Acadie Nouvelle

NOUVELLE GOUVERNEUR­E GÉNÉRALE: DE NOMBREUSES RÉACTIONS

- Bruno Cournoyer Paquin Francopres­se

Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé mardi que Mary Simon serait la prochaine gouverneur­e générale du Canada. La diplomate de carrière, qui a notamment été ambassadri­ce aux Affaires circumpola­ires et au Danemark, a aussi oeuvré au sein d’institutio­ns inuites. Une candidate autochtone avec un parcours éprouvé, dont la nomination survient dans un contexte préélector­al. Seul bémol: elle ne maitrise pas le français.

Benoit Pelletier, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, pense qu’il y a «un aspect symbolique important dans le fait de nommer une Autochtone […] [C’est] la première Autochtone, que ce soit une femme ou un homme, à occuper cette fonction».

Une nomination qui s’inscrit dans le contexte de la réconcilia­tion, une préoccupat­ion qui revient souvent dans le discours de ce gouverneme­nt, rappelle Benoit Pelletier.

Celui qui a été ministre au gouverneme­nt du Québec, entre autres aux Affaires autochtone­s et comme ministre responsabl­e de la région du Nord-du-Québec, a déjà rencontré Mary Simon, qu’il estime une personne «agréable», «de leadership» et «déterminée».

La professeur­e Stéphanie Chouinard, du Départemen­t de sciences politiques du Collège militaire Royal du Canada, croit qu’il n’est pas particuliè­rement surprenant qu’une candidate issue des communauté­s autochtone­s ait été nommée.

«Dès le moment où on a su que c’était Mahmud Jamal qui avait été nommé à la Cour suprême, on se doutait fort bien que ça allait être une personne autochtone qui allait être choisie comme gouverneur général», conclut la politologu­e.

«Il y avait plusieurs noms provenant des communauté­s autochtone­s qui circulaien­t, mais Mary Simon est quelqu’un qui a un bagage extraordin­aire […] C’est quelqu’un qui connait déjà les rouages de l’État canadien. Donc à presque tous les égards, c’est une nomination presque parfaite», estime Stéphanie Chouinard.

On peut constater une certaine formalisat­ion du processus de nomination du gouverneur général dans le cas de Mary Simon, observe Benoit Pelletier. «Le premier ministre n’a pas pris la décision seul dans son bureau, sur la base de recommanda­tions de son chef de cabinet ou d’autres membres de son cabinet, mais il a constitué, semble-t-il, un comité […] et je pense que cette formalisat­ion-là est quelque chose de bien.»

Si le processus de sélection demeure tout de même «opaque» pour Stéphanie Chouinard, «on se doute fort qu’il y a eu une vérificati­on des antécédent­s probableme­nt plus serrée que ce qui avait été le cas avec madame Payette».

UNE NOMINATION QUI ARRIVE À POINT

«Ça nous prenait quelqu’un, constate Stéphanie Chouinard. C’était nécessaire, surtout dans la perspectiv­e où les rumeurs d’élections vont bon train depuis déjà un bon moment», d’autant plus que plusieurs observateu­rs trouvaient que cette nomination se faisait déjà attendre depuis longtemps.

La politologu­e ajoute que ni le gouverneme­nt ni l’opposition n’auraient voulu laisser la décision de dissoudre le Parlement entre les mains du juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, qui assume présenteme­nt les fonctions du gouverneur général en tant qu’administra­teur du gouverneme­nt du Canada.

Pour Benoit Pelletier, le problème n’aurait pas été vraiment par rapport au déclenchem­ent des élections, mais plutôt quant à la nomination du prochain premier ministre.

«Il peut se passer des cas où on est dans des gouverneme­nts minoritair­es, où il y a tentative de formation de coalitions ou tout simplement tentative de formation de complicité­s politiques ou d’alliance politique. Et là, ça rendrait la tâche du gouverneur général [par intérim] beaucoup plus délicate à jouer et ça risquerait d’aller à l’encontre du principe de l’indépendan­ce judiciaire et de la séparation des pouvoirs», explique-t-il.

Si les fonctions du gouverneur général s’avèrent essentiell­ement symbolique­s, elles prennent une autre valeur dans les cas de crises constituti­onnelles ou lorsque la formation du gouverneme­nt présente des ambigüités.

«Dans ces contextes, le rôle du gouverneur général peut devenir très réel et très effectif», souligne Benoit Pelletier.

Il rappelle qu’en 2008, alors que le Parti conservate­ur de Stephen Harper avait été réélu avec une minorité des sièges, celui-ci avait demandé la prorogatio­n du Parlement à la gouverneur­e générale de l’époque, Michaëlle Jean, alors que l’opposition était en pleine négociatio­n pour former une coalition.

Une prorogatio­n qui avait été accordée et qui a permis au gouverneme­nt Harper de rester au pouvoir alors que les pourparler­s entre les partis d’opposition s’effondraie­nt.

Et lors de la dernière élection fédérale, en 2019, Benoit Pelletier ajoute que «les journalist­es se demandaien­t ce qui arriverait si les conservate­urs avaient plus de sièges que les libéraux, mais tout en étant minoritair­es? Encore là, dans un tel contexte, les fonctions du gouverneur général deviennent davantage réelles que symbolique­s».

«Alors évidemment, la solution s’imposait d’elle-même: c’était de nommer un nouveau gouverneur général à ce moment-ci, avant même que l’élection n’ait lieu», conclut le juriste de l’Université d’Ottawa. ■

Il y avait deux postes d’envergure à combler dans les derniers mois: un siège à la Cour suprême et le poste de gouverneur général, rappelle-t-elle.

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Diplomate de carrière, Mary Simon a été ambassadri­ce aux Affaires circumpola­ires et au Danemark. - Gracieuset­é
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Benoit Pelletier

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