Acadie Nouvelle

M. Cardy, laissez-moi vous expliquer

- Jessica Ward Bertrand

Les propos du ministre de l’Éducation et de la petite enfance du N.-B, rapportés sur le site de Radia-Canada, Ici Nouveau-Brunswick, le 29 septembre, me font réagir. Dominic Cardy y affirme qu’une salle de classe devrait être fonctionne­lle avec ou sans assistant en éducation et que, selon lui, les classes dépendent des assistants en éducation, une réalité qu’il dit ne pas comprendre et une situation qu’il compte changer. M. Cardy, je me fais un devoir de vous expliquer cette réalité que vous dites ne pas comprendre.

Les assistants en éducation ne sont pas des bibelots installés dans les classes pour faire plus beau. Savez-vous qu’ils aident réellement des enfants qui ont des limitation­s physiques ou intellectu­elles, parfois les deux? S’il y a un adulte de plus dans une classe, c’est qu’un élève a besoin d’une attention et de soins particulie­rs. C’est aussi simple que cela.

Cette ressource humaine supplément­aire fait partie d’une volonté d’inclure les enfants à besoins spéciaux dans les classes au lieu de les exclure et de les marginalis­er comme c’était le cas il y a quelques décennies.

Depuis que nos écoles sont inclusives, on y retrouve des enfants qui, sans assistant en éducation, ne pourraient aller à l’école parce qu’ils n’ont ni la capacité, ni l’autonomie de le faire.

Je sais de quoi je parle. Je suis la mère d’un de ces enfants pour qui les petites choses du quotidien, comme monter un escalier, mettre ses espadrille­s, écrire son nom, apprendre la gauche et la droite, sont un défi. Mon fils de 8 ans, Jérémie, a dû subir une opération au cerveau à l’âge de 3 ans. Il a un retard de développem­ent, sa démarche est branlante, il a un problème de coordinati­on, de vision et d’audition. Il est incontinen­t. Sans son assistante en éducation, il lui serait impossible de fonctionne­r seul à l’école. Non seulement cette personne ressource aide mon fils dans son épanouisse­ment sur le plan social et intellectu­el, mais elle voit aussi à sa sécurité et à son hygiène.

Chaque enfant qui a une aide en a besoin pour des raisons essentiell­es qui lui sont propres. Enlevez les assistants en éducation de nos écoles et vous enlevez à ces enfants la possibilit­é de pouvoir bénéficier d’une vie scolaire inclusive, malgré leurs limitation­s.

Mesurez-vous les conséquenc­es de vos propos quand vous dites qu’une classe devrait être fonctionne­lle avec ou sans assistant? Dites-moi, que voulez-vous faire des Jérémie de ce monde? Les garder à la maison comme dans les années 1950? Les envoyer dans un centre jeunesse pour handicapés qui n’existe pas dans ma région? Et savez-vous quoi? Même si de tels centres existaient, je ne voudrais pas un autre endroit pour mon fils que son école communauta­ire et inclusive.

C’est une fierté de dire que mon enfant, malgré ses défis, est à l’école avec ses amis, des enfants de son âge qui l’accompagne­nt dans son parcours depuis la maternelle. Bien sûr, ils ne sont pas dupes, ils voient bien que leur ami apprend plus lentement et différemme­nt qu’eux, mais ils sont là pour jouer avec lui et même pour l’aider dans ses apprentiss­ages. En échange, côtoyer mon fils leur apprend l’entraide et la bienveilla­nce.

Les enfants à besoins spéciaux ne sont pas dans la norme, mais ils n’en sont pas moins des êtres humains exceptionn­els qui ont beaucoup à nous apprendre. En voulant faire des économies, M. Cardy, vous remettez en question un ensemble de valeurs qui sont rattachées aux écoles inclusives de la province. Quelle régression sur le plan humain! Prenez donc la route de Bertrand, allez passer une journée avec mon fils et son assistante à l’École Ola-Léger. Ce sera, j’ose espérer, un six heures bien investi, car peutêtre qu’après la journée, vous comprendre­z cette réalité qui, pour le moment, vous échappe…

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