Acadie Nouvelle

Des chansons qui réconforte­nt

- Serge Comeau scomo@nbnet.nb.ca

En confinemen­t, plusieurs font la merveilleu­se découverte de la valeur des arts et de la culture. Certains trouvent refuge dans un livre. D’autres se divertisse­nt avec les concerts classiques ou les spectacles populaires. Même en ligne, la beauté des musées nous élève.

Parmi tout cela, la chanson fait honneur aux arts. Chaque mélodie a le pouvoir d’éveiller en nous une zone émotive: notre esprit n’a qu’à entendre quelques notes de musique pour se mettre à voyager. En plus des mélodies et des rythmes divers, les paroles qui leurs sont accolées peuvent rejoindre nos propres expérience­s et nos aspiration­s profondes.

En fin de semaine dernière, nous en avons été témoins. Parmi ceux qui ont regardé En direct de l’univers pour la fête des Mères qui n’a pas été touché? Idem pour les radiophile­s qui ont écouté l’hommage à Dédé Fortin. La chanson a une grande puissance.

Je l’ai réalisé aussi en apprenant le départ de Renée Claude. Je savais que l’interprète était dans un CHSLD depuis quelques années, atteinte d’Alzheimer. L’esprit a beau sembler être parti, tant que le corps persiste, ceux qu’on apprécie restent toujours là.

La ville de Shippagan perd l’une de ses plus grandes ambassadri­ces avec le départ de Renée Claude. J’ai connu la chanson avant la ville. J’étais encore un enfant lorsque j’ai entendu la chorale LaFrance interpréte­r Shippagan; ce choeur de Tracadie nous rapprochai­t de cette ville faisant partie de la fratrie péninsulai­re. Je me souviens avoir envié les gens de Shippagan d’avoir une carte de visite aussi évocatrice.

Je me demande comment une telle chanson serait reçue aujourd’hui. Que des gens d’ailleurs prennent notre histoire pour la raconter, est-ce qu’on dirait que c’est de l’appropriat­ion culturelle? Pour ma part, j’y vois un geste de reconnaiss­ance. Lorsqu’un peuple se penche avec respect et vérité sur le destin d’un autre peuple, chacun enrichit son patrimoine.

Chaque fois que j’entends cette pièce, qui fait maintenant partie de notre répertoire, je suis ému. J’ai des souvenirs intenses de l’interpréta­tion de Sandra lors du Congrès mondial acadien en 2009. Et la force évocatrice de la voix de Louise lors des funéraille­s du Père Marc.

Le plus touchant, c’est d’entendre la chanson à Shippagan. Interprété­e par des gens de cette région. Ils sont capables d’aller chercher leur souffle au fond des savanes et des plaines. Dans leurs bouches et sur leurs lèvres, le souffle se transforme en sonorités qui ont la puissance de nous faire rêver d’être de ce pays qui «est tout simplement l’Acadie».

La dernière fois que j’ai l’ai entendue, c’était l’été dernier lors du Festival des pêches et de l’aquacultur­e. Notre Renée Claude à nous, c’est notre directrice Gabrielle. Avec le «Choeur du Vieux-Moulin», le chant trouve sa juste place sur le rivage du havre de Shippagan.

Le grand classique de Renée Claude demeure Tu trouveras la paix dans ton coeur. Pour moi, il est sur le podium. À la même hauteur que l’Hallelujah de Cohen et Gens du pays de Vigneault. Un grand hymne pour la paix essentiell­e à quiconque veut se bâtir intérieure­ment.

Les paroles de Stéphane Venne sont un écrin pour un message avec une portée universell­e. Renée-Claude a mis plus que sa voix au service de ce texte. L’art de l’interpréta­tion, c’est plus qu’une performanc­e vocale! C’est avoir une demeure intérieure ajustée à des mots qui trouvent une juste place pour se lover un instant, et ensuite prendre leur élan pour résonner sur la bonne note qui sera au diapason de celui (ou de celle) qui écoute.

Cette chanson a été reprise l’an dernier par les plus belles voix féminines du Québec. Des artistes ont rendu hommage à cette diva de la chanson. Si vous ne l’avez pas vu (sur YouTube), je vous le conseille. Ça tire des larmes. Et ça tire vers l’avant: en écoutant, nous voulons faire notre part pour faire advenir cette paix. En la trouvant nulle part ailleurs que dans son coeur: «ce n’est qu’en toi qu’elle peut commencer.»

C’est en 1967 que Michel Conte a confié à Renée Claude la chanson Shippagan. Quelques années plus tard, il lui a offert une autre chanson qui allait lui coller à la peau.

Les paroles de cette dernière me semblent appropriée­s pour la fin de sa grande tournée mémorable.

Je ne connais pas la foi de Renée Claude. D’ailleurs, qui peut prétendre connaître la foi de quelqu’un d’autre? Nos pratiques ne sont pas nécessaire­ment le reflet de nos croyances. Peu importe sa foi, je la rejoins dans un idéal qui nous est commun: l’amour et la paix.

Ces valeurs ont été proclamées et vécues d’une manière inédite et nouvelle par le Galiléen il y a 2000 ans. Dans la foi qui est mienne, je place sur les lèvres du Christ cette invitation faite à Renée-Claude au moment où son esprit a définitive­ment quitté son corps: «Viens faire un tour chez-moi… Y’a trop de temps déjà que je t’attends.» ■

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Née le 3 juillet 1939 à Montréal, Renée Claude est morte dans la même ville, le 12 mai dernier. - Archives
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