SVP M. Cardy, soyez prudent
Une bombe. Une révolution! Appelez cela comme vous le voulez, mais ce que propose le ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, Dominic Cardy, est tout sauf banal. Nous essayons de garder l’esprit ouvert par rapport à la réforme qu’il souhaite imposer. Ce n’est pas facile.
Le ministre a déposé un livre vert sur l’éducation, la semaine dernière, à Fredericton. Le document contient des propositions du gouvernement afin d’offrir «une éducation de première classe» à nos enfants.
Parmi celles-ci, une idée qui en a ébranlé plus d’un: l’élimination des niveaux scolaires de la maternelle à la 2e année afin de les remplacer par des regroupements d’élèves d’âge mixte.
La nouvelle a eu l’effet d’une onde de choc, et pour cause. Le gouvernement Higgs n’a jamais donné d’indices par le passé concernant ses intentions. Au contraire, son programme électoral comprend une promesse de «continuité» à l’égard des enseignants.
Il y a bien cet engagement visant à «travailler avec les enseignants pour aborder la composition de la classe afin de garantir que chaque enfant puisse réaliser son plein potentiel». Mais bravo à vous si vous aviez interprété cette phrase comme étant une invitation à mettre dans une même classe des enfants qui font leurs premiers pas dans le système scolaire avec des enfants âgés de deux à trois ans de plus.
Notons toutefois qu’aussitôt élu chef du Parti progressiste-conservateur en 2016, Blaine Higgs a fait de l’état du système scolaire sa priorité. Au cours de ses premiers mois à la tête du parti, il a consacré presque toutes ses interventions durant les périodes des questions à critiquer le gouvernement Gallant sur cet enjeu.
C’est à cette époque que M. Higgs s’est amusé à répéter à qui voulait l’entendre que le système d’éducation scolaire du Nouveau-Brunswick est «brisé». Il en prenait pour preuve les piètres résultats des élèves anglophones aux évaluations provinciales.
Toutes les références de M. Higgs étaient en lien avec le secteur anglais. Celui-ci avait d’ailleurs admis avoir seulement parlé à des enseignants anglophones après sa nomination.
L’Association des enseignantes et des enseignants francophones du Nouveau-Brunswick avait accusé le chef progressiste-conservateur de répandre de fausses allégations et de considérer les francophones comme des citoyens de deuxième classe.
Trois ans plus tard, les conservateurs sont au pouvoir et croient plus que jamais que le système a besoin d’être réparé. D’où la réforme proposée par M. Cardy.
Que penser de tout cela? D’abord, il est important de préciser que le système d’éducation du Nouveau-Brunswick est très bon, quoiqu’on en dise, et ce, autant du côté francophone qu’anglophone.
Un enfant qui fréquente une école néobrunswickoise peut s’attendre à apprendre à lire, à écrire, à compter et à devenir un citoyen instruit aussi bien que n’importe où ailleurs au Canada.
Notre système d’éducation n’est toutefois pas parfait. Le Nouveau-Brunswick fait du bon boulot avec ses enfants, mais il ne peut être qualifié de leader mondial en la matière. D’autres font mieux. Beaucoup mieux. Nous ne devrions donc pas rejeter une idée simplement parce qu’elle modifie le statu quo. À peu près tous les systèmes scolaires en Occident sont divisés selon l’âge des élèves. Mais est-ce possible de faire différent et mieux? Un bon coup de barre est-il souhaitable?
Il est pour le moment impossible de répondre à la question. L’ennui avec ce gouvernement, c’est qu’on nous dit souvent la destination, mais pas la façon de nous y rendre. Si les élèves ne sont pas divisés selon l’âge, ils le seront de quelle manière? Qu’est-ce que ça signifie concrètement pour la répartition des classes, la formation des enseignants, les conventions collectives ou les examens provinciaux, lesquels permettent de comparer les écoles entre elles et avec les autres établissements au Canada et dans le monde?
L’une des forces de Dominic Cardy est que sa vision ne se limite pas au Nouveau-Brunswick. Dans une autre vie, il a été conseiller et a mené des réformes dans des pays comme le Pakistan et le Bangladesh. Il a vu le monde. Nous pouvons présumer qu’il a retenu une ou deux bonnes idées ici et là.
Nous lui demandons toutefois d’agir avec précaution avant de tout chambouler dans les classes. Il faut consulter les personnes qui seront directement touchées, soit les enseignants et les parents, être ouvert à leurs préoccupations ainsi qu’à leurs idées et surtout ne rien précipiter.
Le ministre ne doit pas utiliser avec l’avenir de nos enfants la même approche bulldozer qui s’impose dans le dossier de la vaccination obligatoire.
Un changement aussi fondamental doit se faire avec une extrême prudence afin de ne pas briser, mais alors pour de vrai, le système d’éducation du Nouveau-Brunswick.