SPECTACLES: BEAUCOUP DE QUESTIONS
Si les salles de spectacle peuvent rouvrir ce vendredi, les défis sont nombreux pour les artisans du milieu des arts de la scène. Financement, report de programmation, plan opérationnel, logistique, public restreint: les diffuseurs doivent composer avec de nouveaux éléments qui viennent bouleverser leur réalité.
Après plus de trois mois d’arrêt, les salles de spectacle ont obtenu le feu vert de la Santé publique pour leur réouverture.
L’organisme a confirmé qu’elles pourront rouvrir à compter du 26 juin si des mesures adéquates de distanciation et de désinfection sont mises en place et si un plan opérationnel respectant les lignes directrices de la Santé publique a été préparé.
Les lieux de diffusion doivent tenir une liste des gens - avec leurs coordonnées - qui entrent dans leur établissement. Si certains diffuseurs préfèrent attendre un peu, des sociétés culturelles comptent offrir des spectacles en salle ou en plein air dès cet été.
«Je ne suis pas sûre que tout le monde va être capable de rentabiliser, mais au moins, dans la mesure de ses capacités, d’offrir la chance à nos communautés d’avoir ce contact avec l’artiste, c’est immense. J’en ai vu beaucoup de spectacles sur les écrans, c’est beau, mais on sent que ce lien direct qui règne lorsqu’on est en présence dans une salle, ça nous manque beaucoup», a déclaré la présidente du Conseil provincial des sociétés culturelles, Ghislaine Foulem, lors d’une rencontre virtuelle avec ses membres, jeudi.
Diane DesChênes, de La Maison de la culture à Shippagan, est l’une de celles qui entend présenter des spectacles dès la mijuillet - même si elle doit changer de salle et composer avec plusieurs enjeux logistiques. Habituellement, elle présentait une série de spectacles à la P’tite Église.
«C’est une église de 70 personnes, mais c’est impossible avec les restrictions du gouvernement de le faire à la P’tite Église parce qu’avec la distanciation, on ne pourrait accueillir que cinq personnes», a-t-elle expliqué.
Elle a déjà une autre salle en vue, au Centre des congrès à Shippagan.
«C’est un service qu’on offre à la population. Il y a des spectacles qui ne sont jamais rentables, mais étant donné qu’on est une société culturelle, on ne vise pas des profits exorbitants, mais d’entrer dans notre argent le plus possible. On vit de subventions.»
Même si elle s’attend à une réponse positive du gouvernement du NouveauBrunswick,
elle souligne que les démarches pour obtenir du financement provincial sont ardues et demandent de longues heures de travail.
La directrice générale de la Société du Monument-Lefebvre, Sophie Doucette, convient aussi que l’obtention de financement provincial demeure un défi majeur. Celle qui développe une nouvelle initiative de concert extérieur en formule ciné-parc pour le grand stationnement du MonumentLefebvre cet été s’est vu refuser un premier financement de Fredericton. Cette nouvelle façon de présenter des spectacles vivants nécessite des dépenses de 20 000$, dont 5000$ proviendraient des revenus de billetterie. La Société doit donc trouver 15 000$ de financement.
«On a passé à travers quatre différents départements du gouvernement. J’ai déposé une première demande qui a été refusée et je vais déposer une nouvelle demande. On cherche aussi à avoir l’appui de la municipalité. On a développé un plan opérationnel spécifiquement pour ce projet-là qui doit être approuvé par la Santé publique», a relaté Mme Doucette, qui espère pouvoir présenter un premier spectacle cet été.
L’ouverture des frontières entre les provinces de l’Atlantique permettra aux diffuseurs de spectacle d’élargir leur bassin d’artistes.
UNE AVENTURE PÉRILLEUSE
Le directeur intérimaire du Centre des arts et de la culture de Dieppe, Louis Doucet, déplore de son côté le peu d’appui financier du gouvernement provincial au secteur du spectacle vivant.
«Il y a eu des fonds qui ont été versés dans l’industrie touristique, mais au niveau de la diffusion des arts de la scène, y a rien de concret qui s’annonce.»
Il se réjouit de la réouverture des salles de spectacle, mais il se demande bien comment il pourra rentabiliser un spectacle présenté devant 60 à 70 personnes alors que la Caserne peut accueillir 224 spectateurs.
«Ce n’est déjà pas évident avec une jauge de 224 places de pouvoir rentabiliser des prestations alors imaginez si on tombe à 25% de la salle.»
De plus, il a reporté sa programmation de spectacles à l’hiver, donc de modifier à nouveau tout ça lui apparaît être un exercice plutôt périlleux. À court terme, la direction du centre a mis des efforts pour convertir la Caserne en studio d’enregistrement pour des diffusions virtuelles en différé ou en direct.
Selon la directrice du Réseau atlantique de diffusion des arts de la scène, Jacinthe Comeau, la plupart de ses membres peuvent mettre en place un plan opérationnel, mais la question financière demeure en tête des préoccupations. ■