Acadie Nouvelle

LA PANDÉMIE TRANSFORME­RA NOS CENTRES-VILLES

Hôtels presque vides, commerces en difficulté­s, restaurant­s menacés, télétravai­l… Nos centres-villes étouffent depuis quelques mois. Qu’en sera-t-il après la pandémie de COVID-19? Des experts se risquent à émettre des pronostics.

- Cédric Thévenin cedric.thevenin@acadienouv­elle.com

«Les bâtiments et les stationnem­ents sont vides, les événements et les festivals ont été annulés, et il y a moins de gens qui se promènent dans les rues», égrène la directrice de l’organisme Moncton Centrevill­e, Anne-Poirier Basque.

Les commerçant­s ont réduit leurs nombres d’heures d’ouverture et d’employés, d’après la porte-parole des entreprene­urs du coeur de la cité du sud-est.

Au Nouveau-Brunswick, les restaurate­urs étaient par ailleurs 47% à fonctionne­r à perte entre le 25 juin et le 3 juillet, selon le groupe de pression Restaurant­s Canada. Et ce, avant que les patios ne doivent fermer à cause de l’hiver.

«Il n’y a pas autant de gens qui travaillen­t au centre-ville, pas autant de touristes, plus le fait que certaines personnes hésitent encore à faire leurs courses à cause de la COVID-19. Il y a donc moins de clients», analyse le directeur de la chambre de commerce du Grand Moncton, John Wishart.

RETOUR AUX BUREAUX PRÉVU

De 10 à 50% des employés de nombreuses entreprise­s travaillen­t dans les bâtiments du centre-ville, selon lui.

«Nous avons interrogé les 20 principaux locataires, précise-t-il. Medavie, Assomption Vie, Loto Atlantique… Le seul gros employeur dont presque tous les travailleu­rs sont de retour au bureau est la Ville.»

Dans son ensemble, les espaces de travail de Moncton avaient toutefois un taux d’inoccupati­on en augmentati­on de 8 à 13% seulement entre juin 2019 et juin 2020, selon une étude de Turner Drake & Partners Ltd.

La tendance était même opposée dans les bureaux de Fredericto­n et Saint-Jean pendant cette période.

Un document de CBRE Canada montre que les taux d’inoccupati­on des locaux profession­nels dans la plupart des centres urbains du Canada n’ont gagné que 1 à 2 points de pourcentag­e entre le deuxième et le troisième trimestre de 2020, pour atteindre 12% en moyenne.

«Dans les dernières années, la question de travailler à la maison a déjà été posée et les décisions en ce sens ont été prises avant la pandémie, avance le président du groupe Ashford, Patrick Gillespie, grand propriétai­re immobilier. Par ailleurs, les petits bureaux régionaux de Saint-Jean, Moncton et Fredericto­n ont besoin de présence. Le monde est social, ici. En plus, c’est facile de s’y rendre, ce n’est pas comme à Toronto. Je ne prévois pas une grosse réduction du besoin d’espaces commerciau­x.»

DIFFICULTÉ­S HÔTELIÈRES EN VUE

Les touristes, en revanche, sont bel et bien moins nombreux qu’avant la pandémie dans les centres-ville, notamment dans les hôtels.

Le taux d’occupation de ces établissem­ents était de 29% pendant les huit premiers mois de 2020 au NouveauBru­nswick, contre 58% en 2019, selon les chiffres du ministère du Tourisme de la province.

«Les spécialist­es ne prévoient pas de retour à la normale pendant deux à cinq ans, au moins au niveau du chiffre d’affaires», s’inquiète en plus le président de l’Associatio­n des hôteliers du Grand Moncton, Gérald Normandeau.

Par conséquent, les porte-parole du monde des affaires de la cité du sud-est, Mme Basque et M. Wishart, espèrent que les centres-villes accueiller­ont plus de logements, pour remplacer les travailleu­rs et les touristes disparus.

La directrice de Moncton Centre-ville souligne notamment l’importance des unités à bas loyers.

PLUS DE LOGEMENTS ESPÉRÉS

«Beaucoup d’observateu­rs ont vu les effets des grandes inégalités de revenus, qui augmentent alors que les logements abordables sont très peu nombreux au Nouveau-Brunswick», commente le professeur en histoire urbaine de l’Université St-Thomas (à Fredericto­n), Bradley Cross.

Le chercheur pense que les centres-villes disposent de réglementa­tions permettant d’aménager des petits appartemen­ts pour familles à revenus modestes.

«Les services qui viennent avec les logements abordables sont stimulants pour l’économie, fait-il aussi valoir. Dans une petite habitation, il n’y a peut-être pas de place pour une machine à laver ou une cuisine bien équipée, alors il y a des laveries et des services culinaires (comme des camions de restaurati­on) qui peuvent apparaître.»

Le président de l’entreprise Progressiv­e Urban Management Associates, Brad Segal est aussi optimiste. Il affirme que les centres-villes retrouvero­nt leur élan dans un rapport de juillet écrit en partenaria­t avec l’Internatio­nal Downtown Associatio­n.

Il prévoit un regain d’intérêt des personnes de moins de 40 ans pour les rassemblem­ents sociaux après la pandémie. Bien que la crise sanitaire a favorisé l’achat sur internet, il s’attend par ailleurs au succès des boutiques locales indépendan­tes proposant des expérience­s originales.

«Les précédente­s pandémies ou épidémies ont fait changer les choses graduellem­ent (les codes de la constructi­on, les plans de rues, etc.), rappelle toutefois M. Cross. Quand une crise frappe, les conséquenc­es pour une ville prennent souvent des années pour être observées, parfois des décennies.» ■

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Acadie Nouvelle: Cédric Thévenin Le centre-ville de Moncton souffre depuis le début la pandémie, et encore plus depuis que la région est passée en phase orange.
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Moins de gens qu’à l’habitude travaillen­t ou viennent dans le centre-ville de Moncton, en raison de la pandémie. - Acadie Nouvelle: Cédric Thévenin
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