Des étudiants qui prennent les bouchées doubles avant de joindre Ambulance NB
John est couché par terre, inerte. Les ambulanciers qui l’entourent soupçonnent une crise d’hypothermie. Chaque geste est calculé, chaque mouvement est prévu. Pendant qu’un prend la pression, l’autre s’affaire à installer un soluté qui remettra le malade rapidement sur pied, avant son transport en ambulance.
John, c’est le mannequin du programme de formation d’ambulanciers paramédicaux en soins primaires. S’il pouvait parler, il nous dirait combien de fois il a été là, à servir de cobaye pour ces étudiants. Combien de fois il a eu droit aux électrodes, au massage cardiaque, à l’intubation, aux piqûres…
Il fait bien son travail. Tout comme Justin Vienneau, un ambulancier qui supervise les actions de ses deux futurs collègues.
Il aurait pu préférer son lit après un quart de travail de 12 heures de nuit sur les routes de la Péninsule acadienne, à intervenir au besoin.
Personne ne lui en aurait tenu rigueur. Mais il a tenu à être dans le laboratoire du deuxième étage de l’Académie SainteFamille à Tracadie.
Malgré la fatigue, il prend des notes. Il fait répéter de vive voix les actions. Il réconforte. Il explique. Il corrige. Il raconte ses expériences. Il donne un aperçu le plus réel possible de sa passion d’ambulancier à ces jeunes qui ne demandent qu’à apprendre.
«J’aime donner du temps ici, assure l’enseignant. J’aime avoir un impact sur les futurs ambulanciers et leur donner ce que je sais. Je veux les rendre à l’aise le plus possible. Je sais que je suis à la bonne place ce matin. Quand j’étais moi-même étudiant, j’appréciais beaucoup quand des ambulanciers venaient nous montrer. Je veux que ces jeunes soient prêts quand ils seront appelés à agir dans la réalité. Ils sont vraiment réceptifs et ils ont confiance en ce que je leur dis. On a une belle relation.»
«À MA PLACE»
Dans la salle de classe d’à côté, Alicia Chiasson, de Lamèque, prend ses immenses livres sur l’anatomie et les mesures d’urgence et les place sur son bureau. Elle ouvre ensuite son portable et regarde ce que l’enseignante principale, Isabelle Richard-Basque, leur donne comme matière à étudier.
Toute petite, la jeune femme âgée de 18 ans se prépare pour une très grosse semaine, la dernière de la portion théorique. Il y aura un examen final de quatre heures. Des démonstrations notées de techniques d’intervention, en plus d’actions dans des scénarios de conditions médicale et traumatique.
Après six mois d’études intenses qui ont souvent occupé ses soirs et ses fins de semaine, elle se sent prête à relever ce premier défi. Elle a hâte de mettre en pratique ce qu’elle a acquis. Surtout qu’au coût de droit de scolarité de 16 500$, c’est assez pour motiver quelqu’un; pas question de tourner les coins ronds.
«Je voulais faire une différence dans ma communauté, annonce celle qui étudiait auparavant en administration. Nous serons la relève qui va offrir de l’aide aux ambulanciers actuels en raison de la pénurie de main-d’oeuvre. Je suis à ma place.»
La portion théorique a été très intense, confie-t-elle. Compresser deux ans d’études en 10 mois, ça veut dire prendre les bouchées doubles, sinon triples. Sans oublier que le métier qu’elle embrassera après les 460 heures en stage qui s’en viennent n’est pas de tout repos: quarts de 12 heures, fréquents temps supplémentaires, situations dramatiques, manque de ressources, etc.
Hugo Lanteigne, de Caraquet, était dans le monde de la finance quand il a vu l’offre de devenir ambulancier. Son besoin d’adrénaline et sa passion d’aider les gens ont rapidement pris le dessus.
«Au début, on voit ça gros, mais ça se fait bien à mesure que ça avance. On peut prendre des initiatives et on a une grosse dose d’adrénaline lors d’une intervention. Oui, c’est de l’étude le soir et les fins de semaine. Ma blonde et moi, on s’est privés de certaines choses. Mais c’est un coup à donner. J’ai déjà hâte à ma première intervention. Ça prend une grande motivation et être passionné aussi», souligne-t-il.
John n’a donc pas encore fini avec tous ces exercices, ces piqûres, ces électrodes, ces intubations, ces massages cardiaques. S’il pouvait parler, parions qu’il serait très heureux d’offrir son corps - de caoutchouc - pour la science et l’apprentissage des prochains ambulanciers francophones qui circuleront bientôt sur nos routes. ■
«Si tu gères bien ton temps, c’est très faisable. Il faut apprendre les médicaments, la théorie, les scénarios, les examens. Il faut être prête lorsqu’un patient aura besoin d’aide. Ça peut être physique, mais aussi psychologique. Quand les gens composent le 911, c’est parce qu’ils sont en détresse physique ou mentale», a-t-elle compris.