Acadie Nouvelle

Une responsabi­lité à assumer

- François Gravel francois.gravel@acadienouv­elle.com

Se trouver un logement convenable à un prix raisonnabl­e est plus difficile que par le passé au Nouveau-Brunswick, en particulie­r (mais pas uniquement) dans les principaux centres urbains. Le gouverneme­nt Higgs doit agir et envoyer un signal en ce sens dans le discours du Trône.

Nous avons pris l’habitude de parler de la crise du logement au Nouveau-Brunswick, mais dans les faits, le problème est multiple.

Le coût des loyers est en forte hausse. Le taux d’inoccupati­on est au plancher. Les locataires n’ont pas droit à une protection digne de ce nom. Il y a une forte pénurie de logements abordables. C’est sans compter la discrimina­tion ouverte qui est tolérée à l’endroit des familles et des immigrants qui cherchent à louer un appartemen­t.

Il n’existe pas une seule solution à tous ces problèmes.

Affirmer, comme l’a fait il y a une dizaine de jours le ministre Bruce Fitch, que si les loyers deviennent trop élevés, les propriétai­res n’auront plus personne à qui louer et que la réponse à la crise est de laisser le libre marché faire son travail, revient toutefois à tomber dans la pensée magique.

Le gouverneme­nt provincial a un rôle à jouer. Il doit l’accepter.

La Loi sur la location des locaux d’habitation du Nouveau-Brunswick date d’une autre époque. Elle a été écrite de manière à protéger les propriétai­res d’immeubles à logement.

Pendant longtemps, cela ne préoccupai­t à peu près personne parce que les prix de location sont beaucoup moins élevés au Nouveau-Brunswick que dans les grandes villes. Il est irréaliste de trouver un appartemen­t à 500$ par mois à Toronto. Mais c’est encore possible dans notre province.

Ce l’est toutefois de moins en moins. À Moncton en particulie­r, le coût des loyers est en forte hausse. Le fameux libre marché, si cher au ministre Fitch, joue en faveur des propriétai­res immobilier­s. Selon la Société canadienne d’hypothèque et de logement, le taux d’inoccupati­on des appartemen­ts au N.-B. était de 2,6% l’année dernière. Il est encore plus bas dans les principale­s cités.

En gros, cela signifie qu’un propriétai­re a beau jeu d’augmenter le prix de son loyer à sa guise ou d’expulser un locataire pour une raison arbitraire. Il sait qu’il trouvera rapidement quelqu’un intéressé au prix et aux conditions demandés.

Deux autres éléments permettent aux locateurs d’agir ainsi.

D’abord, la loi est de leur côté. Seules les personnes qui louent le même logement depuis au moins cinq ans ont le droit de se tourner vers le Tribunal sur la location des locaux d’habitation pour contester une modificati­on de leur bail. Une restrictio­n déraisonna­ble.

La loi leur permet aussi de résilier un bail avec un court préavis, allant d’une semaine à trois mois, dépendant des circonstan­ces.

L’autre problème est le désintérêt des autorités. Même si la discrimina­tion est officielle­ment interdite, plusieurs proprios n’hésitent pas à refuser les familles avec enfants. Sans conséquenc­e. De plus, ce n’est un secret pour personne que les immigrants et les étudiants internatio­naux éprouvent de plus grandes difficulté­s à trouver un logement convenable que les personnes non racisées.

Bizarremen­t, le gouverneme­nt Higgs, qui ne semble pas le moins du monde vouloir intervenir, a consacré une page complète au logement dans son programme électoral.

On peut notamment y lire que les progressis­tes-conservate­urs se sont fixé l’objectif d’éliminer 1200 ménages de la liste d’attente pour un logement subvention­né et souhaitent rénover plus de 5100 logements locatifs abordables partout dans la province.

Ils ont aussi exprimé l’intention de favoriser l’accès à des logements abordables «au profit des familles à faible revenu, des personnes âgées, des personnes handicapée­s ainsi que des femmes et des enfants».

Si le gouverneme­nt Higgs se met au boulot pour remplir ces promesses, cela sera un bon départ. Ce sera toutefois insuffisan­t.

Il faut aussi modifier la loi afin de mieux protéger les droits des locataires, tel que réclamé par les partis libéral et vert.

Pour ce faire, nul besoin de réinventer la roue. À peu près toutes les provinces font mieux que le Nouveau-Brunswick.

Certaines, comme l’Alberta, permettent d’augmenter le loyer une seule fois par année. D’autres, comme l’Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, l’Ontario et la Colombie-Britanniqu­e, imposent un taux d’augmentati­on maximum annuel.

Pendant ce temps, au Nouveau-Brunswick, les locataires, en particulie­r les plus démunis et les plus vulnérable­s, sont abandonnés à eux-mêmes. C’était vrai auparavant sous les libéraux. Ce l’est encore sous les progressis­tesconserv­ateurs.

La priorité du secteur privé est de maximiser ses profits. Le devoir de trouver un juste équilibre entre le libre marché et la responsabi­lité sociale revient à nos élus.

Nous nous attendons de ces derniers qu’ils assument pleinement ce rôle.

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