La bulle entre le Restigouche et la Gaspésie ne tient qu’à un fil
Le jumelage entre le Nouveau Brunswick et le Québec est plus que jamais compromis.
Les points de contrôle exigés à Pointe-àla-Croix pour garantir son maintien dans la «bulle atlantique» sont devenus une telle source de division dans la MRC d’Avignon que le maire de cette communauté envisage sérieusement de tout bonnement les laisser tomber, au risque de voir la frontière se refermer.
Plus tôt cette semaine, Pascal Bujold avait émis beaucoup de réserve quant à la nature de ces points de contrôle exigés par Québec qui, lui-même, s’était fait souffler les critères à l’oreille par le gouvernement du NouveauBrunswick.
L’idée de départ de ces points de contrôles était pourtant simple: sensibiliser les citoyens de Pointe-à-la-Croix aux nouvelles mesures entourant la bulle Atlantique rétrécie. Ainsi, si un citoyen décidait de quitter les limites de la municipalité, on l’avisait que l’accès au Nouveau-Brunswick lui serait refusé pendant 14 jours.
Mais les contrôles sont plutôt devenus de petites frontières intermunicipales. Ils ont carrément fermé l’accès à Pointe-à-la-Croix et Listuguj au reste de la population d’Avignon. Les voisins immédiats – Escuminac, Restigouche-Sud-Est, Matapédia et les municipalité des Plateaux – ne peuvent s’y rendre sinon pour des urgences de santé et des raisons humanitaires.
S’il n’a pas de problème pour l’instant à garder les citoyens de Nouvelle, Carleton-surMer et Maria à l’écart de Pointe-à-la-Croix pour le moment – en raison de la forte éclosion de COVID-19 en cours dans ces communautés –, M. Bujold estime que cette mesure cause toutefois un grave préjudice à ses voisins immédiats de l’ouest de la MRC.
Cette population, déjà exclue de la bulle rétrécie avec le Nouveau-Brunswick, se trouve donc aussi isolée de Pointe-à-la-Croix, l’autre principal point de service régional. Résultat, elle doit aller chercher ses services beaucoup plus loin et dans des zones chaudes de la COVID-19 comme Carleton-sur-Mer ou Maria pour obtenir des biens et services.
«On met ces gens à risque, on met ma communauté à risque et ce que le NouveauBrunswick ne semble pas réaliser, c’est qu’il se met aussi à risque», dit-il.
Le maire estime en effet que cette intransigeance du Nouveau-Brunswick pourrait, au final, revenir hanter la province maritime.
«Beaucoup de citoyens de nos communautés travaillent au Restigouche, et plusieurs directement dans le système de santé. Ce n’est donc pas très avisé, je trouve, de forcer ces gens à aller en zones chaudes, de laisser l’éclosion se rapprocher. C’est la meilleure façon d’importer le virus au Nouveau-Brunswick», croit M. Bujold.
À titre d’exemple, près de 10% de la maind’oeuvre du Réseau de santé Vitalité au Restigouche est composée de citoyens provenant de la MRC d’Avignon. Déjà en forte pénurie, le réseau pourrait difficilement se priver de ces travailleurs.
Mardi, M. Bujold a demandé aux deux gouvernements de faire preuve de discernement et de donner libre accès aux commerces de sa municipalité aux citoyens de Matapédia et des Plateaux, région où il n’y a d’ailleurs aucune éclosion de COVID-19 en ce moment.
Le Nouveau-Brunswick a dit non. Pire, le gouvernement de Blaine Higgs aurait demandé de revoir à la baisse la liste des commerces auxquels les gens de l’extérieur pourraient avoir accès. Cette fois, c’est Pointe-à-laCroix qui a dit non.
«On a décidé de refuser cette demande et de soumettre à nouveau la nôtre. Dans l’optique d’un non de la part de Fredericton, on est prêt à faire éclater la bulle tout simplement. On doit penser au bien-être de notre population aussi, ce sont nos voisins», explique le maire.
UNE BULLE AVEC LISTUGUJ SEULEMENT?
En point de presse mercredi, le premier ministre du Nouveau-Brunswick a réitéré ses inquiétudes face à la progression du virus dans la Belle province, et plus précisément dans la région d’Avignon en Gaspésie. Il faut dire que cette région compte en ce moment 141 cas actifs de la COVID-19 (86 en communauté, 55 en milieu fermé).
En ce qui a trait à la situation frontalière, Blaine Higgs a laissé entendre qu’il hors de question d’étendre le jumelage québécois à d’autres communautés que Pointe-à-la-Croix et Listuguj. Au contraire, il estime qu’une «contraction» - donc un nouveau rétrécissement – est beaucoup plus plausible.
«Nous nous sommes entendus sur des règles pour permettre une ouverture de la frontière tout en protégeant notre province. Mais si les règles pour le maintien de cette frontière ne sont plus acceptables, alors là ça devient problématique et nous devrons en arriver à la conclusion que ça fonctionne plus», a averti le M. Higgs.
Advenant que la bulle éclate, donc que Pointe-à-la-Croix se retire, le premier ministre se dit prêt à refermer à nouveau la frontière. Il a toutefois fait preuve d’ouverture visà-vis les 106 élèves de la Première Nation autochtone de Listuguj qui fréquentent l’école secondaire anglophone de Campbellton.
«Nous sommes en train d’étudier les options afin d’accommoder ces élèves et rendre toute cette situation la moins pénible possible», a indiqué M. Higgs. ■