D‘une fierté à l’autre
Contrairement à plusieurs, j’ai éprouvé un sentiment de fierté en apprenant la nomination de la nouvelle Lieutenantegouverneure. Fierté, car ce qui m’a frappé, c’est son orientation sexuelle! Enfin, une personne lesbienne dans un poste on ne peut plus «visible» au Niou-Brunswick! Yéé!
Toutefois, les porte-étendards de la fierté gay se sont montrés plutôt discrets sur cette avancée. Pas vu de communiqués jubilatoires d’Acadie Love ou de la Rivière de la fierté de Moncton.
Y a-t-il même une association francophone de défense des droits des gays au NiouBrunswick?
Certains prétendront que ce silence relatif exprime l’ouverture d’esprit général dans la province, oubliant les controverses très récentes sur les traverses piétonnes «gays» ou le fameux drapeau «hétéro» hissé à Chipman.
Ce silence me rappelle beaucoup celui d’autrefois dès qu’il était question d’homosexualité. On ne devait pas en parler. Comme pour les «mauvaises parties»: fallait surtout pas les nommer!
Si on connaissait un homosexuel ou une lesbienne, fallait pas en parler. Mais on avait le droit de rire de lui ou d’elle en cachette.
Car c’était «secret». Un secret honteux.
Aujourd’hui que la chose (officiellement du moins) n’a plus à être tenue secrète grâce aux chartes des droits et à une plus grande ouverture d’esprit (officiellement du moins, bis), la sortie du placard reste néanmoins difficile pour nombre de gays et de lesbiennes, ne nous leurrons pas.
Les quolibets et l’intimidation scolaire homophobes existent toujours, de même que les agressions homophobes. Donc, à moins de faire un effort conscient pour ne pas voir ces réalités, il est faux de prétendre que la situation homosexuelle est maintenant bel et bien assumée par l’ensemble de la population.
Et c’est fort possiblement ce qui nous vaut ce chaste silence des milieux homosexuels et lesbiens, autant que des milieux hétéro-normés du Niou-Brunswick, devant cette nomination dont la «particularité» devrait être saluée avec fanfares et trompettes!
Au contraire: faut surtout pas en parler. C’est «secret»… même si c’est public. Chut.
En ce qui a trait à l’unilinguisme de Madame, il en est pour elle comme pour le premier-ministre et tant d’autres mandarins payés par un État bilingue pour s’exprimer dans une seule langue, celle du conquérant, pis au diable la contradiction!
On dépense déjà suffisamment d’argent pour faire semblant que l’État est bilingue, s’il faut commencer à dépenser encore plus pour que cet État agisse en conséquence, les descendants d’Évangéline et Gabriel vont finir par ruiner la province! Même l’ ancien unilingue- et-maintenant-silencieux Kris Austin ne saurait dire mieux!
De toute façon, je commence sérieusement à me demander à quoi peuvent bien servir nos jérémiades pour des personnes de haut rang bilingues quand je constate quotidiennement dans les médias sociaux ce que j’entendais de mes deux oreilles ensanglantées quand je vivais à Moncton: à savoir que bon nombre de francophones se parlent en anglais entre eux, s’adressent en anglais au premier venu ou n’ont rien de plus pressant que de communiquer en anglais avec le gouvernement, plutôt que de se prévaloir des services en français, sous prétexte qu’en anglais c’est tellement «plus vrai».
Parfois, j’ai l’impression qu’on pète dans le vent avec nos lamentations. Comme le dit Shakespeare: Much Ado About Nothing.
Voyez, c’est bien meilleur en anglais!
«Feel the Beat»
Parlant langue en voie d’extinction, je tiens à saluer la belle lettre publique que le directeur de la polyvalente d’Edmundston, Monsieur Bertin Lang, a fait paraître récemment dans le journal, à la suite de ma chronique «Notre béquille collective».
Cette chronique déplorait le peu de respect envers nous-mêmes que révélait notre manie de recourir à des titres, appellations et slogans anglais pour exprimer notre «fierté» française.
Tout en rappelant, et je cite, que «l’équipe qui travaille au projet de construction identitaire de ces citoyens en devenir, les jeunes qui fréquentent la Cité des Jeunes A.-M.Sormany, est bel et bien au poste et veille au grain», ce dont je les félicite tous et toutes, M. Lang indiquait que l’événement «Feel the Beat» qui se tient dans son école est hors de sa juridiction car «les choix dudit citoyen demeurent les siens une fois qu’il a quitté les murs de l’établissement scolaire qu’il fréquente».
Même s’il doit revenir derrière les murs de l’établissement pour accomplir cette activité?, me suis-je demandé. Peut-on laisser son identité au vestiaire quand sonne la fin des cours?
J’ose croire que si l’on devait y tenir un concours intitulé E=mc222 il se trouverait certainement quelqu’un dans cette «équipe qui veille au grain» pour souligner l’erreur dans la formule, peu importe que le concours soit tenu avant ou après les cours… Cela dit, l’événement «Feel the Beat» mérite l’appui de la population car c’est une activité de cueillette de fonds pour le CITA, le Centre d’Innovations en Technologie d’Apprentissage ou le Centre d’Intervention en Troubles d’Apprentissage (selon les deux appellations figurant sur son site internet). Au choix?
Ironie du sort, le CITA offre notamment des services aux enfants et adultes ayant des difficultés en… français.
Pourquoi ne pas inviter les élèves de la polyvalente et la clientèle du CITA, par voie de concours – pendant la semaine de la Francophonie, tiens – à trouver des façons françaises créatives de nommer cet événement?
Ne serait-ce pas là un moyen de bonifier ces services et cette éducation en français, augmentant du coup la force de frappe de «l’équipe qui travaille au projet de construction identitaire de ces citoyens en devenir», comme le dit si bien M. Lang?
Simple suggestion, bien sûr.
Enfin, ma chronique ne visait pas seulement ce concours et la polyvalente, mais bien chacun et chacune d’entre nous, dans sa conscience intime de ce que signifie vivre en français au Madawaska, en Acadie et au Canada. Nous sommes tous dans le même bateau, à Montréal ou à Balmoral. Et ce n’est pas parce qu’on n’habite plus son coin de pays natal qu’on se désintéresse de ce qui s’y passe. La distance n’efface pas la fierté!
Je remercie M. Lang de m’offrir cette occasion de le réaffirmer.
Han, Madame?