Verrouiller la Péninsule? Plus facile à dire qu’à faire
Fermer la Péninsule acadienne pour empêcher la COVID-19 de s’y infiltrer? Facile à dire, mais...
Depuis plus d’une semaine, le débat est entier sur cette question de santé publique.
Après de vives discussions, le Forum des maires de la Péninsule acadienne a récemment jugé bon de ne pas aller jusque là, mais il a néanmoins demandé au gouvernement Higgs de renforcer les messages de confinement, spécialement en cette période normalement très occupée de déplacements à Pâques.
D’autres voulaient cependant que l’on prenne les grands moyens pour interdire tout trafic jugé non essentiel venant de ou allant vers l’ouest et le sud.
La cinéaste Renée Blanchar a lancé une pétition en ligne dimanche dernier, où elle requierait des gestes sans précédent pour affronter une crise également sans précédent.
Avec 785 appuis recueillis, elle estime légitime que l’avis populaire ait incité les décideurs à faire le reste du chemin pour fermer les voies d’accès aux déplacements non essentiels et veiller à protéger davantage la région.
Mais si tous les chemins mènent à Rome, c’est apparemment la même chose pour la Péninsule acadienne. Dans ce contexte, la théorie trouverait difficilement une application pratique. À Néguac notamment, calcule le maire Georges Savoie.
La porte d’entrée sud marche sur un fil de fer géographique, sanitaire et politique. En santé, le village fait partie du réseau anglophone Horizon, avec les principaux services postés à Miramichi. Politiquement, la municipalité travaille avec la Péninsule acadienne. Et le maire ne sera jamais d’accord pour tracer une ligne d’interdiction sur la route 11 qui empêcherait les communautés voisines, dont la Première Nation d’Esgenoôpetitj (Burnt Church), d’avoir accès aux services essentiels dans le village.
«Je peux comprendre que certaines personnes demandent la fermeture de la région. Nous craignons tous ce virus, mais combien de routes entrent ou sortent de la Péninsule acadienne? Pensez à toutes les voies secondaires. Ça serait presque impossible à gérer et à surveiller. J’échange régulièrement avec le chef d’Esgenoôpetitj, nous entretenons des liens importants et nous avons une très bonne collaboration. Pensons aussi à Lagacéville ou à Lavillette. Pour moi, ça n’a pas de sens de leur empêcher l’accès chez nous», argumente M. Savoie.
MESURES EXCEPTIONNELLES
Si vous allez à l’est, à Grande-Anse, le discours est différent. Le maire Gilles Thériault était de ceux qui revendiquaient des points de contrôle lors de la discussion avec ses collègues du Forum des maires. S’il s’est rallié à la position plus modérée du groupe, il demeure convaincu qu’il faut des mesures exceptionnelles face à des circonstances exceptionnelles.
«La logique est simple: moins il y a de déplacements, moins il y a de chance de transmission. Je ne crois pas que ce serait compliqué de placer des points de contrôle. On peut demander la collaboration des agents de la GRC, de Pêches et Océans, des Ressources naturelles, du ministère des Transports et de l’Infrastructure et du ministère de l’Environnement et des Gouvernements locaux», soutient M. Thériault.
En prenant exemple du Québec qui l’a fait depuis deux semaines, le maire de Grande-Anse affirme que la Péninsule acadienne est doublement privilégiée par sa formation géographique unique et par le fait qu’un seul cas de la COVID-19 a été répertorié dans la région Acadie-Bathurst.
«J’ai donné mon opinion au Forum des maires et j’ai été très clair. Mais la décision doit se prendre maintenant par les autorités de la Santé publique. Pas dans un mois. Des points de contrôle aux endroits stratégiques vont sensibiliser les gens à respecter les mesures en place et décourager les déplacements non nécessaires», poursuit M. Thériault, qui verrait bien des postes à Janeville et à la sortie nord de Miramichi.
Le maire de Néguac ne minimise pas le sérieux de la situation, loin de là. Comme tout le monde, il craint comme la peste le coronavirus et encourage fortement les citoyens à observer à la lettre les consignes de la Santé publique et du gouvernement.
«Nous pouvons encore convaincre les gens de rester chez eux. J’y crois. La GRC, le gouvernement et la Santé publique font un travail extraordinaire et nous nous en allons dans la bonne direction. Si cette pétition convainc des gens de rester à la maison, ce sera ça de gagné. À ceux qui veulent qu’on ferme la Péninsule acadienne, je leur demande de patienter encore un peu. Il faut accepter le fait que les gens ne réagissent pas tous à la même vitesse. On doit donc répéter le message souvent», réclame Georges Savoie.