La défense du français, un combat commun qui doit inspirer toutes les minorités
Le 12 juin 2020, la Cour suprême du Canada a rendu la décision Conseil scolaire francophone de la Colombie‑Britannique c. Colombie‑Britannique.
Il s’agit d’un arrêt historique dans ce qui semble être à la fois un combat quotidien et perpétuel des francophones du Canada pour le respect de leurs droits linguistiques qui, il faut le rappeler sont garantis par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, une composante de la constitution depuis son rapatriement en 1982.
Dans le contexte du mouvement #BlackLivesMatter, j’ai ressenti le besoin et la nécessité de lire cette décision.
Soudain, j’ai pu constater comment l’Acadie m’a transformé en un défenseur intégral de la langue française et, dans une plus large mesure, comment les luttes des minorités (linguistiques, visibles, ethniques, autochtones, sexuelles) sont comparables malgré leur spécificité propre.
Le désir de vivre sa liberté est un élément commun à toutes ces minorités.
Leurs membres veulent vivre sans les jugements et les traitements différents qui sont basés sur leurs différences.
En Haïti, à l’enfance, on nous a enseigné les souffrances de l’esclavage. Durant cette période, certains ont eu une envie de rejeter toutes les séquelles, dont la langue française. Hélas, c’est plus facile à dire qu’à faire.
À bien regarder, jusqu’à aujourd’hui, la France et la langue française sont partout en Haïti. Dans nos écoles, nos livres, notre musique, notre cuisine, notre mentalité et j’en passe. Elle est un critère de différenciation sociale et physique.
Parler la langue française ouvre des portes. Toutefois, on ne s’est jamais promenés sur les toits pour la défendre sauf quand on veut s’enorgueillir que si la langue française est l’une des langues officielles de l’ONU c’est grâce entre autres aux Haïtiens (parce que les pays africains n’existaient pas encore pour la plupart) ou quand on veut avoir un service rapide dans une administration publique ou privée.
J’ai vécu à Montréal de 2009 à 2017. Depuis 2017, je suis à Moncton pour des raisons personnelles. À Montréal, la défense de la langue française est indissociable de la nation distincte québécoise.
Je n’ai cependant jamais senti le besoin de défendre le français contre la progression de l’anglais et des langues des allophones.
Pourtant, à Moncton, je sens qu’il s’agit de ma responsabilité. Comme les Québécois, les Acadiens sont attachés à la langue française. Elle fait partie de leur histoire.
Toutefois, en plus de l’attachement des Acadiens à cette langue, les souffrances qu’ils ont endurées lors du Grand Dérangement me rappellent étrangement mon histoire de déporté.
Effectivement lors de la traite des esclaves, des blancs ont forcé des noirs à quitter l’Afrique pour venir travailler en esclavage en Amérique. Dans les deux cas, il s’agit d’un drame humain.
Avant la naissance du Canada, les Canadiens français ont souffert aux mains des Anglais. S’il est évident qu’on ne devrait pas comparer les souffrances des deux peuples, on peut toujours faire une indiscrétion pour constater que la déportation des Acadiens était un acte révoltant et inhumain.
En ces temps de #BlackLivesMatter, la bataille des minorités (linguistiques, visibles, ethniques, autochtones, sexuelles) pour le respect de leurs droits est comparable.
Avant toute autre chose, il s’agit d’un combat humain. Un combat qui sera gagné avec des gens de toutes les origines avec l’éducation comme vecteur principal, des actions concrètes et non des commissions formées par des personnes qui ont toujours ignoré l’existence du racisme systémique ou même si elles sont composées de personnes racisées, mais étrangères aux vécus quotidiens des victimes.
Il faudrait entre autres des sociologues, des politologues, des philosophes, des avocats et surtout des victimes dans tout travail qui chercherait vraiment à solutionner le problème.
Pour comprendre l’autre, il faut se mettre à sa place pour ressentir sa douleur, l’écouter et travailler avec lui.
Il est important de défendre la langue française. En le faisant, je défends indirectement, les francophones du Québec, du Canada et du monde.
Ironiquement, dans quelques années, l’Afrique aura plus de francophones que n’importe quel autre continent.
L’histoire nous a appris que l’exclusion et le non‑respect des droits humains conduisent à la frustration, à la misère et à la souffrance. Cependant, les hommes apprennent difficilement. L’histoire est un perpétuel recommencement.
Merci l’Acadie pour cette leçon d’histoire, une leçon d’humanité et de grandeur.
Dans mon coeur tu mérites que je te compare à une personne.
Mon attachement à l’Acadie (mon fils est né à Moncton, je vis avec vous depuis 3 ans) me permet de dire l’Acadie mon Amour, comme je dirais pour Haïti Chérie.
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