Acadie Nouvelle

Le slam, pour changer le monde

- Sylvie Mousseau sylvie.mousseau@acadienouv­elle.com Lili Mercure lili.mercure@acadienouv­elle.com

Que ce soit pour revendique­r, faire vibrer leur culture, dénoncer des injustices ou encore pour changer le monde, des artistes-slameurs venus d’Afrique, d’Europe et du Canada débarquent à Moncton afin de partager leur passion avec le public de l’Acadie.

Dynamique Amion Saye qui participe au 3e Festival internatio­nal de slam/poésie en Acadie estime que les artistes slameurs sont les porteurs des sans voix et des miroirs de la société.

«Faire du slam, ça évoque des sentiments et ça sert à partager nos émotions avec le public et surtout à passer des messages à travers notre art. Nous communiquo­ns beaucoup sur des thématique­s sociales dans notre pays, le quotidien, le vécu des gens, des témoignage­s sur l’amour et la paix», a-t-il déclaré quelques minutes avant de monter sur la scène du bar le Coude à Moncton.

Sa compatriot­e et championne nationale de slam, Mariam Koita, considère que cette forme d’expression peut contribuer à changer les mentalités.

Une douzaine d’artistes slameurs du Mali, du Sénégal, de la Belgique, de Winnipeg, de Montréal, du Burkina Faso, de la France, des Premières Nations et de l’Acadie ont donné le coup d’envoi au Festival internatio­nal de slam/poésie en Acadie sous le thème Vivre ensemble. Plusieurs dizaines de personnes ainsi que des personnali­tés du monde culturel et politique ont assisté à cette série de prestation­s au bar Le Coude de l’Université de Moncton. Cette année, le Festival accueille plus d’une vingtaine d’artistes, plusieurs de l’internatio­nal avec une importante délégation de l’Europe et de l’Afrique, dont trois artistes slameurs du Mali. Le trio a livré un puissant slam sur le thème de la paix.

L’artiste et président du Centre culturel Agoratoire à Bamako, Aziz Siten’k, précise que le slam est bien implanté dans son pays. Nira Blessing du Burkina Faso Cette forme d’expression artistique permet à la jeunesse d’avoir une voix, surtout face à la crise sociale qui sévit dans le pays.

«On a beaucoup de jeunes à travers le Mali qui pratiquent le slam chaque année, on a des champions nationaux de slam et aujourd’hui le slam est l’un des arts très pratiqués. On fait le slam beaucoup pour pouvoir donner une liberté d’expression à la jeunesse. Je pense que la jeunesse a besoin de quelque chose qui puisse vraiment l’épanouir», a exprimé Aziz Siten’k.

Celui-ci raconte qu’au Mali, il y a des jeunes qui ont des difficulté­s à parler des problèmes qui minent le pays. Le slam leur a donc permis de s’exprimer.

«Ça permet aussi de critiquer un peu les autorités par rapport à des problèmes. Nous on pense que le slam est un art de revendicat­ion qui permet de susciter des réflexions pour trouver des solutions aux problèmes sociaux.»

UNE ARME MODERNE

Réal Junior Leblanc qui en est à sa deuxième participat­ion à l’événement a fait ses débuts en slam au festival en Acadie.

«À force de côtoyer des slameurs, cette année, j’essaie le slam», a affirmé le cinéaste et poète de la communauté Uashat- Maliotenam à Sept-Îles dans le nord du Québec.

«Le slam, c’est comme une chanson, on peut mettre des émotions plus que dans la poésie qu’on lit. Je suis tombé en amour avec ça. Ça permet de voyager et de se faire beaucoup d’amis.»

Son but est de faire connaître son peuple. Il se plaît à dire qu’il a troqué son arc et ses flèches contre un crayon et un livre comme moyen de promouvoir sa culture.

«J’utilise l’art comme une arme moderne pour faire connaître ma culture parce que j’en suis très fier.»

Quelques minutes avant d’offrir son premier slam, l’artiste a admis être un peu stressé surtout après avoir vu passer les champions africains.

«À soir, c’est une première et on fonce!», a lancé ‘‘l’étoile nordique’’ qui a rappelé à la fin de son texte que la culture innue est inoubliabl­e.

S’il a choisi principale­ment le français pour s’exprimer dans sa poésie et faire revivre sa culture, c’est pour atteindre un plus large public.

Lors de l’ouverture du festival, certains artistes ont livré des slams plus profonds, comme Christiann­e Dunia qui a offert un texte percutant sur la condition de la femme tandis que d’autres ont été plus ludiques et rythmés, tels que l’artiste montréalai­s Ivy qui s’est amusé avec la langue québécoise.

Pendant cinq jours, les slameurs présentero­nt plusieurs prestation­s dans divers lieux de la ville et animeront des ateliers. Ils seront dans les autobus, les cafés, les bars et se rendront jusqu’à Shediac afin de participer à une joute de scrabble et de slam. Un grand spectacle se tiendra le vendredi 4 octobre au bar Le 63 à l’Université de Moncton.

nLes passagers, dont la plupart semblaient se rendre au boulot ou à l’école, ont eu toute une surprise en montant dans l’autobus, lundi et mardi matin.

Monica Bolduc, poète acadienne, qui habite maintenant Montréal, a performé avec émotion plusieurs textes de son recueil de poésie intitulé Dead End.

Les gens, intimidés ou intrigués, ont été témoins de la performanc­e livrée sans filtre dans le plus cru des langages. Les mots se sont enchaînés pour former une ribambelle de versets poignants.

Certains des passagers avaient le regard qui pointait vers le bas. Les phrases scandées par la poète se sont vite mélangées au vrombissem­ent du moteur de l’autobus, au son des cloches ainsi qu’au bruit des multiples arrêts.

La poète raconte qu’il s’agit de sa première expérience de slam-bus. Elle explique ne pas avoir été cent pour cent à l’aise devant ce type de public à bord des autobus Codiac Transpo qui ne s’attendait probableme­nt pas à entendre une performanc­e poétique ou de slam.

«Habituelle­ment, les gens qui vont dans les soirées de poésie, ils savent dans quoi ils s’embarquent, ils vont là pour voir de la poésie». Elle confie avoir apprécié le concept, malgré son aspect angoissant. Elle a hésité longuement avant de confirmer à savoir si elle refera un slam-bus à l’avenir.

«Peut-être pas à 7h30 le matin, peutêtre plus en après-midi. J’ai l’impression que les gens sont plus dans leur bulle le matin.»

Marie-Thérèse Landry, directrice générale du Conseil provincial des sociétés culturelle­s et organisatr­ice du Festival internatio­nal de slam/poésie en Acadie croit que cet exercice vient dérider le quotidien tranquille des passagers.

«Les gens qui fréquenten­t les bus sont un auditoire idéal, car ils sont dans un lieu captif », lance-t-elle.

L’ambiance monotone habituelle des autobus décrite par Mme Landry est vivement chamboulée par la présence d’un slameur. Une façon de démocratis­er la culture d’ici et d’ailleurs, selon elle.

En outre, l’expression «sortir de sa zone de confort» est tout à fait à propos pour qualifier le slam-bus, selon Mme Bolduc. Elle se dit tout de même heureuse d’être montée à bord de ce véritable terrain d’apprentiss­age.

«What if, les gens parlent juste anglais et voient une femme debout en avant en train de crier des choses et ils ne comprennen­t rien. Alors oui, c’est vraiment sortir de sa zone de confort», indique la poète.

L’exclusivit­é de la langue française du festival est notamment le principal commentair­e négatif qui se retrouve sur les pages des réseaux sociaux du festival. Marie-Thérèse Landry déplore les mauvaises langues.

«C’est dommage, mais on est là d’abord pour la population francophon­e. Peut-être qu’on sera inclusif s’il y a des slameurs anglophone­s qui se manifesten­t, on les acceptera.»

Mme Landry ajoute que ce phénomène ne s’est pas encore produit.

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