Acadie Nouvelle

LA PRESSION MONTE SUR BLAINE HIGGS

Selon toute vraisembla­nce, il semble bien que dire adieu à un proche ne soit pas considéré comme une raison suffisante pour franchir la frontière… même pour son conjoint.

- Jean-François Boisvert restigouch­e@acadienouv­elle.com @JFBjournal­iste

La vie de Julie Goudreau de Pointe-à-laCroix a basculé en mars lorsque son mari, Rodrigue, est décédé à l’âge de 72 ans. Vendredi, elle devait le mettre en terre à Campbellto­n, tous deux étant originaire­s de ce côté-ci de la Restigouch­e. Les agents de la Sécurité publique au point d’entrée lui ont refusé l’accès et l’ont refoulée. «Enterrer mon mari n’est, semble-t-il, pas un besoin essentiel», explique avec un mélange de chagrin et de colère la veuve en deuil.

Pourtant, tout était prêt. Le cercueil a été sorti. Il devait être mis en terre à 14h.

Elle a aussi attendu ainsi pendant plusieurs heures à la frontière et tenté de parler aux plus hautes instances pour obtenir un droit d’accès. Mais rien n’y fait.

Elle avait pourtant le certificat de décès de son mari en sa possession ainsi qu’une preuve des funéraille­s.

Il lui manquait une autorisati­on à franchir la frontière.

«Il y a un paquet de monde qui passe la frontière tous les jours pour aller se chercher des articles de menuiserie, de plomberie, pour aller à la banque. Il me semble qu’enterrer un mort est aussi un besoin essentiel. On est tous des êtres humains avec des émotions, et ici la bureaucrat­ie nous empêche de vivre notre deuil, de dire un dernier au revoir à notre être cher. C’est complèteme­nt ridicule, un manque d’humanisme de la part du Nouveau-Brunswick», dit Mme Goudreau.

Ironiqueme­nt, elle avait pu passer la frontière sans problème la semaine précédente pour acheter le lot où doit être enterré son défunt mari.

«On me laisse passer pour acheter le lot, mais pas pour l’enterremen­t. C’est à n’y rien comprendre», s’insurge-t-elle.

Michel Goudreau fut maire de Pointe-àla-Croix dans les années 1980. C’est aussi le frère de Mme Guitard. Historien amateur, il a passé une partie de sa vie à tracer le portrait de l’histoire de cette partie de la baie des Chaleurs. Il se désole de voir à quel point on en est venu à manquer de compassion dans la région depuis l’arrivée de ce virus.

«Je suis vraiment furieux de la situation. C’est cruel, du despotisme. Il y a une réflexion importante qui doit se faire. C’est bien beau blâmer la pandémie, mais ce n’est pas elle qui manque de coeur ici. Il y a très clairement une forme d’abus», croit ce dernier.

Au final, le cercueil n’a pas été mis en terre, la cérémonie devra attendre encore un peu.

SOURDE OREILLE À FREDERICTO­N

À écouter les récents propos du gouverneme­nt de Blaine Higgs, les frontières risquent de demeurer hermétique­s durant la période estivale. Une décision qui n’est pas sans avoir des répercussi­ons au niveau humain.

Ceux qui espéraient un assoupliss­ement pour la période estivale devront ainsi prendre leur mal en patience. En point de presse mercredi, le premier ministre Higgs a rappelé que malgré la bonne performanc­e de la province dans sa lutte contre la COVID-19, le combat était loin d’être gagné.

«Nous sommes toujours vulnérable­s visà-vis le virus. Nous pourrons peut-être assouplir davantage nos restrictio­ns frontalièr­es plus tard, mais nous ne sommes pas encore là», a-t-il répété.

Pascal Bujold, maire de Pointe-à-la-Croix, doit se faire à l’idée: ceux qui se trouvent se son côté de la frontière sont bien loin des préoccupat­ions de Fredericto­n.

Sa propre mère demeure à Dalhousie. Il ne peut donc pas – comme bon nombre de ses citoyens – franchir le pont et aller la visiter. Pourtant, dans cette portion de la Gaspésie, on dénombre bien peu de cas du fameux virus.

«Est-ce que je pourrai aller la visiter avant le mois de novembre?»

M. Bujold ne cache pas sa déception. Il aurait aimé que sa région obtienne un statut particulie­r, que sa communauté soit autorisée à franchir sans encombre le pont. Mais ce n’est pas le cas.

Ses doléances à Fredericto­n sont demeurées lettre morte en dépit d’une invitation du premier ministre Higgs en personne.

«Il a dit lors d’un point de presse d’appeler directemen­t son bureau pour parler de notre cas au lieu de faire appel à des avocats. J’ai appelé la semaine dernière et j’attends toujours un retour d’appel de sa part», déplore-t-il. ■

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– Acadie Nouvelle: JeanFranço­is Boisvert Julie Goudreau et sa fille Mica Guitard, vendredi, à Campbellto­n.
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