Santé mentale et confinement ne font pas bon ménage
Plusieurs équipes de psychologues ont étudié les répercussions sur la santé mentale des mesures de confinement décrétées à travers le monde visant à ralentir la propagation de la COVID-19. Un consensus se dessine: les risques existent et peuvent être sérieux.
Les problèmes causés par le confinement peuvent être multiples et se manifester sur une longue durée, même après la crise sanitaire: troubles de l’humeur, confusion, moral bas, colère, peur et abus d’alcool, voire dépression, suicide et syndrome post-traumatique.
Le département de psychologie du King’s College de Londres a recensé ces troubles en février. Il les a relevés dans 24 études effectuées dans une dizaine de pays qui ont survécu à différentes épidémies (SRAS, Ebola, H1N1, etc.).
«Les réactions sont absolument individuelles», précise la thérapeute à la clinique de psychologie appliquée de Moncton, Pierrette Richard.
Plusieurs facteurs de risques peuvent les provoquer ou les aggraver. Le département de psychologie du King’s College les a mis en évidence. Parmi eux, la perte de revenus, la mauvaise information, l’ennui, les précédents psychologiques, la stigmatisation, la frustration et la peur.
La durée de l’isolement en fait aussi partie. Plus elle est longue, moins bonne risque d’être la santé mentale des personnes qui la subissent. Celles-ci montreront d’ailleurs un nombre plus élevé de symptômes de stress post-traumatique après dix jours de confinement.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a déclaré l’état d’urgence le 19 mars.
«Les humains disposent d’une grande capacité d’adaptation et de résilience aux traumatismes passés et aux situations inconnues», rassure Mme Richard.
En attendant, bon nombre de NéoBrunswickois risquent de rencontrer des difficultés.
Ils doivent désormais se tenir à plus de deux mètres les uns des autres, excepté des personnes avec lesquelles ils habitent ou travaillent.
Les Belges, qui subissent des règles comparables, sont 52% à en souffrir psychologiquement, selon une récente étude de l’Université catholique de Louvain, en Belgique.
Le coordonnateur de la recherche, Vincent Lorant, a par ailleurs déclaré au journal L’Écho qu’un quart de la population de son pays se sent maintenant seul, contre 9% en 2018.
Une étude chinoise publiée en février dans la revue General Psychiatry a également constaté une détresse psychologique chez 35% de ses 53 000 participants (qui ont toutefois vécu une quarantaine très stricte). Les sondés ont même été 5% à déclarer des signes de désarroi sévère.
Les deux recherches indiquent que les femmes et les jeunes adultes composent la population la plus à risque psychologiquement face au confinement. L’article chinois y inclut les personnes âgées.
«Nous sommes là pour aider, insiste Mme Richard. Si les gens s’interrogent sur la nécessité pour eux de consulter un psychologue, je les encourage à nous poser la question.»
Les gens devront faire part de leurs interrogations à distance la plupart du temps. Le Collège des psychologues du NouveauBrunswick a recommandé à ses membres d’effectuer leurs consultations par téléphone et vidéoconférences.
«Les séances thérapeutiques par téléphone sont très similaires à celles qui se déroulent en face à face», se réjouit toutefois Mme Richard.
Les personnes en souffrance peuvent aussi obtenir de l’aide auprès de Jeunesse, J’écoute (1-800-668-6868) et CHIMO (1-800-6675005).
La province dispose également de centres communautaires de traitement des dépendances et de santé mentales, dont les coordonnées se trouvent sur le site internet du gouvernement.
Chacun peut aussi adopter dès maintenant de bonnes pratiques pour garder l’esprit sain.
«Presque tout le monde a un téléphone et peut faire l’effort de garder contact avec ses proches», remarque Mme Richard.
Elle pense aussi que les personnes anxieuses ont intérêt à se concentrer sur ce qu’elles peuvent contrôler (le respect des règles d’hygiène et de confinement) et à s’interroger sur leur situation objective (comme leur état de santé et celui de leur famille).
«C’est inutile de planifier quoi que ce soit, il faut vivre un jour à la fois», conseille par ailleurs le psychologue à la retraite Clément Loubert.
L’ancien professeur à l’Université de Moncton recommande aussi d’adopter de nouvelles routines concernant les repas, le sommeil et l’activité physique.
Il invite également ceux qui vivent à plusieurs à faire preuve d’empathie, de tolérance et à penser aux façons d’éviter les conflits interpersonnels.
M. Loubert suggère enfin de consulter les informations une seule fois par jour, pour éviter d’entretenir une morosité tout en restant renseigné sur l’évolution de la pandémie.
«Sentir que les autres bénéficient de la situation dans laquelle on se trouve rend les moments stressants plus faciles à supporter», a par ailleurs rappelé l’article du King’s College, à propos de l’auto-isolement.
En d’autres mots, ceux qui respectent les règles de confinement peuvent se féliciter de leur geste altruiste. ■