Acadie Nouvelle

Mario Durocher: 1000 matchs au compteur

- robert.lagace@acadienouv­elle.com @RobLagace

En cette Semaine nationale des entraîneur­s, saviez-vous qu’il y a au-delà de 60 000 coachs à travers le Canada, dont plus de 1000 uniquement au Nouveau-Brunswick? Le hasard a justement voulu que l’un d’entre eux atteigne vendredi soir, dans le splendide Centre Avenir de Moncton, un plateau rarissime dans son sport. Mario Durocher est ainsi devenu le quatrième entraîneur à atteindre le cap des 1000 rencontres de saison régulière dans la LHJMQ et le 18e dans toute l’histoire de la LCH.

Il rejoint ainsi dans les Richard Martel (1171), Guy Chouinard (1121) et Réal Paiement (1101), trois pilotes ayant grandement marqué cette ligue qui vient d’entamer sa 51e campagne.

La feuille de route de Mario Durocher est admirable: une coupe Telus (2000 à Magog), deux coupes du Président (2002 à Victoriavi­lle; 2014 à Val-d’Or), une finale de la coupe Memorial (2014) et deux médailles d’argent au Championna­t mondial junior (2003 et 2004).

Quand même étrange qu’un tel bonhomme n’ait jamais reçu le titre d’entraîneur de l’année dans la LHJMQ.

Mais qui dit 1000 matchs dit aussi 500 parties sur la route. En comptant les duels préparatoi­res et éliminatoi­res, ça veut dire que Mario Durocher s’est tapé au fil des ans plus ou moins 400 000 km en autobus comme entraîneur-chef.

Et si vous ajoutez ses 400 parties (et plus) comme entraîneur adjoint, dont la moitié à l’étranger, on atteint aisément les 500 000 km.

À part le préposé à l’équipement des Olympiques de Gatineau Serge Haché et quelques recruteurs, il ne doit pas y avoir beaucoup de personnes qui ont vécu ça dans l’histoire de la LHJMQ et qui sont toujours actifs.

Je suis donc allé rencontrer l’entraîneur­chef du Titan d’Acadie-Bathurst, mardi, afin de faire le point sur ces 1000 rencontres. Pour faire changement, nous y sommes allés d’une entrevue questions et réponses, dont voici les grandes lignes (l’entrevue complète est accessible sur la version en ligne de ce texte). Acadie Nouvelle: 1000 matchs Mario, ce n’est pas rien. Est-ce que ç’a passé vite? Mario Durocher: Définitive­ment. En même temps, ce n’est pas quelque chose qui me touche beaucoup. C’est plus plaisant d’avoir 500 victoires (il en a actuelleme­nt 504 en carrière).

AN: Es-tu le même entraîneur que tu étais à tes débuts?

MD: Si je n’avais pas changé, je ne serais pas ici. Tu n’as pas le choix de changer. Scotty Bowman, qui était réputé pour être super sévère, a complèteme­nt changé sa philosophi­e après son passage à Buffalo. Une fois à Détroit, il était même devenu un entraîneur qui était proche de ses joueurs.

AN: Tu as commencé ta carrière comme adjoint avec les Faucons de Sherbrooke en 1992-1993. Tu l’as aussi été ici et là par la suite entre deux postes d’entraîneur-chef. As-tu aimé ton temps comme adjoint?

MD: Honnêtemen­t, je te dirais que j’ai eu autant de plaisir à être adjoint qu’entraîneur-chef. Ce sont toutefois deux postes très différents. L’une des plus grandes différence­s c’est ta relation avec les joueurs. Comme adjoint, tu es plus proche d’eux. Mais quand c’est toi qui diriges, tu te dois de mettre une barrière avec les joueurs et tu dois vivre avec cette barrière.

AN: Tu es le plus vieil entraîneur de la ligue à 56 ans. Ça ne te dérange pas de faire autant de kilomètres en autobus?

MD: Les voyages, je trouve ça amusant. C’est différent de la maison. C’est aussi sur la route que tu apprends à mieux connaître tes joueurs. Et puis, il faut dire que je suis un gars qui dort beaucoup dans l’autobus. (Rires). Dans les longs trajets, je suis un bon dormeux. Peut-être que je vais changer d’idée le jour où j’aurai mal au dos. Mais ce n’est toujours pas le cas. Tout ça pour dire que pour ma part, ça n’a rien de pénible de partir sur la route.

AN: Faut vraiment être un passionné pour diriger un club junior pendant aussi longtemps, non?

MD: J’en connais pas des entraîneur­s dans le junior majeur qui ne sont pas des passionnés. Nous travaillon­s tous très fort, que ce soit aux entraîneme­nts, pendant les matchs ou encore hors glace. Il faut donc que le hockey soit une passion. Et il faut comprendre que nous ne sommes pas juste là pour leur dire de faire circuler la rondelle ou pour faire des changement­s. C’est tellement pas ça le rôle d’un entraîneur. Il y a aussi le côté humain. Le rôle d’un entraîneur, dans le fond, c’est d’être un coffre à outils pour les joueurs. Je nous vois comme des professeur­s d’école. Nous donnons à nos joueurs le maximum d’outils pour passer au niveau suivant, tout en leur montrant à devenir des hommes et à prendre leurs responsabi­lités. Ce sont toutes des choses qui sont aussi importante­s que le hockey lui-même.

AN: Mis à part le hockey, tu es aussi un ingénieur forestier de carrière et tu possèdes d’ailleurs ta propre compagnie. C’est un bon plan B. C’est quelque chose que tu enseignes à tes joueurs d’avoir un plan B?

MD: Certaineme­nt. Nous voyons arriver des enfants de 16 ans qui deviennent avec le temps des adultes à 18 et 19 ans. C’est plaisant de les voir grandir. La LHJMQ est une école de vie où nous enseignons la base. Personnell­ement, je suis chanceux d’avoir un plan B. Les joueurs ne doivent jamais oublier que c’est une petite minorité qui réussit à atteindre la Ligue nationale, même si la LHJMQ peut aussi te mener au hockey universita­ire, en Europe ou encore dans les circuits profession­nels mineurs. Il n’en demeure pas moins important d’avoir un plan B. Moi, si le hockey me lâche, je m’en irai dans le bois faire mes autres affaires.

AN: Est-ce que tu as des modèles comme entraîneur?

MD: J’ai deux mentors. Ils sont Guy Chouinard et Pierre Creamer. J’ai eu la chance de travailler avec chacun d’eux. Guy, j’ai commencé ma carrière avec lui et il m’a montré toute la base du jeu. Pierre (ex-entraîneur des Penguins de Pittsburgh), je l’ai connu à Victoriavi­lle, où il agissait comme recruteur. C’est lui qui m’a fait comprendre qu’il était important d’éviter de passer six heures en ligne encabané dans mon bureau. Il m’a dit que c’était de se changer les idées, de faire des sorties avec ma femme et d’aller voir d’autres choses de temps en temps à l’extérieur de mon bureau. Pierre est devenu un grand ami que j’appelle encore de temps en temps. C’est la même chose avec Guy.

AN: Tu ne viens pas de la LNH comme certains entraîneur­s de la LHJMQ. Comment ça se passe quand on débute comme toi sans avoir un gros curriculum vitae dans le hockey?

MD: J’ai commencé sous les ordres de Guy Chouinard qui avait marqué 50 buts dans une saison dans la LNH. Il imposait le respect juste pour ça. Moi, comme je n’ai pas joué à ce niveau, il a fallu que je gagne ce respect d’une autre façon. J’ai dû faire mes preuves avant de gagner ma crédibilit­é. C’est d’ailleurs l’accompliss­ement dont je crois être le plus fier. Je suis également fier d’avoir toujours travaillé dans des petits marchés.

AN: Es-tu le genre d’entraîneur-chef à partager son savoir avec ses adjoints?

MD: Ça ne fonctionne pas comme ça. Du moins pas avec moi. Je n’ai rien d’écrit. Selon moi, c’est par l’expérience que tu apprends. À mes adjoints qui débutent dans le métier, je leur dis de me regarder comment je travaille et ils vont ainsi apprendre des choses. De cette façon, il va aussi pouvoir développer sa propre identité. Dans le hockey, c’est important de développer ta propre identité et de profiter des chances qui te sont offertes.

AN: Es-tu nerveux avant un match? MD: Non. C’est important que je donne l’impression d’être zen. Je suis en quelque sorte le moteur du club et je me dois de paraître calme afin que mes joueurs soient dans le meilleur état d’esprit possible. Ça ne serait pas bon pour eux de voir un entraîneur qui panique ou qui a la tête à l’envers. Il faut toujours que tu demeures en confiance de tout ce qui se passe. C’est possible que tu te trompes parfois dans un choix de jeu, l’erreur est un comporteme­nt humain, mais tu te dois de rester calme.

AN: Tu as trois joueurs de 16 ans cette saison dans ton équipe, soit Riley Kidney, Cole Huckins et Tristan Roy. Comment gère-t-on la première saison d’un adolescent dans une ligue aussi compétitiv­e?

MD: Il faut faire attention avec les joueurs de 16 ans. Règle générale, leur corps n’est pas prêt pour une longue saison junior. C’est donc important de ne pas brûler les étapes. C’est d’ailleurs pourquoi il arrive si souvent que des jeunes ont une grosse baisse d’intensité après les Fêtes. Il faut qu’ils comprennen­t qu’une saison de hockey se divise en quatre. Il y l’intensité du camp d’entraîneme­nt, l’intensité du début de la saison, l’intensité après les Fêtes, où les plus vieux commencent à trouver leur vitesse de croisière, et l’intensité des séries éliminatoi­res. Et puis un club en reconstruc­tion ne se dirige pas de la même façon qu’un club à maturité. Avec des jeunes, tu dois d’abord leur apprendre la base. Même que parfois, pour que la base soit bien établie, ça peut prendre plus qu’une saison. ■

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Mario Durocher – Acadie Nouvelle: Robert Lagacé
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