L’argent, malgré les conditions
Même en temps de pandémie, les pommes de friction entre le gouvernement du Canada et les provinces ne disparaissent jamais complètement. Dernière controverse en date: Ottawa est prêt à verser des millions de dollars au Nouveau-Brunswick, mais en imposant des conditions jugées inacceptables par le premier ministre Blaine Higgs.
Le Canada vit une crise économique. Une crise créée artificiellement par la décision de fermer pratiquement tous les commerces afin d’empêcher la propagation de la COVID-19. Mais une crise quand même. Et personne ne sait combien de temps cela prendra pour nous relever.
Le gouvernement Trudeau, qui n’a pas à s’occuper des hôpitaux et des foyers de soins, met surtout ses efforts sur l’aspect économique de la crise. Le nombre de travailleurs sans emploi atteint des niveaux catastrophiques. En temps de récession, quoi de mieux qu’un bon vieux programme d’infrastructures pour relancer la machine?
Blaine Higgs a lancé un pavé dans la mare cette semaine. Il a demandé à Ottawa de faire preuve de plus de flexibilité. Il aimerait consacrer une plus grande part des fonds fédéraux disponibles à réparer les infrastructures déjà existantes plutôt qu’à en construire de nouvelles «dont nous n’avons pas besoin».
Il souhaite aussi payer un plus petit pourcentage de la facture des projets qui seront approuvés.
À écouter le premier ministre, nous serions portés à croire que la seule façon de profiter des fonds fédéraux est d’ériger une passerelle entre Moncton et Caraquet ou de construire un aéroport international à Saint-Quentin.
Ce programme fédéral existait déjà avant la pandémie. Il n’est pas aussi rigide que le laisse entendre M. Higgs. Il peut être utilisé pour une foule de choses, comme la réfection des écoles, par exemple.
Cela dit, M. Higgs a raison sur un point. S’il y a une constante depuis le début de la crise, c’est la capacité du fédéral de s’adapter.
Justin Trudeau reconnaît sur toutes les tribunes le fait que ses programmes d’aide sont coûteux, imparfaits et aident parfois des gens qui n’en ont pas besoin. On n’a jamais accusé des pompiers d’avoir utilisé trop d’eau pour éteindre un incendie, justifie-t-il.
Si l’objectif du gouvernement Trudeau est d’utiliser son programme afin de donner de l’oxygène à l’économie, nous sommes en droit de nous attendre au même sentiment d’urgence qu’avec les autres programmes d’aide.
Il est cependant peu probable que le fédéral se plie aux préoccupations de Blaine Higgs. Cela ne doit surtout pas empêcher le Nouveau-Brunswick d’aller chercher sa part du gâteau.
Or, le refus du gouvernement Higgs d’accepter des fonds fédéraux et d’investir à son tour ne date du début de la pandémie.
Dès son arrivée au pouvoir, il a mis le holà sur des travaux déjà entrepris et financés en partie par Ottawa, le plus important étant l’élargissement de la route 11, entre Shediac et Bouctouche.
Il a aussi réduit de beaucoup sa participation aux travaux financés entre les gouvernements fédéral, provincial et municipaux. On ne parle pourtant pas ici de la construction de nouvelles structures, mais bien de réfection et de réparation, par exemple dans les systèmes d’égout.
Dans la même veine, des travaux de rénovation à mi-vie de plusieurs écoles ont été mis sur la glace.
Derrière la demande de flexibilité de M. Higgs se cache un peu d’idéologie conservatrice.
Il existe des besoins criants, y compris pour de nouvelles infrastructures. Parmi celles-ci, la construction d’un nouveau pont à Shippagan, laquelle semble être bien loin des priorités des décideurs dans la capitale.
Le temps n’est pas venu de faire la fine bouche. Le besoin est double. Il faut trouver une manière de maintenir l’économie à flot, tout en investissant dans nos infrastructures qui en ont le plus besoin.
La prudence du gouvernement Higgs est compréhensible. Le Nouveau-Brunswick, qui était censé terminer l’année financière avec un surplus budgétaire, pourrait finalement déclarer un déficit de plus de 1 milliard $ en raison de la crise.
De plus, les paiements de transferts en provenance du fédéral pourraient diminuer de façon radicale dans les prochaines années.
Dans ces circonstances, il est louable de ne pas répéter les mêmes erreurs que le gouvernement libéral de Shawn Graham, qui avait perdu le contrôle de ses dépenses à la suite de la crise financière mondiale de 2007-2008.
Il doit toutefois y avoir un juste équilibre. Le Nouveau-Brunswick est la province qui en fait le moins au Canada pour mitiger l’impact économique de la pandémie.
Blaine Higgs doit mettre de côté certains de ses dogmes et devenir un partenaire du gouvernement fédéral, même s’il n’aime pas toutes les conditions imposées par son interlocuteur.