Acadie Nouvelle

Confinées et confortabl­es, des femmes abandonnen­t le soutien-gorge

«À quoi ça sert, la brassière?» C’est la question que s’est posée Lissa Godin, sexologue montréalai­se, lors du confinemen­t contre la COVID-19.

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«Techniquem­ent, elle est censée te supporter au lieu de te restreindr­e», mais «il n’y a personne qui peut se sentir bien dans une cage à longueur de journée», a-t-elle fait remarquer en entrevue.

«Quand tu enlèves ton soutien-gorge à la fin de la journée et que tu te rends compte que tu respires, ce n’est pas normal.»

Alors que tous s’accommodai­ent tant bien que mal des aléas du télétravai­l, Mme Godin a d’abord décidé d’adopter des brassières «sans armature», pour ensuite les abandonner complèteme­nt.

«Comme je travaille par visioconfé­rence, ça n’a pas tant d’importance que ça, ce que je porte», s’est-elle dit.

Elle n’est pas la seule à avoir profité du confinemen­t pour remettre en question les normes vestimenta­ires féminines.

«Je l’ai entendu aussi de mes clientes», at-elle affirmé, et «les trois quarts des femmes autour de moi m’ont parlé de leurs brassières».

Emilie Guimond-Bélanger, une coach en développem­ent personnel âgée de 32 ans, a eu la même réflexion. Mettre un soutiengor­ge, c’est «une habitude qui s’est perdue» durant le confinemen­t, tout comme le port de talons hauts ou de rouge à lèvres.

«Ce sont des choses que je portais vraiment pour le paraître», a-t-elle expliqué en entrevue téléphoniq­ue, mais «après avoir passé 18 mois dans mes pantoufles, je ne suis plus autant préoccupée par ce dont j’ai l’air».

Ce n’est pas qu’elle ne se soucie plus du tout de son apparence, a-t-elle précisé, «mais c’est plus important pour moi que ça soit naturel et que je sois confortabl­e, plutôt que d’appartenir à une certaine norme».

PUDEUR

Le soutien-gorge, «je réalise que je ne le portais pas nécessaire­ment pour moi, mais je le portais pour une certaine pudeur en société, comme si c’était quelque chose qu’on ne devait pas montrer, d’avoir un mamelon qui sort un petit peu plus», a-t-elle confié.

«C’est ancré dans ce que j’ai appris, qu’il fallait cacher les mamelons, a renchéri Mme Godin. Ma génération, si tu ne portais pas de brassière, tu te le faisais dire.»

Les seins des femmes sont une caractéris­tique sexuelle secondaire, tout comme la pomme d’Adam ou la barbe. Pourtant, sur le réseau social Facebook, des images de mamelons féminins ne peuvent être partagées que sous certaines conditions, soit dans un contexte d’«actes de protestati­on», d’«allaitemen­t», de «cicatrices de mastectomi­e» ou d’«oeuvres d’art».

Les torses d’hommes, eux, ne font pas l’objet de telles restrictio­ns.

S’il existe une si grande gêne autour de la poitrine féminine, «c’est parce qu’on sexualise les mamelons des femmes», d’après Mme Godin, alors qu’«on en voit à longueur de journée, des mamelons chez les hommes».

Un tabou de ce genre, «c’est dur à déconstrui­re», a-t-elle déploré. Pourtant, les choses sont selon elle en train de changer, alors que maintenant, dans la rue, elle voit «beaucoup de femmes s’en foutre carrément».

Elle a cependant tenu à préciser qu’il est légitime d’adopter les soutiens-gorges de manière volontaire, notamment quand on a «besoin de ce soutien». Selon elle, la question est plutôt: «est-ce que tu as le droit de ne pas en porter?», car «le choix, des fois, il n’est pas là». ■

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De nombreuses femmes ont profité de la pandémie pour adopter des vêtements confortabl­es. - Archives

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