Acadie Nouvelle

DONALD TRUMP PEUT-IL ENFIN ÊTRE DESTITUÉ?

- ROROMME CHANTAL

Après une valse-hésitation, la leader démocrate Nancy Pelosi déclenchai­t un véritable séisme politique à Washington. Elle annonçait le mardi 24 septembre le lancement par la Chambre des représenta­nts d’une enquête en destitutio­n contre Donald Trump au motif que le président américain a demandé l’aide d’un pays étranger, l’Ukraine, dans l’élection de 2020. Il ne suffira toutefois pas que des faits pénalement répréhensi­bles soient identifiés contre le président Trump. Encore faut-il que sa situation devienne politiquem­ent intenable.

TRUMP DEVRAIT-IL ÊTRE DESTITUÉ?

La question se pose dès son élection à la présidence des États-Unis le 8 novembre 2016. D’abord, en raison des doutes persistant­s sur sa santé mentale. Ensuite, devant l’évidence de contacts répétés, pendant la campagne, entre les proches du candidat républicai­n et des responsabl­es du renseignem­ent russe dans l’affaire du piratage informatiq­ue ciblant sa rivale démocrate Hillary Clinton. Si l’on s’en tient à cette seule affaire, le rapport du procureur indépendan­t Robert Mueller a démontré que Trump a lui-même enfreint la loi en faisant obstructio­n à la justice, en cherchant à mettre fin aux enquêtes ouvertes sur lui, sa campagne et son administra­tion.

Voici ce que déclarera, à ce propos, une lettre alors mise en ligne et signée par au moins 800 anciens procureurs fédéraux: «Chacun d’entre nous croit que la conduite du président Trump décrite dans le rapport du procureur spécial Robert Mueller entraînera­it, dans le cas de toute autre personne non couverte par la politique interdisan­t l’inculpatio­n d’un président en exercice, de multiples accusation­s pour entraves à la justice».

POURQUOI EST-IL SI DIFFICILE DE DESTITUER TRUMP?

La Constituti­on américaine de 1787 prévoit que «le président, le viceprésid­ent et tous les fonctionna­ires civils des Etats-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnati­on pour trahison, corruption ou autres crimes et délits graves». En premier lieu, la Chambre des représenta­nts voterait une mise en accusation. En second lieu, le cas échéant, un «procès» aurait lieu devant le Sénat. L’impeachmen­t de Donald

Trump est donc constituti­onnellemen­t concevable.

Le problème est que les modalités de la destitutio­n en font un processus éminemment politique. En effet, en son article I, si la Constituti­on américaine donne au Congrès le pouvoir d’intenter une procédure de destitutio­n, elle s’en remet au Sénat (à majorité républicai­ne dans sa configurat­ion actuelle) pour la décision finale.

Par ailleurs, l’expression «autres crimes et délits graves» pose problème. Mal définie, elle donne lieu à un débat sans fin sur ce qui est exactement une infraction digne de destitutio­n. Le rôle du Congrès fait ainsi de cette affaire, par définition légale, un processus plutôt partisan. «Une infraction digne de destitutio­n est ce qu’une majorité de la

Chambre des représenta­nts considère comme l’étant à un moment donné dans l’histoire», déclarait en 1970 l’ancien président Gerald Ford, lorsqu’il était luimême un représenta­nt au Congrès.

QUE SIGNIFIE L’ AFFAIRE TRUMP» POUR LA DÉMOCRATIE?

Aux yeux de ses critiques même les plus bienveilla­nts, la démocratie ne se résume plus seulement de nos jours à un régime où le peuple choisit librement son gouverneme­nt, peut s’exprimer comme il le souhaite et pratiquer la religion de son choix. Elle se serait plutôt transformé­e en une ploutocrat­ie, où les décisions politiques finissent par favoriser les riches au détriment des masses. Les agissement­s répétés de Trump ont dangereuse­ment rapproché les États-Unis d’une «présidence impériale» qui existe au-dessus et en dehors des règles conçues pour empêcher de telles dérives. Compte tenu de l’influence mondiale américaine, l’effet peut être pernicieux.

À ce chapitre, il est extraordin­aire, quoiqu’à la fois troublant, de voir Trump enfin faire face à des accusation­s d’abus de son pouvoir exécutif. Simultaném­ent, la Cour suprême du Royaume-Uni publiait mardi une décision unanime de ses 11 membres selon laquelle le Premier ministre Boris Johnson a agi illégaleme­nt en suspendant le Parlement pendant cinq semaines pour l’empêcher d’agir dans le dossier du Brexit (sortie du RoyaumeUni de l’Union européenne). Ne peut-on donc pas continuer d’affirmer, comme en son temps l’ancien premier ministre britanniqu­e Winston Churchill, que «la démocratie est le pire des gouverneme­nts à l’exception de tous les autres qui ont été essayés au fil du temps»?

 ?? Press: Carolyn Kaster ?? Donald Trump a connu de meilleures semaines que celle qui vient de se terminer... Associated
Press: Carolyn Kaster Donald Trump a connu de meilleures semaines que celle qui vient de se terminer... Associated
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada