LE NOUVEAU QUOTIDIEN DES INFIRMIÈRES
Isabelle Jaillet, infirmière à Moncton, nous parle d’un monde qui change constamment, au sein duquel les infirmières doivent songer à leur santé et à celle de leurs familles.
Isabelle Jaillet, infirmière et gestionnaire adjointe des cliniques externes au Centre hospitalier universitaire Dr.-Georges-L.Dumont, parle régulièrement à ses collègues pour les tenir au fait des changements «constants» au sein du système.
«Chaque dîner, on a une réunion d’équipe pour garder le personnel au courant, parce que tout change de jour en jour.»
Cela leur permet aussi de parler de leurs inquiétudes. L’une de ces inquiétudes: la fameuse courbe qu’il faut aplatir, soit le nombre d’hospitalisations en fonction de la capacité du système de santé.
Isabelle Jaillet a interrogé ses collègues sur ce sujet avant l’entrevue. La perspective de devoir travailler dans un hôpital où il y a trop de patients et trop peu de lits n’enchante personne. «Tout le monde dit que c’est comme si on attend une bombe. Est-ce qu’elle va venir? On ne le sait pas», dit-elle.
La progression du virus au NouveauBrunswick est lente pour l’instant, et peu de patients ont été hospitalisés. Mais dans d’autres pays, dont les États-Unis, le virus s’est répandu comme une traînée de poudre et le taux d’hospitalisations est monté en flèche.
«On est un peu les derniers à attendre la bombe. On a pu apprendre des autres pays, et l’équipe se sent quand même bien préparée. L’Hôpital a pris de bonnes démarches pour éduquer le personnel, et on fait beaucoup de pratiques.»
Les infirmières craignent aussi de se heurter à une éventuelle pénurie d’équipement de protection.
«Ce qui ajoute au stress de tout le monde, c’est de manquer d’équipement. On entend ça à la journée longue, de faire attention aux masques et aux gants», dit-elle, bien qu’elle clarifie qu’il ne semble pas y avoir de risque immédiat que cela se produise.
Lorsqu’on lui demande ce qui se passera si son hôpital manque d’équipement, Isabelle Jaillet répond pour sa part qu’elle continuera à travailler, même avec des protections de fortune, s’il le faut.
«On va faire du mieux qu’on peut. Comme dans les autres pays, on se mettra un foulard sur le visage.»
De plus, beaucoup d’infirmières font des heures supplémentaires pour combler les besoins du système, selon Isabelle Jaillet.
Cette dernière travaille déjà environ de 50 à 60 heures par semaine. «On essaie de faire attention à notre personnel, il ne faut pas les épuiser. On s’adapte, mais on essaie de conserver l’énergie», dit-elle.
À LA MAISON
Malgré les craintes ressenties par le personnel, Isabelle Jaillet relate que des infirmières se sentent plus en sécurité à l’intérieur de l’hôpital qu’ailleurs dans la société, compte tenu des multiples précautions prises par les régies de santé.
Le stress du métier ne diminue donc pas en quittant l’Hôpital après un quart de travail, loin de là.
«J’ai beaucoup d’infirmières qui trouvent que c’est dur de gérer le stress du travail. T’arrives à la maison et t’as moins d’énergie qu’avant (la pandémie), et les enfants sont aussi à la maison parce qu’il n’y a pas d’école, et là, tu te sens coupable de ne pas pouvoir leur donner autant d’énergie qu’avant, avec en plus l’inquiétude de les contaminer», dit Isabelle Jaillet.
Les infirmières sont bien conscientes du risque de transmettre le virus à leurs familles.
Certaines d’entre elles ont changé leurs habitudes pour réduire le risque encouru par leurs familles. Isabelle Jaillet prend une douche à l’Hôpital après chaque quart de travail et laisse son uniforme au bureau.
Elle ne s’isole pas de sa famille lorsqu’elle est à la maison, mais elle indique que ce serait une possibilité si jamais il y a une pénurie d’équipement de protection. Toutes les infirmières ont déjà songé à ces scénarios, d’après elle.
«Toutes les infirmières m’ont dit qu’elles ont un plan si jamais elles deviennent positives (à la COVID-19)», ajoute-t-elle aussi. ■