Une responsabilité à assumer
Se trouver un logement convenable à un prix raisonnable est plus difficile que par le passé au Nouveau-Brunswick, en particulier (mais pas uniquement) dans les principaux centres urbains. Le gouvernement Higgs doit agir et envoyer un signal en ce sens dans le discours du Trône.
Nous avons pris l’habitude de parler de la crise du logement au Nouveau-Brunswick, mais dans les faits, le problème est multiple.
Le coût des loyers est en forte hausse. Le taux d’inoccupation est au plancher. Les locataires n’ont pas droit à une protection digne de ce nom. Il y a une forte pénurie de logements abordables. C’est sans compter la discrimination ouverte qui est tolérée à l’endroit des familles et des immigrants qui cherchent à louer un appartement.
Il n’existe pas une seule solution à tous ces problèmes.
Affirmer, comme l’a fait il y a une dizaine de jours le ministre Bruce Fitch, que si les loyers deviennent trop élevés, les propriétaires n’auront plus personne à qui louer et que la réponse à la crise est de laisser le libre marché faire son travail, revient toutefois à tomber dans la pensée magique.
Le gouvernement provincial a un rôle à jouer. Il doit l’accepter.
La Loi sur la location des locaux d’habitation du Nouveau-Brunswick date d’une autre époque. Elle a été écrite de manière à protéger les propriétaires d’immeubles à logement.
Pendant longtemps, cela ne préoccupait à peu près personne parce que les prix de location sont beaucoup moins élevés au Nouveau-Brunswick que dans les grandes villes. Il est irréaliste de trouver un appartement à 500$ par mois à Toronto. Mais c’est encore possible dans notre province.
Ce l’est toutefois de moins en moins. À Moncton en particulier, le coût des loyers est en forte hausse. Le fameux libre marché, si cher au ministre Fitch, joue en faveur des propriétaires immobiliers. Selon la Société canadienne d’hypothèque et de logement, le taux d’inoccupation des appartements au N.-B. était de 2,6% l’année dernière. Il est encore plus bas dans les principales cités.
En gros, cela signifie qu’un propriétaire a beau jeu d’augmenter le prix de son loyer à sa guise ou d’expulser un locataire pour une raison arbitraire. Il sait qu’il trouvera rapidement quelqu’un intéressé au prix et aux conditions demandés.
Deux autres éléments permettent aux locateurs d’agir ainsi.
D’abord, la loi est de leur côté. Seules les personnes qui louent le même logement depuis au moins cinq ans ont le droit de se tourner vers le Tribunal sur la location des locaux d’habitation pour contester une modification de leur bail. Une restriction déraisonnable.
La loi leur permet aussi de résilier un bail avec un court préavis, allant d’une semaine à trois mois, dépendant des circonstances.
L’autre problème est le désintérêt des autorités. Même si la discrimination est officiellement interdite, plusieurs proprios n’hésitent pas à refuser les familles avec enfants. Sans conséquence. De plus, ce n’est un secret pour personne que les immigrants et les étudiants internationaux éprouvent de plus grandes difficultés à trouver un logement convenable que les personnes non racisées.
Bizarrement, le gouvernement Higgs, qui ne semble pas le moins du monde vouloir intervenir, a consacré une page complète au logement dans son programme électoral.
On peut notamment y lire que les progressistes-conservateurs se sont fixé l’objectif d’éliminer 1200 ménages de la liste d’attente pour un logement subventionné et souhaitent rénover plus de 5100 logements locatifs abordables partout dans la province.
Ils ont aussi exprimé l’intention de favoriser l’accès à des logements abordables «au profit des familles à faible revenu, des personnes âgées, des personnes handicapées ainsi que des femmes et des enfants».
Si le gouvernement Higgs se met au boulot pour remplir ces promesses, cela sera un bon départ. Ce sera toutefois insuffisant.
Il faut aussi modifier la loi afin de mieux protéger les droits des locataires, tel que réclamé par les partis libéral et vert.
Pour ce faire, nul besoin de réinventer la roue. À peu près toutes les provinces font mieux que le Nouveau-Brunswick.
Certaines, comme l’Alberta, permettent d’augmenter le loyer une seule fois par année. D’autres, comme l’Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba, l’Ontario et la Colombie-Britannique, imposent un taux d’augmentation maximum annuel.
Pendant ce temps, au Nouveau-Brunswick, les locataires, en particulier les plus démunis et les plus vulnérables, sont abandonnés à eux-mêmes. C’était vrai auparavant sous les libéraux. Ce l’est encore sous les progressistesconservateurs.
La priorité du secteur privé est de maximiser ses profits. Le devoir de trouver un juste équilibre entre le libre marché et la responsabilité sociale revient à nos élus.
Nous nous attendons de ces derniers qu’ils assument pleinement ce rôle.