Acadie Nouvelle

Incendies de forêt en C.-B.: des brûlages culturels autochtone­s recommandé­s

Des spécialist­es des incendies de forêt estiment que la Colombie-Britanniqu­e doit déclencher beaucoup plus de brûlages dirigés, à l’instar de la façon dont les communauté­s autochtone­s ont géré les forêts, pour atténuer le risque d’énormes incendies.

- Brenna Owen La Presse Canadienne

«Nous ne brûlons pas autant que nous le devrions», a déclaré Bob Gray, un écologiste du feu, basé à Chilliwack, en ColombieBr­itannique, qui est consultant pour les gouverneme­nts locaux, provinciau­x, étatiques et tribaux du Canada et des États-Unis.

La Colombie-Britanniqu­e devrait brûler des dizaines de milliers d’hectares chaque année pour réduire les forêts denses dont les sols sont parsemés de branches et de feuilles mortes, a déclaré M. Gray, tandis que le ministère des Forêts a indiqué qu’il brûlait en moyenne 5000 hectares par an de 2010 à 2019.

En tant que membre d’une équipe de recherche du service forestier américain dans l’État de Washington, Bob Gray a étudié à quoi ressemblai­ent les forêts et le comporteme­nt des incendies de forêt lorsque le brûlage autochtone était répandu, a-t-il affirmé en entrevue.

En discutant avec les aînés autochtone­s du moment et de l’endroit où ils ont pratiqué des brûlages, en examinant les premières photograph­ies aériennes et en comparant ces informatio­ns avec des signes physiques d’incendies sur les arbres, on a découvert une «mosaïque» sur le paysage avec des zones brûlées plus petites, des prairies, des arbres plus grands et plus espacés et une végétation variée, a-t-il dit.

M. Gray a comparé les incendies de forêt à une contagion qui peut être atténuée par l’inoculatio­n.

«Il y avait tellement de brûlages et cela a entraîné toutes sortes de types de végétation différents, et beaucoup d’entre eux ne supportaie­nt tout simplement pas très bien le feu, a-t-il déclaré. Et donc ce paysage historique a été essentiell­ement vacciné contre les incendies à grande échelle.»

L’incendie de forêt qui a détruit la majeure partie de Lytton, en Colombie-Britanniqu­e, le mois dernier a mis en lumière les stratégies du gouverneme­nt pour prévenir et gérer les incendies de forêt de plus en plus intenses qui, selon M. Gray, ne feront qu’empirer avec les changement­s climatique­s.

Amy Cardinal Christians­on, une chercheuse sur les incendies au Service canadien des forêts, a soutenu que la réduction de la végétation était un «avantage» du brûlage autochtone, mais qu’elle était motivée par des objectifs culturels – souvent pour améliorer les conditions de récolte ou de chasse des baies.

Mettre le feu à une prairie au début du printemps pour brûler l’herbe morte, par exemple, pourrait produire une végétation saine qui attirerait des orignaux et d’autres animaux dans la région, a déclaré Mme Christians­on, une Métisse du territoire visé par le Traité 8 dans le nord de l’Alberta.

Le brûlage culturel était une pratique familiale et, dans certaines communauté­s autochtone­s, était une expertise et un rôle spécifique transmis de génération en génération, a-t-elle déclaré.

Mme Christians­on a expliqué que les gardiens du feu recherchen­t des indices, tels que des aiguilles dodues d’épinette ou des baies qui poussent au printemps, pour déterminer si le moment est venu d’allumer un feu.

Les colons ont apporté une mentalité européenne pour la gestion des terres qui a mis fin aux brûlages, permettant aux arbres et au carburant d’empiéter sur la «mosaïque», a poursuivi Mme Christians­on, ajoutant que les anciens autochtone­s se souviennen­t que des personnes ont été condamnées à une amende ou emprisonné­es pour avoir déclenché des brûlages culturels.

La fin des brûlages a suivi les colons vers l’ouest, a-t-elle dit, et des brûlages culturels réguliers se produisaie­nt toujours dans des régions plus éloignées de la ColombieBr­itannique, jusque dans les années 1950 et 1960.

LE PROCESSUS D’APPROBATIO­N, UN OBSTACLE

Les communauté­s autochtone­s constatent toujours des obstacles au brûlage culturel, a noté Mme Christians­on, soulignant les longs processus d’approbatio­n et le manque de financemen­t régulier pour soutenir la transmissi­on des connaissan­ces entre les anciens et une nouvelle génération de gardiens du feu.

«C’est là que réside une partie de la frustratio­n, a-t-elle mentionné. Que nous devons ramener le brûlage culturel à une échelle beaucoup plus grande que vous savez: «brûlez ici, puis là».»

Le brûlage culturel est basé sur une observatio­n attentive et une connaissan­ce du paysage, a-t-elle déclaré, et les retards d’approbatio­n pourraient signifier de manquer une bonne occasion de brûler.

Certains gardiens du feu autochtone­s estiment qu’ils ne devraient pas avoir à obtenir l’approbatio­n d’un «système colonial», a déclaré Mme Christians­on. «Ils estiment qu’ils devraient pouvoir avoir leur propre certificat­ion au sein de leurs communauté­s, sur le brûlage.»

Russell Myers Ross a fait écho à ce sentiment. L’ancien chef élu du gouverneme­nt Yunesit’in s’efforce à ce que reprennent les brûlages culturels après que des incendies dévastateu­rs ont balayé le territoire de la Première Nation Tsilhqot’in à l’ouest de Williams Lake, en ColombieBr­itannique, en 2017.

«Je pense que la frustratio­n est que tant que vous avez des gens qui connaissen­t très bien la terre et ont de l’expérience avec le feu, nous ne devrions pas nécessaire­ment avoir à passer par tous ces cerceaux pour essayer d’obtenir les autorisati­ons», a-t-il expliqué.

M. Gray croit pour sa part qu’il devrait y avoir un chemin différent dans le système d’approbatio­n de la Colombie-Britanniqu­e pour les brûlages culturels à faible risque, comme ceux au printemps autour des zones riveraines ou à haute altitude, où il y a encore de l’humidité dans le sol.

La province a un «énorme problème de capacité» en ce qui concerne le financemen­t et la gestion des brûlages dirigés, a ajouté M. Gray, soulignant le manque de responsabl­e des travaux de brûlage qui sont certifiés.

La reprise des brûlages culturels est identifiée comme une priorité dans le projet de plan d’action de la ColombieBr­itannique pour la mise en oeuvre de la Déclaratio­n des Nations Unies sur les droits des peuples autochtone­s. ■

Cet article a été produit avec l’aide financière des Bourses Facebook et La Presse Canadienne pour les nouvelles.

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L’incendie de forêt qui a détruit la majeure partie de Lytton, en Colombie-Britanniqu­e, le mois dernier a mis en lumière les stratégies du gouverneme­nt pour prévenir et gérer les incendies de forêt de plus en plus intenses. - La Presse Canadienne: Darryl Dyck

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