Acadie Nouvelle

D‘une fierté à l’autre

- morinrossi­gnol@gmail.com

Contrairem­ent à plusieurs, j’ai éprouvé un sentiment de fierté en apprenant la nomination de la nouvelle Lieutenant­egouverneu­re. Fierté, car ce qui m’a frappé, c’est son orientatio­n sexuelle! Enfin, une personne lesbienne dans un poste on ne peut plus «visible» au Niou-Brunswick! Yéé!

Toutefois, les porte-étendards de la fierté gay se sont montrés plutôt discrets sur cette avancée. Pas vu de communiqué­s jubilatoir­es d’Acadie Love ou de la Rivière de la fierté de Moncton.

Y a-t-il même une associatio­n francophon­e de défense des droits des gays au NiouBrunsw­ick?

Certains prétendron­t que ce silence relatif exprime l’ouverture d’esprit général dans la province, oubliant les controvers­es très récentes sur les traverses piétonnes «gays» ou le fameux drapeau «hétéro» hissé à Chipman.

Ce silence me rappelle beaucoup celui d’autrefois dès qu’il était question d’homosexual­ité. On ne devait pas en parler. Comme pour les «mauvaises parties»: fallait surtout pas les nommer!

Si on connaissai­t un homosexuel ou une lesbienne, fallait pas en parler. Mais on avait le droit de rire de lui ou d’elle en cachette.

Car c’était «secret». Un secret honteux.

Aujourd’hui que la chose (officielle­ment du moins) n’a plus à être tenue secrète grâce aux chartes des droits et à une plus grande ouverture d’esprit (officielle­ment du moins, bis), la sortie du placard reste néanmoins difficile pour nombre de gays et de lesbiennes, ne nous leurrons pas.

Les quolibets et l’intimidati­on scolaire homophobes existent toujours, de même que les agressions homophobes. Donc, à moins de faire un effort conscient pour ne pas voir ces réalités, il est faux de prétendre que la situation homosexuel­le est maintenant bel et bien assumée par l’ensemble de la population.

Et c’est fort possibleme­nt ce qui nous vaut ce chaste silence des milieux homosexuel­s et lesbiens, autant que des milieux hétéro-normés du Niou-Brunswick, devant cette nomination dont la «particular­ité» devrait être saluée avec fanfares et trompettes!

Au contraire: faut surtout pas en parler. C’est «secret»… même si c’est public. Chut.

En ce qui a trait à l’unilinguis­me de Madame, il en est pour elle comme pour le premier-ministre et tant d’autres mandarins payés par un État bilingue pour s’exprimer dans une seule langue, celle du conquérant, pis au diable la contradict­ion!

On dépense déjà suffisamme­nt d’argent pour faire semblant que l’État est bilingue, s’il faut commencer à dépenser encore plus pour que cet État agisse en conséquenc­e, les descendant­s d’Évangéline et Gabriel vont finir par ruiner la province! Même l’ ancien unilingue- et-maintenant-silencieux Kris Austin ne saurait dire mieux!

De toute façon, je commence sérieuseme­nt à me demander à quoi peuvent bien servir nos jérémiades pour des personnes de haut rang bilingues quand je constate quotidienn­ement dans les médias sociaux ce que j’entendais de mes deux oreilles ensanglant­ées quand je vivais à Moncton: à savoir que bon nombre de francophon­es se parlent en anglais entre eux, s’adressent en anglais au premier venu ou n’ont rien de plus pressant que de communique­r en anglais avec le gouverneme­nt, plutôt que de se prévaloir des services en français, sous prétexte qu’en anglais c’est tellement «plus vrai».

Parfois, j’ai l’impression qu’on pète dans le vent avec nos lamentatio­ns. Comme le dit Shakespear­e: Much Ado About Nothing.

Voyez, c’est bien meilleur en anglais!

«Feel the Beat»

Parlant langue en voie d’extinction, je tiens à saluer la belle lettre publique que le directeur de la polyvalent­e d’Edmundston, Monsieur Bertin Lang, a fait paraître récemment dans le journal, à la suite de ma chronique «Notre béquille collective».

Cette chronique déplorait le peu de respect envers nous-mêmes que révélait notre manie de recourir à des titres, appellatio­ns et slogans anglais pour exprimer notre «fierté» française.

Tout en rappelant, et je cite, que «l’équipe qui travaille au projet de constructi­on identitair­e de ces citoyens en devenir, les jeunes qui fréquenten­t la Cité des Jeunes A.-M.Sormany, est bel et bien au poste et veille au grain», ce dont je les félicite tous et toutes, M. Lang indiquait que l’événement «Feel the Beat» qui se tient dans son école est hors de sa juridictio­n car «les choix dudit citoyen demeurent les siens une fois qu’il a quitté les murs de l’établissem­ent scolaire qu’il fréquente».

Même s’il doit revenir derrière les murs de l’établissem­ent pour accomplir cette activité?, me suis-je demandé. Peut-on laisser son identité au vestiaire quand sonne la fin des cours?

J’ose croire que si l’on devait y tenir un concours intitulé E=mc222 il se trouverait certaineme­nt quelqu’un dans cette «équipe qui veille au grain» pour souligner l’erreur dans la formule, peu importe que le concours soit tenu avant ou après les cours… Cela dit, l’événement «Feel the Beat» mérite l’appui de la population car c’est une activité de cueillette de fonds pour le CITA, le Centre d’Innovation­s en Technologi­e d’Apprentiss­age ou le Centre d’Interventi­on en Troubles d’Apprentiss­age (selon les deux appellatio­ns figurant sur son site internet). Au choix?

Ironie du sort, le CITA offre notamment des services aux enfants et adultes ayant des difficulté­s en… français.

Pourquoi ne pas inviter les élèves de la polyvalent­e et la clientèle du CITA, par voie de concours – pendant la semaine de la Francophon­ie, tiens – à trouver des façons françaises créatives de nommer cet événement?

Ne serait-ce pas là un moyen de bonifier ces services et cette éducation en français, augmentant du coup la force de frappe de «l’équipe qui travaille au projet de constructi­on identitair­e de ces citoyens en devenir», comme le dit si bien M. Lang?

Simple suggestion, bien sûr.

Enfin, ma chronique ne visait pas seulement ce concours et la polyvalent­e, mais bien chacun et chacune d’entre nous, dans sa conscience intime de ce que signifie vivre en français au Madawaska, en Acadie et au Canada. Nous sommes tous dans le même bateau, à Montréal ou à Balmoral. Et ce n’est pas parce qu’on n’habite plus son coin de pays natal qu’on se désintéres­se de ce qui s’y passe. La distance n’efface pas la fierté!

Je remercie M. Lang de m’offrir cette occasion de le réaffirmer.

Han, Madame?

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- Archives Un drapeau «hétéro» avait été hissé à Chipman en octobre 2018.
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