Acadie Nouvelle

COVID-19: la Chine tente de redorer son blason auprès de sa propre population

- Dr Sylvain Charlebois Directeur principal Laboratoir­e de sciences analytique­s en agroalimen­taire Université Dalhousie, N.-É.

Pendant que nous empêchons les Québécois et les Canadiens de se divertir en fermant les bars et restaurant­s, de son côté, la Chine est en liesse.

Au pays où la pandémie a débuté il y a moins d’un an, on a recensé 91 000 cas de COVID-19 et environ 4800 décès.

Les données de l’Organisati­on mondiale de la santé nous indiquent aussi que la Chine a effectué plus de 160 millions de tests, un sommet sur le globe. La vie est revenue à la normale dans la plupart des régions là-bas. Les gens sortent, dansent et visitent les endroits publics comme si de rien n’était.

Belle performanc­e, mais 42 autres pays, dont le Canada, ont vu plus de cas que le pays le plus populeux du monde. À la lumière de ce qui se passe ailleurs et avec ses 1,4 milliard d’habitants, il reste difficile de croire en la validité des chiffres chinois. Il s’agit vraisembla­blement d’une bouillie pour les chats!

Mais cette campagne de presse n’a rien à voir avec la communauté internatio­nale. En effet, tout porte à croire que la Chine tente de redorer son blason auprès de sa propre population. En tant que gestionnai­re de risques, Pékin n’a pas toujours bien paru.

D’ailleurs, en 2008, des milliers d’enfants avaient été hospitalis­és dû au scandale du lait contaminé à la mélamine. Plusieurs enfants en sont morts. Le gouverneme­nt optait à l’époque pour taire le scandale afin de ne pas nuire à sa réputation quelque mois avant les jeux de Pékin d’août 2008. L’un des pires désastres de communicat­ion de son histoire.

Certains supposés responsabl­es avaient été exécutés, mais le mal était fait. Depuis le scandale de 2008, Pékin peine à rassurer sa population en matière de salubrité des aliments et sur tous les dossiers liés à la santé publique. Mais la COVID-19, selon toutes vraisembla­nces, est perçue comme une occasion pour Pékin de tout changer.

En plus de publier des chiffres rassurants pour sa population par rapport au cas de COVID-19 et de tests, Pékin n’hésite plus maintenant à pointer du doigt les différents importateu­rs de produits alimentair­es en Chine afin de démontrer sa rigueur sans compromis.

Par exemple, cet été, Pékin accusait le Brésil d’importer des produits contaminés par la COVID-19. Un échantillo­n d’ailes de poulet congelées importées du Brésil avait été déclaré positif dans la ville de Shenzhen, dans le sud de la Chine.

C’était au mois d’août, et cette annonce, la dernière du genre, achevait l’élaboratio­n d’une série de rapports faisant état de produits alimentair­es importés contaminés.

Plus récemment, Pékin exhortait cette semaine les entreprise­s chinoises à interrompr­e les importatio­ns de produits surgelés en provenance de pays qui ont été durement touchés par la pandémie alors que les craintes continuent de monter sur la possibilit­é d’une transmissi­on par l’emballage. Selon les autorités chinoises, les premières infections asymptomat­iques locales en plus d’un mois ont été détectées alors que deux travailleu­rs portuaires de la ville de Qingdao responsabl­es du déchargeme­nt de fruits de mer surgelés ont été déclarés positifs.

Les autorités sanitaires, y compris l’Organisati­on mondiale de la santé et les Centres de prévention et contrôle des infections aux États-Unis, ont déclaré à maintes reprises que la possibilit­é d’attraper le virus par la nourriture était quasi inexistant­e, faut-il le rappeler. Donc les risques sont extrêmemen­t limités.

Malgré cela, Pékin poursuit sa campagne de presse afin d’améliorer son image à l’intérieur de ses propres frontières. Une bonne chose possibleme­nt pour le gouverneme­nt chinois, mais les manchettes qui atteignent les réseaux sociaux dérangent en occident, notamment certains Canadiens.

Environ 14% des Canadiens ont déjà jeté de la nourriture croyant celle-ci contaminée par la COVID-19.

Pékin peut bien rassurer ses citoyens en se montrant soucieux des risques qui proviennen­t d’ailleurs, plusieurs Canadiens anxieux sont portés à croire ce genre de nouvelles. Il est donc temps que notre propre régulateur, l’Agence canadienne d’inspection­s des aliments, fasse ses devoirs et rassure ses citoyens de façon claire et précise.

La propagande n’a malheureus­ement aucune frontière. ■

 ?? - Associated Press: Ng Han Guan ?? Des touristes posent pour des photos le long d’un tronçon de la Grande Muraille de Chine à la périphérie de Pékin.
- Associated Press: Ng Han Guan Des touristes posent pour des photos le long d’un tronçon de la Grande Muraille de Chine à la périphérie de Pékin.

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