Est-il trop tard pour sauver la baie de Tracadie?
Lentement mais sûrement, la baie de Tracadie se meurt. Et si rien n’est fait rapidement, la Municipalité régionale de Tracadie craint que le désastre soit irréversible.
C’est pourquoi la principale ville de la Péninsule acadienne presse le ministère des Pêches et des Océans, qui est responsable de tout ce qui touche les mers, de lancer les travaux de dragage de deux goulets afin de corriger le problème du manque d’oxygénation de ce plan d’eau majeur.
Mais le temps risque de manquer, a déploré le maire Denis Losier, visiblement peu optimiste. Surtout qu’on ne sait pas encore combien tout ça pourrait coûter.
«Tout ce qui touche à la mer est de juridiction fédérale. Nous sommes donc obligés d’attendre que le MPO évalue notre requête. Ça prend aussi des études environnementales, mais on ne demande pas de creuser un nouveau goulet. Un problème a été créé il y a 20 ans quand le lien des deux rivières a été érigé. Aujourd’hui, on a des problèmes d’algues, d’odeur nauséabonde et de fond vaseux. C’est en train de tuer la biodiversité de la baie», déplore-t-il.
Lors d’une rencontre avec le député fédéral Serge Cormier et son homologue provincial de Tracadie-Sheila Keith Chiasson vendredi, le maire a appris qu’il faudrait de deux à trois ans avant qu’Ottawa étudie le dossier et un autre délai aussi important, provoqué par diverses études, avant de voir une pelle creuser aux endroits problématiques.
«Donc, ça veut dire que ça prendra de cinq à six ans avant que ça bouge. La ville est bâtie autour de cette baie. Si rien n’est fait rapidement, nous allons assister à un désastre. La solution a été clairement identifiée et c’est de creuser les deux goulets. On est en train de regarder notre baie dépérir», a-t-il signifié.
Des études ont déterminé que l’eutrophisation - accumulation de débris organiques dans des eaux stagnantes causées par un manque de circulation - dans la baie mène à une dégradation de la qualité de l’eau.
Dans la baie de Tracadie, ce phénomène provoque une forte production d’algues qui absorbent l’oxygène et laissent échapper de fortes odeurs désagréables en se décomposant.
Des données récoltées indiqueraient que l’une des ouvertures dans la partie nord de la baie se remplit de sable. Cela ralentit les courants et la circulation de l’eau, ce qui favorise la croissance d’algues.
Le problème touche également le domaine de la culture de l’huître. Les ostréiculteurs qui utilisent ce secteur pour la prolifération de leurs mollusques disent avoir subi des pertes financières énormes depuis deux ans.
«Certains songent déjà à vendre leur équipement et à abandonner cette pêche à tout jamais. Avec quelques coups de pelle, on assure une meilleure qualité d’eau, on réduit énormément les risques de pertes pour nos producteurs et on gagne du temps pour faire, si nécessaire, une étude environnementale pour le creusage d’un nouveau goulet au sud de la baie. Selon moi, ce n’est pas si compliqué que ça. Je serai même prêt à enfiler mes bottes d’eau et le faire à la main s’il le faut», avait déclaré récemment au journal le député provincial de Tracadie, Keith Chiasson.
À cela, le maire Denis Losier a laissé entendre que les ostréiculteurs n’avaient plus droit à un remboursement de 25% des équipements de culture de la part de la Société de développement régional depuis cette année. Fredericton proposerait le rachat des permis d’exploitation afin de les déplacer à Néguac ou à Miramichi, a-t-il continué.
«En laissant la baie de Tracadie dans cet état, nous allons perdre des entreprises. Nous sommes à la merci du gouvernement fédéral. Plus on attend, plus le problème s’intensifie. Nous perdons des pêcheurs et ça empire les problèmes d’odeur. Mais si on creuse les deux goulets, on règle le problème en moins d’une semaine», parle-t-il.
Les conseillers autour de la table sont d’accord pour placer ce dossier en priorité afin qu’il progresse plus rapidement que les délais estimés.
Des travaux dans la lagune du secteur Sheila réalisés l’an dernier avaient permis de régler un problème semblable. ■