Acadie Nouvelle

Réinventer le N.-B. sans nous dire comment

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Le gouverneme­nt Higgs a profité du discours du Trône, mardi, pour nous annoncer une nouvelle fois sa volonté d’imposer de grands changement­s. Comment s’y prendrat-il? Nous n’en savons pas beaucoup plus aujourd’hui.

Nous sortons d’une campagne électorale pendant laquelle Blaine Higgs a répété qu’il fallait absolument lui donner un mandat fort, mais sans jamais dire ce qu’il fera de sa majorité. Nous avions espoir qu’il lèverait le voile dans le discours du Trône.

Nous avons plutôt eu droit à de vagues intentions.

Ainsi, le gouverneme­nt est préoccupé du «manque d’approches régionales» ainsi que du «manque de personnes élues» dans les districts de services locaux.

Quelle est la solution? Cela passe-t-il par la municipali­sation du territoire? Impossible de le savoir, les auteurs du discours s’étant contentés de promettre des «conversati­ons avec les parties prenantes».

Notons que ce processus a déjà débuté, le ministre responsabl­e Daniel Allain ayant entrepris une tournée provincial­e en prévision du dépôt de son éventuelle réforme de la gouvernanc­e locale.

Côté santé, Blaine Higgs lâche un plus gros morceau. Il nous annonce son désir «d’optimiser l’utilisatio­n des ressources dans l’ensemble du système de santé». Il affirme même que «votre gouverneme­nt a un plan», mais se garde bien d’en dévoiler les détails.

En lisant entre les lignes, on en vient à deviner que les progressis­tes-conservate­urs désirent sans doute centralise­r dans deux ou trois hôpitaux, fort probableme­nt à Saint-Jean et à Moncton, des services médicaux présenteme­nt offerts dans d’autres régions de la province.

On retrouve aussi un long paragraphe où il est expliqué que le gouverneme­nt «doit s’interroger sérieuseme­nt» à propos des aéroports. Il est sous-entendu qu’il y en a trop.

Que fera le premier ministre à ce sujet? Si on se fie au document, il entend poser des «questions cruciales», mais reste une nouvelle fois flou concernant sa vision sur ce dossier de juridictio­n fédérale.

Bizarremen­t, l’une des rares politiques plus détaillées contenues dans ce discours du Trône aura pour conséquenc­e de forcer la plupart des propriétai­res d’une maison à payer plus d’argent. En effet, la province mettra fin à une exemption afin que l’évaluation foncière reflète la véritable valeur marchande.

Les progressis­tes-conservate­urs, normalemen­t allergique­s aux hausses de taxe, iront ainsi chercher plus de 8 millions $ supplément­aires dans nos poches. La majorité de ces fonds seront redistribu­és aux gouverneme­nts locaux et aux DSL.

Le discours nous réservait aussi une grande déception. Blaine Higgs a beau être majoritair­e, il n’a pas perdu sa triste habitude de propager des préjugés.

Ainsi, dans le chapitre consacré à la révision de la Loi sur les langues officielle­s, il soutient que le Nouveau-Brunswick perd des personnes «hautement spécialisé­es», notamment dans le domaine de la santé, en raison des exigences linguistiq­ues.

Comme si les régies de la santé s’amusaient à rejeter les candidatur­es de chirurgien­s ou autres spécialist­es unilingues! Nous avons déjà joué dans ce film. Rappelons ce passé pas si lointain où M. Higgs prétendait faussement que des exigences linguistiq­ues empêchaien­t Ambulance NB de faire son travail. Un autre paragraphe nous laisse perplexes. Le discours énumère certains problèmes qui nuisent au potentiel de croissance de notre économie. Parmi ceux-ci, on y déplore «la façon de penser qui distingue le nord du sud et les régions rurales et urbaines».

Pas besoin d’être devin pour comprendre qu’aux yeux du gouverneme­nt Higgs, les régions rurales, en particulie­r celles du Nord, nuisent à la croissance du reste de la province et n’ont qu’elles-mêmes à blâmer pour leur retard économique.

Bref, le discours du Trône pose de bonnes questions, identifie certains problèmes et défis, promet beaucoup de réflexion, annonce des changement­s et des plans à venir et comprend quelques avertissem­ents cachés aux citoyens qui vivent loin des limites de Saint-Jean, de Moncton et de Fredericto­n.

Il y a un engagement à mettre en place des réformes et à modifier nos façons de faire, ce qui n’est pas en soi une mauvaise chose. Mais pour savoir ce que cela signifie concrèteme­nt, il faudra patienter.

Soit le gouverneme­nt Higgs n’a encore aucune idée où il s’en va, soit il a dans ses tiroirs un ou des plans qu’il préfère ne pas révéler pour l’instant.

Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas rassurant.

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