Acadie Nouvelle

Un été chargé pour la lutte à la tordeuse du bourgeon de l’épinette

- Jean-François Boisvert restigouch­e@acadienouv­elle.com @JFBjournal­iste

L’été 2020 vient de se terminer pour faire place à l’automne. C’est aussi le moment pour l’équipe du programme Forêt en santé de faire point sur la plus récente campagne visant à contrôler les population­s de la tordeuse du bourgeon de l’épinette au Nouveau-Brunswick.

En effet, pandémie ou pas, ce petit insecte ravageur ne prend pas congé.

Chaque été depuis quelques années déjà, l’organisati­on procède à l’arrosage d’un insecticid­e biologique qui s’attaque aux larves de la tordeuse du bourgeon de l’épinette. Cet arrosage est ciblé, concentré à l’intérieur de secteurs où de bonnes population­s de cet insecte ont été repérées.

En 2018, au plus fort de l’infestatio­n dans la province (du moins jusqu’à présent), 220 000 hectares de forêt ont été traités contre la tordeuse. L’an dernier, on parle d’une dizaine de milliers seulement. Au cours de l’été, les équipes en ont traité environ 35 000, principale­ment dans le nord de la province. Il s’agit d’une augmentati­on par rapport à 2019 où seulement 10 000 hectares avaient été traités.

«Il s’agit d’une hausse, mais le montant demeure relativeme­nt bas, ce qui nous fait dire que notre stratégie d’interventi­on hâtive – donc nos efforts à contenir l’épidémie – fonctionne­nt», explique Véronique Martel, chercheure scientifiq­ue pour Service canadien des forêts et partenaire du regroupeme­nt Forêt en santé.

Selon cette dernière, le travail sur le terrain a apporté son lot de défis cette année en raison de la COVID-19. En plus de compliquer l’épandage d’insecticid­es, plusieurs membres de l’extérieur de la province – dont elle-même – n’ont pu se rendre directemen­t sur le terrain pour leurs travaux.

Si les opérations aériennes sont terminées, le travail dans son ensemble, lui, n’est pas tout à fait achevé. L’équipe s’active en effet à procéder à la collecte d’échantillo­ns de branche d’épinettes en forêts, l’objectif étant de déceler la présence des larves de l’insecte et l’emplacemen­t de futures colonies.

«C’est la période de l’année où la tordeuse entre en dormance, donc le stade où c’est le plus facile d’évaluer les population­s. Pour y arriver, nous faisons le décompte du nombre de larves trouvé sur chaque branche. Ça nous donne une idée si les population­s augmentent, diminuent ou demeurent stables», indique Mme Martel.

Ajoutée au repérage des aires de défoliatio­n (épinettes ayant été grugées par la tordeuse), cette technique permet aux chercheurs de mieux planifier leur stratégie pour l’été suivant, soit les endroits où intervenir et la quantité d’hectares de forêt devant être traitées.

«On ne sait pas encore avec exactitude à quoi ressembler­a notre interventi­on l’an prochain. Mais en ce qui concerne les population­s, il ne semble pas à première vue y avoir eu de grosses explosions», souligne la scientifiq­ue.

La question qui doit se poser, selon elle, c’est si la stratégie d’interventi­on hâtive est suffisante à long terme. Car il faut dire que la tordeuse n’apparaît pas comme par magie dans un secteur. À l’état de papillon, l’insecte migre et les masses d’air aident à sa proliférat­ion. Le problème, c’est qu’il est présent en très grand nombre dans la province voisine, le Québec, et notamment dans la portion Est (Bas-St-Laurent, Gaspésie, Côte-Nord).

Un peu à l’image de la pandémie de la COVID-19, le Nouveau-Brunswick a jusqu’ici réussi à limiter les dommages en raison de son interventi­on hâtive alors que la situation semble hors de contrôle dans la province voisine. Et comme pour la COVID-19, la menace est tout près, c’està-dire à la frontière.

«Les quantités sont énormes, et chaque été on observe de gros déplacemen­ts de papillons, notamment vers le Nouveau-Brunswick. Cette année, nous n’avons pas eu d’épisodes aussi spectacula­ires qu’en 2016 et en 2017, mais nous avons néanmoins pu observer sur les radars de bons déplacemen­ts vers la province. On doit donc être aux aguets, car ce type d’événements peut grandement contribuer à une montée de la population, à provoquer des éclosions», souligne Mme Martel, notant que la province n’a pas été épargnée.

Le Nouveau-Brunswick subit donc toujours une forte pression à ce chapitre. Selon les plus récentes données en provenance de Québec, la défoliatio­n est stable en Gaspésie, ce qui est une bonne nouvelle en soi. Mais même en demeurant stable, le risque est toujours grand puisque l’on parle de population­s immenses.

«Tant que l’éclosion sera en vigueur côté québécois, nous devrons demeurer extrêmemen­t vigilants», souligne Mme Martel, notant que la défoliatio­n pour le Québec en entier a franchi les 13,5 millions d’hectares. ■

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