunswick, mais en majorité des environs de Riverview.
«Il y a une communauté vivante pour la médecine spirituelle, ici», constate M. Clayton.
«Cette communauté est la plus forte des Maritimes, observe le musicien New Age Danny Thibodeau. La spiritualité n’est pas plus importante dans le Grand Moncton qu’ailleurs, mais davantage de gens y ouvrent des magasins, tels Le Passage, Mystral et Mastika Boutik.
DES THÉRAPEUTES AUSSI GOUROUS
Le gouvernement français s’est inquiété de nombreuses offres «potentiellement sectaires dans le domaine de la santé.» Le reiki fait partie des activités qu’il a tenues dans sa ligne de mire.
«Dans la très grande majorité des cas, ces pratiques de soins non conventionnelles n’ont pas fait l’objet d’études scientifiques ou cliniques montrant leurs modalités d’action, leurs effets, leur efficacité, ainsi que leur nondangerosité», ont écrit les auteurs d’un rapport de Miviludes. Cette mission intergouvernementale surveille les sectes en France.
Le gouvernement fédéral déclare qu’au Canada une telle mission devrait être initiée par les provinces. Le ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick indique cependant qu’il n’a pris aucune initiative comparable au Miviludes en France.
Les fonctionnaires français ont craint que les adeptes du reiki tombent sous l’emprise de leur thérapeute.
«Selon les récits rapportés par les proches des victimes, le changement de comportement s’opère après quelques jours de stage, voire après quelques séances d’initiation, racontent les auteurs d’un rapport de 2017. Certains adeptes vont jusqu’à s’endetter pour faire face aux coûts des initiations.»
SEULEMENT UN PLACEBO
Le scientifique québécois derrière le personnage de vulgarisateur scientifique appelé Pharmachien, Olivier Bernard, soutient que le reiki fonctionne vraiment, notamment à cause de la qualité de la relation entre le thérapeute et son patient.
«C’est une approche spirituelle et ésotérique à la guérison, pas un traitement médical, précise-t-il toutefois sur son site internet. En fait, c’est tout simplement une version orientale de la guérison par la foi religieuse.»
Autrement dit, le reiki procure au mieux les bienfaits d’un placebo.
«Il faut dire qu’on a besoin d’aller à l’hôpital, plaide M. Thibodeau. Sans la médecine, je n’aurais ni ma femme ni mon fils, qui est né par césarienne.»
Le sociologue Mathieu Wade indique qu’aucune étude n’explique l’engouement des médecines douces dans la province. Il lance toutefois quelques hypothèses: le populisme qui se développe en Occident, notamment contre la médecine moderne, la prévalence des maladies chroniques dans la région et les limites de son système de santé. ■